Politique

Initiative législative pour supprimer la version française du Journal Officiel en Algérie

Un projet de loi proposé prévoit des sanctions pénales pour garantir le respect de l'interdiction de publier le Journal Officiel en langue française.


Des députés de l’Assemblée populaire nationale algérienne (parlement) ont présenté un projet de loi visant à éliminer l’utilisation du français dans le Journal Officiel. Cette démarche reflète les tensions politiques croissantes et l’ampleur des désaccords avec la France. Elle s’inscrit dans le contexte de l’aggravation de la crise politique et diplomatique, qui semble désormais s’étendre au secteur culturel, notamment en réaction à ce que l’Algérie perçoit comme une volonté de la France de renforcer la francophonie en Afrique.

Bien que cette initiative législative se limite à l’interdiction du français dans le Journal Officiel, elle symbolise jusqu’où l’Algérie est prête à aller dans son bras de fer avec l’ancien colonisateur. En amplifiant les tensions et en accumulant les facteurs de conflit, l’Algérie semble croire que cette pression pourrait influencer la France, bien que des ministres français aient exprimé leur souhait d’apaiser les tensions et de discuter des questions litigieuses pour mettre fin à cette crise.

Cette proposition reflète l’intensité des tensions entre les deux pays, qui se manifestent maintenant dans le domaine culturel. Déjà, la plupart des ministères, y compris ceux de la Défense, ainsi que des administrations, institutions et entreprises officielles, ont abandonné le français dans leurs correspondances et signalétiques. Parallèlement, l’usage de l’arabe et de l’anglais s’est renforcé, notamment dans le système éducatif, y compris l’enseignement supérieur.

Les députés à l’origine de cette initiative ont expliqué que celle-ci vise à offrir une « protection juridique des constantes nationales » et à éliminer ce qu’ils appellent une « pollution juridique héritée des politiques coloniales françaises ».

Le projet, soutenu par 39 députés sous la direction de Zakaria Belkheir, membre du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), propose que le Journal Officiel soit publié exclusivement en arabe, avec la possibilité d’annexer des textes d’accords internationaux en anglais ou dans la langue du pays d’origine. Le texte, composé de 23 articles, propose également des sanctions pénales pour assurer l’application de cette interdiction.

Les promoteurs de cette initiative ont déclaré : « Il est inconcevable que les discussions, délibérations, votes et approbations des textes législatifs et réglementaires soient menés en arabe, mais qu’à la fin, ils soient publiés en arabe et en français. Nous ne pouvons pas laisser le temporaire devenir permanent après plus de 60 ans d’indépendance. »

Depuis quelques années, les autorités algériennes ont progressivement réduit l’usage du français. Depuis fin 2019, un programme a été mis en place pour renforcer l’enseignement de l’anglais à tous les niveaux, notamment dans les universités, ce qui a irrité la France, voyant cela comme un signal inquiétant de perte d’influence.

Les islamistes en Algérie reprochent aux partisans de la francophonie les difficultés rencontrées par l’arabe classique. Un rapport de l’Institut de Washington pour l’analyse des politiques indique que ce courant a réussi à freiner de nombreuses tentatives d’arabisation des administrations et institutions publiques, où le français reste dominant malgré son statut non officiel.

Ces développements surviennent dans un contexte de confrontation continue entre Alger et Paris, marqué par des différends politiques et culturels. L’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a encore exacerbé ces tensions.

Face au refus des autorités algériennes de libérer Sansal, détenu depuis décembre dernier, la France a sollicité le Parlement européen pour faire pression sur le gouvernement algérien. Cette intervention a suscité une vive réaction en Algérie, où des partis pro-gouvernementaux ont dénoncé toute ingérence étrangère.

Le Front de libération nationale (FLN), majoritaire au parlement, a qualifié la résolution de l’Union européenne d’« ingérence flagrante dans les affaires intérieures de l’Algérie » et d’« atteinte à sa souveraineté ». Le Rassemblement national démocratique a également critiqué cette résolution comme étant politiquement orientée, accusant des députés français, notamment Jordan Bardella, d’en être les instigateurs.

Enfin, l’Union nationale des journalistes algériens a dénoncé une « hostilité latente » de la part du Parlement européen, rejetant ce qu’elle a qualifié de « diffamations visant à discréditer l’Algérie ».

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