Une loi américaine imminente pourrait classer le Polisario comme organisation terroriste

Selon une évaluation américaine, les menaces émanant du Front Polisario reposent sur l’existence d’un sanctuaire sécurisé en Algérie, l’aide militaire croissante de l’Iran, le développement de l’influence russe, ainsi qu’un système économique illicite bien établi dans la région du Sahel, interconnecté avec les flux de financement du jihadisme.
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Le député républicain Joe Wilson, représentant la Caroline du Sud, a annoncé jeudi sur son compte officiel sur la plateforme X (anciennement Twitter) que Washington s’apprête à adopter une législation visant à classer le Front Polisario comme organisation terroriste. Bien qu’il n’ait pas précisé de date exacte, il a indiqué que l’ancien président Donald Trump prendrait en charge ce dossier, signe que la question pourrait bientôt faire son retour dans l’arène législative américaine.
Les États-Unis avaient déjà laissé entendre qu’un tel classement pourrait être envisagé si le Polisario ne s’engageait pas sérieusement dans une résolution du conflit du Sahara, selon l’approche de Rabat qui propose une autonomie sous souveraineté marocaine. Cette initiative bénéficie d’un soutien international croissant.
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L’initiative du député Wilson représente une avancée majeure, reflétant une pression accrue sur le Polisario et ses alliés. Elle marque un tournant possible dans les dynamiques diplomatiques liées à la question du Sahara Marocain, avec des répercussions sécuritaires et géopolitiques importantes pour la région.
La déclaration de Wilson intervient après la publication d’une analyse approfondie rédigée par Robert Greenway, directeur du Centre Allison pour la sécurité nationale, et par Emina Golidi, chercheuse invitée à l’Institut Shelby Cullom Davis, tous deux affiliés à la Heritage Foundation. L’analyse a été publiée dans The Daily Signal le 21 mai.
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Selon cette analyse, en avril dernier, Joe Wilson s’est engagé à proposer une législation classant le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, comme entité terroriste. Ce projet constitue un test crucial de la volonté de Washington de faire face aux groupes terroristes opérant sur le flanc sud de l’OTAN.
Aujourd’hui, le Polisario utilise des drones de fabrication iranienne, partage des routes sahariennes avec des convois d’approvisionnement liés à des agents russes, et impose des taxes sur les voies de contrebande qui alimentent les groupes jihadistes au Sahel. Le tout à proximité du détroit stratégique de Gibraltar.
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Les États-Unis ont déjà négligé cette menace par le passé. En 1988, deux avions de l’USAID ont été abattus par des missiles du Polisario, causant la mort de cinq Américains. Washington n’avait alors pris aucune mesure de rétorsion.
Le projet de loi de Wilson pose donc une alternative claire : continuer de fermer les yeux ou reconnaître enfin le Polisario comme la menace par procuration qu’il représente aujourd’hui.
Depuis l’incident de 1988, le contexte géopolitique a profondément évolué. En novembre 2020, le Polisario s’est unilatéralement retiré du cessez-le-feu conclu en 1991 sous l’égide de l’ONU. Il a alors déclaré la zone en guerre, relancé des tirs de roquettes contre le mur de défense marocain long de 1 700 km, et menacé les entreprises et missions diplomatiques étrangères opérant dans la région.
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Les menaces du Polisario reposent sur trois piliers renforcés mutuellement : l’appui militaire iranien, l’influence croissante de la Russie, et l’économie souterraine florissante du Sahel. À cela s’ajoute le sanctuaire sécurisé fourni par l’Algérie, qui permet au Polisario d’opérer à l’abri des regards.
Le soutien logistique et financier de l’Algérie – allant de la couverture salariale au financement de campagnes de lobbying aux États-Unis – permet au Polisario de maintenir une infrastructure militaire importante.
Bien qu’actuellement 8 000 combattants soient actifs, des évaluations militaires suggèrent que les camps du Polisario pourraient en mobiliser jusqu’à 40 000. Cette capacité humaine représente un vivier de recrutement, déjà ciblé par les réseaux jihadistes
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L’Iran joue également un rôle de plus en plus actif dans le soutien au Front Polisario, un rôle désormais documenté de manière croissante. Ce rapprochement remonte au moins à 1980, lorsque des combattants du Polisario ont été filmés par des médias internationaux brandissant le portrait de l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, dans une tentative précoce de s’assurer une légitimité révolutionnaire et le parrainage de l’Iran.
Un début de coopération opérationnelle a déjà été observé : en 2018, le magazine français Jeune Afrique a identifié trois officiers du Hezbollah comme formateurs présents à Tindouf. L’un d’eux, jusqu’à son élimination lors d’une frappe aérienne israélienne en Syrie en novembre, figurait sur la liste des sanctions américaines pour son implication dans une attaque à Karbala en 2008 qui avait causé la mort de cinq soldats américains.
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Depuis, il semblerait que Téhéran ait évolué de la formation vers la fourniture d’équipements. En 2022, dans une apparition publique, le ministre de l’Intérieur du Polisario, Omar Mansour, a affirmé que ses combattants « s’entraînaient à assembler et utiliser des drones armés ». Treize mois plus tard, des chaînes de communication affiliées au Polisario ont publié des images de munitions identifiées par des chercheurs en armement et des analystes open-source comme étant d’origine iranienne.
