Menaces de l’armée soudanaise envers ses voisins : une distraction interne qui menace la stabilité régionale

Les menaces proférées par l’armée soudanaise à l’encontre du Tchad et du Sud-Soudan cachent-elles un « désespoir interne » ou une « aventure régionale impréparée » ?
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Ces questions ont émergé à la suite des déclarations de Yasser Al-Atta, le numéro deux du Conseil souverain militaire, qui a menacé de frapper les aéroports tchadiens et les « centres d’influence » à Juba, lors d’un discours « quasi militaire ».
Le membre du Conseil souverain soudanais et assistant du commandant en chef de l’armée, Yasser Al-Atta, a déclaré : « Nous vengerons le président tchadien Mahamat Idriss Déby, et nous lui faisons savoir que les aéroports de N’Djamena et d’Am Jarass sont des cibles légitimes pour les forces armées soudanaises. »
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Il a également attaqué ce qu’il appelait les « centres d’influence » dans le Sud-Soudan.
Al-Atta a pris l’habitude de dénoncer les pays voisins et de les accuser de soutenir les Forces de soutien rapide, accusant le Tchad, en novembre 2023, d’utiliser l’aéroport d’Am Jarass pour fournir des ravitaillements à ces forces.
Il a également accusé l’Ouganda, la République centrafricaine et le Kenya de soutenir les Forces de soutien rapide.
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Réactions officielles
Le ministère tchadien des Affaires étrangères a, dans un communiqué, estimé que les propos de Yasser Al-Atta constituaient un « déclaration de guerre », avec toutes les conséquences qui en découlent.
Il a précisé qu’il avait pris « très au sérieux » les déclarations de Yasser Al-Atta qui incluaient…
Quant au Sud-Soudan, son ministère des Affaires étrangères a formellement protesté contre les déclarations d’Al-Atta, en indiquant qu’il « prendrait des mesures pour protéger ses citoyens et contrer toute agression ».
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Le ministère a convoqué l’ambassadeur du Soudan à Juba, Essam Karrar, pour lui remettre une protestation officielle concernant ces déclarations.
Créer un ennemi imaginaire ou une escalade calculée ?
Les propos de Yasser Al-Atta révèlent des vérités inquiétantes, notamment :
- Une mentalité de siège régissant les militaires soudanais, avec un retour du scénario de « l’ennemi extérieur » comme couverture pour l’échec dans la lutte contre les Forces de soutien rapide.
- La crise du régime à Port-Soudan qui pousse à se mettre à dos les anciens alliés dans une tentative désespérée de transformer la guerre civile en un conflit régional.
- Un pari risqué sur le fait que les réponses internationales seront en faveur de Khartoum, alors que les faits montrent que la région ne peut plus supporter des guerres par procuration.
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À cet égard, Atim Simon, analyste politique du Sud-Soudan, a expliqué que « Yasser Al-Atta tente de reproduire l’expérience du régime déchu dirigé par l’ancien président Omar El-Béchir, en tentant de créer une cohésion interne basée sur l’hostilité envers les pays voisins. »
Simon a ajouté que « Yasser Al-Atta veut créer une illusion de victoire et d’euphorie en se lançant dans de nouveaux combats après avoir pris le palais présidentiel à Khartoum. »
Tout en soulignant que Juba « a des intérêts importants avec le Soudan », Simon a averti que « cette vague d’hostilité pourrait sérieusement endommager les relations » entre les deux pays, et que de telles déclarations pourraient pousser certains courants au Sud-Soudan à remettre en question la pertinence de maintenir des relations avec le Soudan, en passant à des affrontements directs et en cherchant à couper l’approvisionnement en pétrole, créant ainsi un nouvel ordre économique loin de Khartoum.
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« Une menace irresponsable et un embrasement régional »
De son côté, l’écrivain et analyste politique soudanais, Mohamed Al-Mokhtar, estime que les menaces de Yasser Al-Atta reflètent la confusion du régime en place à Port-Soudan, qui tente d’étendre le conflit interne en un affrontement régional.
Al-Mokhtar a déclaré : « Ce sont des menaces irresponsables qui menacent la sécurité et la paix dans la région et auront des conséquences durables. Elles reflètent la confusion du groupe de Port-Soudan qui obéit aux ordres du mouvement islamiste ayant déclenché la guerre pour réaliser un agenda spécifique et en a façonné un récit totalement trompeur après avoir échappé à une guerre totale. »
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Il a ajouté que « certains pays soutenant les autorités soudanaises pourraient réévaluer leurs positions après ces menaces, surtout si la crainte d’une transformation de la région en une zone de conflit ouvert se renforce. »
Qu’est-ce qui attend le Soudan ?
De son côté, l’écrivain et analyste stratégique, Taj Al-Sir Othman, estime que les propos de Yasser Al-Atta « menacent d’enflammer la région », en soulignant que « la guerre a dévasté le pays et menace de le diviser ».
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Dans un article publié dans le journal soudanais « Al-Tagheer », Othman a considéré que ces « menaces de frapper des objectifs militaires au Tchad allumeront les flammes de la guerre dans la région. »
Il a écrit : « La gravité de cette situation, qui prolonge la guerre et ses destructions, exige une intensification de la lutte populaire à l’intérieur et à l’extérieur pour mettre fin à la guerre, récupérer la révolution, obtenir un gouvernement civil démocratique, dissoudre toutes les milices, établir une armée nationale professionnelle unifiée sous le contrôle du gouvernement civil, améliorer les conditions de vie, économiques, sanitaires et sécuritaires, et permettre aux déplacés de retourner chez eux, dans leurs villages et villes, tout en reconstruisant ce qui a été détruit par la guerre. »