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Kordofan saigne en silence : Enquête sur des crimes de purification ethnique dans les régions d’Al-Khuwai et Al-Hammadi


Dans les zones rurales du Soudan, déchirées par les lignes de front, se dévoilent les chapitres tragiques d’un drame humanitaire passé sous silence. Tandis que Khartoum et la plupart des capitales internationales concentrent leur attention sur le conflit opposant l’armée soudanaise aux Forces de soutien rapide, des opérations de purification ethnique systématique ciblent les civils désarmés issus des tribus de Dar Hamar et des Hawazma, dans les États du Nord et du Sud-Kordofan, sans que personne n’intervienne ou ne s’élève pour dénoncer ces crimes.

Cette enquête documente, compare et analyse les événements survenus dans la région d’Al-Khuwai (État du Nord-Kordofan) et celle d’Al-Hammadi (État du Sud-Kordofan), où les milices de l’armée islamiste et les milices d’Al-Baraa Ibn Malik ont perpétré des massacres atroces à l’encontre des habitants, utilisant des méthodes rappelant fortement les atrocités de l’organisation terroriste Daech en Irak et en Syrie.

Contexte géographique et politique

Les régions d’Al-Khuwai et d’Al-Hammadi occupent des positions stratégiques sur la carte des tensions tribales, politiques et militaires du Soudan.

Al-Khuwai, située à l’ouest d’El-Obeid, constitue un prolongement naturel de la tribu Dar Hamar, l’une des plus influentes du Nord-Kordofan, riche d’un poids historique, social et économique conséquent.

Quant à Al-Hammadi, elle se trouve dans une zone sensible du Sud-Kordofan. Elle est un bastion de la tribu Hawazma, qui a longtemps joué un rôle crucial dans les équilibres tribaux et militaires de la région.

Avec l’escalade du conflit entre l’armée et les Forces de soutien rapide, ces zones se sont transformées en champs de bataille secondaires opposant les milices islamistes et celles d’Al-Baraa Ibn Malik aux tribus considérées comme neutres ou supposées proches du soutien rapide – par conviction ou sous la contrainte.

Récit des massacres – Comment cela s’est-il produit ?

D’après des témoignages crédibles et des vidéos diffusées sur les réseaux locaux, ces milices ont mené des campagnes violentes de nettoyage ethnique, assassinant des civils de Dar Hamar et des Hawazma avec une brutalité extrême, dépassant les standards des guerres civiles.

À Al-Khuwai :
Des dizaines de civils ont été enlevés dans leurs maisons et exploitations agricoles, puis emmenés dans des lieux reculés. Là, ils ont été déshabillés et exécutés sommairement.

Des sources locales ont documenté des décapitations et des mutilations de corps – une reproduction glaçante des méthodes de Daech, provoquant une panique collective et un exode massif des habitants.

À Al-Hammadi :
Des jeunes hommes ont été exécutés dans des villages isolés, accusés à tort d’« héberger des éléments du soutien rapide ».

Des témoins rapportent que les assaillants utilisaient une rhétorique religieuse extrémiste pour justifier leurs actes, les qualifiant de « guerre contre les apostats ».

Le message était clair : toute personne non affiliée aux milices islamistes est un traître méritant la mort.

Des motivations déguisées et des prétextes fabriqués

Ces crimes ne peuvent être dissociés du contexte de rivalité politique et militaire. Les groupes armés cherchent à redessiner la carte des alliances et à contrôler les routes et ressources stratégiques.

À Al-Khuwai, la tribu Dar Hamar est accusée par les milices d’avoir permis au soutien rapide de s’emparer de la ville voisine d’Al-Nuhud par « silence et complicité ».

À Al-Hammadi, les Hawazma sont soupçonnés d’avoir fourni un soutien logistique aux Forces de soutien rapide dans leurs offensives au Sud-Kordofan.

Mais de nombreux observateurs estiment que ces accusations sont fabriquées de toutes pièces pour manipuler l’opinion et obtenir des gains illusoires dans une guerre davantage fondée sur la vengeance que sur la stratégie.

Un mimétisme avec Daech

Fait alarmant, les milices islamistes et celles d’Al-Baraa Ibn Malik reprennent à leur compte les techniques de propagande et les tactiques de Daech :

Ces méthodes signalent un tournant dangereux dans l’action des milices islamistes au Soudan, qui adoptent désormais une idéologie transfrontalière radicale, incapable de distinguer entre adversaire politique, ennemi tribal ou simple civil.

Silence de l’État et complicité militaire

Face à ces horreurs, aucune déclaration officielle n’a été émise par les autorités nationales ou locales. Aucun procès, aucune enquête n’ont été ouverts.

Pire encore, certaines sources affirment que des officiers de l’armée soudanaise sont informés – voire impliqués – dans ces opérations, dans le but de contraindre les tribus à rompre avec les Forces de soutien rapide.

À cela s’ajoute l’inaction des organisations internationales et régionales, qui se contentent de déclarations générales sur « la situation humanitaire » au Soudan, sans aborder la réalité des crimes à Al-Khuwai et Al-Hammadi.

Conséquences possibles

L’impunité de ces crimes pourrait mener à une explosion de la situation au Kordofan sur fond de vengeances intertribales, menaçant :

Vers une justice possible ?

Les crimes commis à Al-Khuwai et Al-Hammadi ne relèvent ni de bavures ni de représailles. Il s’agit de crimes contre l’humanité au sens du droit international.

Si la justice soudanaise, la Cour pénale internationale et les ONG ne se mobilisent pas pour identifier et juger les responsables, les ténèbres qui s’étendent sur les marges du Kordofan risquent de gagner tout le Soudan.

Plus que jamais, le pays a besoin d’un cessez-le-feu durable, du démantèlement des milices, et de la refondation de l’État sur les bases de la citoyenneté, de la justice et non du sectarisme ou de la loyauté aveugle.

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