Politique

L’initiative atlantique renforce les chances du Maroc dans la compétition avec la Turquie et l’Iran

La Turquie cherche à renforcer son influence dans la région du Sahel africain à travers des contrats d'armement, tandis que Téhéran a conclu des accords de coopération avec le Burkina Faso dans les domaines de l'énergie, de l'urbanisme, de l'enseignement supérieur et de la construction


Avec le retrait de la France de la région du Sahel, le Maroc, la Turquie et l’Iran intensifient leurs initiatives vis-à-vis des régimes militaires au pouvoir dans la région, cherchant à diversifier leurs partenaires. Rabat accorde une importance capitale à la coopération avec les pays de la région et à l’établissement de liens dans le cadre de son engagement envers l’Afrique.

L’initiative lancée par le Maroc vise à faciliter l’accès du Niger, du Burkina Faso, du Mali et du Tchad à l’océan Atlantique, en vue d’établir des partenariats stratégiques.

Des avions de chasse aux hélicoptères de combat, le directeur de l’agence spatiale et aéronautique turque présente un catalogue attrayant aux régimes militaires luttant contre les groupes djihadistes.

Le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso rappelle que les armées de la région souffrent d’une pénurie chronique d’équipements. Pour eux, il s’agit de développer leurs capacités pour réduire leur dépendance envers les forces étrangères, notamment la France et d’autres pays occidentaux, qui sont déployées depuis plus de dix ans dans la région et refusent de fournir des équipements militaires aux armées accusées de violations des droits de l’homme.

Alors que les forces françaises faisaient leurs bagages, les drones fournis par la Turquie sont devenus des pièces essentielles pour les armées du Mali et du Burkina Faso, engagées dans un conflit inégal.

Ces frappes ont entraîné de lourdes pertes civiles, selon un rapport de Human Rights Watch en janvier, que les autorités ont nié.

Début 2024, le Mali a reçu une nouvelle livraison de drones turcs Bayraktar, très prisés pour leurs performances. Le PDG de la société fabricante a été décoré à Ouagadougou en avril 2022 sur ordre du puissant capitaine Ibrahim Traoré du Burkina Faso.

Federico Donelli, expert politique et auteur d’un livre sur l’influence turque en Afrique, explique que le secteur de la défense est le moteur de la politique étrangère turque dans les pays africains.

Alors que Moscou s’impose comme un allié clé des régimes militaires dans la région du Sahel, Ankara adopte une politique opportuniste et tente de se positionner en tant qu’alternative à l’Europe et à la Russie.

Le groupe de réflexion italien « Ispi » note que le précédent ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, a été « la première personnalité internationale de haut niveau à rencontrer le Conseil militaire au Mali après le coup d’État d’août 2020 ».

Ankara adopte également une approche conciliante avec le Conseil militaire du Niger, un pays clé pour la Turquie en raison de sa proximité avec la Libye, où Ankara a de nombreux intérêts.

Le Maroc a lancé une initiative concurrente et a annoncé en septembre qu’il était prêt à mettre en place des infrastructures routières, portuaires et ferroviaires à la disposition du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad. Ces trois premiers pays ont annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest fin janvier.

Le Maroc a dévoilé en novembre une initiative internationale visant à faciliter l’accès des pays de la région à l’océan Atlantique, et le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad se sont dits prêts à participer au programme, ce qui représente une opportunité historique pour leur décollage économique.

Un responsable gouvernemental nigérien a déclaré que la Turquie possède des capacités militaires, ajoutant que « nous entretenons d’excellentes relations avec le Maroc depuis notre indépendance, et cela est davantage lié au développement économique ».

Les relations entre le Niger et le Maroc connaissent un dynamisme remarquable, et la participation de Niamey à l’initiative atlantique internationale lancée par le roi Mohammed VI constitue une reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara.

Le Maroc et la Turquie, qui jouissent depuis longtemps d’une influence dans la région, pourraient être confrontés à une nouvelle concurrence de la part de l’Iran, qui a intensifié ses initiatives depuis 2020 et les coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

En octobre, Téhéran a conclu plusieurs accords de coopération avec le Burkina Faso, notamment dans les domaines de l’énergie, de l’urbanisme, de l’enseignement supérieur et de la construction.

L’expert économique de l’Institut international des relations et des stratégies, Thierry Coville, explique que la politique africaine de l’Iran se caractérise par un « langage révolutionnaire et une logique du tiers-monde opposée à l’impérialisme », avec des « arguments diplomatiques clairs » pour les pays qui se séparent du pouvoir colonial français.

Cependant, il ajoute que « les Iraniens signent des dizaines d’accords et aucun d’entre eux ne réussit, ils n’ont pas les financements nécessaires pour soutenir les accords, ni pour rivaliser sérieusement avec la Turquie ou l’Arabie saoudite ».

L’Iran, qui a augmenté sa production d’uranium enrichi à 60 % selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, pourra-t-il finalement viser les réserves d’uranium du Niger, actuellement exploitées par la société française Orano ? Un responsable gouvernemental nigérien répond : « Ce sont nos ressources, nous pouvons les vendre à qui nous voulons ».

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