Des médias régionaux ont également lié ces mêmes munitions aux frappes qui ont tué trois civils à Smara, au Maroc, en 2023. Selon des documents de renseignement occidentaux cités par le quotidien allemand Die Welt, une conversation cryptée datée du 23 octobre 2023 révèle que le représentant du Polisario, Moustapha Mohamed El Amine El Kettab, a félicité un agent du Hezbollah pour l’attaque du Hamas du 7 octobre, promettant que « la résistance… s’embrasera au Sahara Marocain » dès réception de nouveaux financements et technologies.
Parallèlement, Moscou a poursuivi discrètement mais fermement ses contacts avec le Polisario. Depuis 2015, des représentants du mouvement participent régulièrement aux conférences du Mouvement russe contre la mondialisation, organisées par Alexandre Ionov – accusé par le Département de la Justice américain en 2022 de mener des opérations d’influence pour les services de renseignement russes (FSB).
Une photo prise en 2016 montre le représentant du Polisario à Moscou, Ali Salem Mohamed Fadel, aux côtés de vétérans des milices séparatistes du Donbass – un groupe dans lequel la société Wagner a par la suite recruté bon nombre de combattants syriens.
Bien qu’aucune preuve formelle de transfert d’armes ou de coordination militaire entre le Polisario et les groupes armés liés à Moscou n’ait été apportée, les convois de Wagner aujourd’hui présents au Mali et au Niger empruntent les mêmes routes désertiques autrefois dominées par les réseaux de contrebande liés au Polisario, suggérant l’existence d’un potentiel corridor logistique mobilisable par le Kremlin.
Le rôle historique du Polisario dans l’économie illicite du Sahel alimente désormais directement des circuits de financement et de recrutement djihadistes. Des dirigeants sahraouis supervisent des flux massifs de cannabis vers l’est, de cocaïne vers le nord et d’armes libyennes vers l’ouest, tandis que des « taxes » de passage alimentent les caisses d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
Ce schéma d’interconnexion a été mis en garde par le Centre d’études stratégiques pour l’Afrique du Département de la Défense des États-Unis, estimant qu’il pourrait offrir aux groupes terroristes l’opportunité de restaurer leur implantation.
Un rapport de 2010 du Small Arms Survey avait déjà établi que des caches d’armes en Mauritanie provenaient des arsenaux du Polisario. En 2012, la Fondation Carnegie a cartographié les routes de la cocaïne facilitée par des Sahraouis, qui ont ensuite servi au financement de cellules extrémistes. Ces itinéraires convergent encore aujourd’hui vers Tindouf, devenue un carrefour saharien où contrebandiers, logisticiens du Polisario et trafiquants d’armes terroristes échangent cargaisons et renseignements.
Cette fusion prend corps dans la figure d’Adnan Abou Walid al-Sahraoui, ancien formé dans les rangs du Polisario, fondateur de l’État islamique au Grand Sahara, responsable de plusieurs raids meurtriers au Mali et au Niger avant d’être tué par les forces françaises en 2021.
Les enlèvements et saisies de drogue passées ont permis de retracer des circuits de rançon convergeant vers ces mêmes réseaux sahraouis, illustrant comment un mouvement à vocation nationaliste agit désormais comme une plateforme de financement et de logistique djihadiste.
Avec le renforcement de ses capacités militaires, le discours du Polisario s’est radicalisé. En novembre 2021, l’agence de presse du Front a publié un communiqué avertissant plus d’une douzaine d’entreprises espagnoles, dont Siemens Gamesa et Acciona – employant des milliers d’Américains –, que « l’ensemble du territoire se transformerait en enfer et en guerre ».
Ce langage s’est intensifié : d’abord lors du forum d’investissement de Dakhla en avril 2024, où un émissaire a menacé de « pertes humaines et matérielles », puis en avril 2025, lorsque le Polisario a déclaré que tout investisseur ou touriste pénétrant le Sahara ne serait plus considéré comme « innocent ou civil ».
Le discours iranien fournit le contexte plus large. Le 23 décembre 2023, le général de brigade Mohammad Reza Naqdi des Gardiens de la révolution a menacé de « fermer la Méditerranée et le détroit de Gibraltar » si les États-Unis et leurs alliés poursuivaient leurs offensives à Gaza – un rappel explicite que l’axe anti-occidental considère l’ouest méditerranéen comme un levier stratégique. Permettre à l’Iran de renforcer sa présence indirecte au sud de Gibraltar reviendrait à lui offrir un moyen de pression supplémentaire.
Sous les deux mandats de Donald Trump, les États-Unis ont soutenu la proposition marocaine d’autonomie comme « seule solution réaliste » au conflit saharien. Mais ce processus diplomatique doit impérativement s’accompagner d’une stratégie sécuritaire adaptée à la réalité d’un Polisario militarisé, lié à des réseaux iraniens, à des relais russes et à des circuits terroristes et criminels du Sahel.