Politique

Le projet atlantique marocain : une bouée de sauvetage pour les pays du Sahel face aux crises


Le Maroc accorde une importance majeure à la mise en œuvre de l’Initiative d’accès à l’Atlantique, dans le cadre de son engagement envers son ancrage africain.

Le Royaume propose un projet d’envergure visant à offrir aux pays enclavés de la région du Sahel un accès maritime à l’océan Atlantique via un réseau de routes s’étendant sur des milliers de kilomètres. Ce projet représente un véritable salut économique et politique pour ces États confrontés à de multiples défis dans une région marquée par des bouleversements géopolitiques et la présence de groupes armés.

Ce projet a été annoncé par le roi Mohammed VI dans un discours en 2023, dans lequel il déclarait : « Nous proposons le lancement d’une initiative à l’échelle internationale visant à permettre aux pays du Sahel d’accéder à l’océan Atlantique », qui borde les côtes du Sahara marocain.

Rabat cherche ainsi à renforcer son influence sur le continent africain tout en impulsant une dynamique de développement dans le Sahara marocain, géographiquement proche des pays sahéliens, au moment où les relations entre l’Algérie et ces derniers traversent une période de tensions.

Le Maroc place cette initiative au cœur de son engagement panafricain et aspire à devenir un pont entre les deux rives de l’Atlantique pour favoriser une réponse collective aux défis communs des pays africains, en particulier ceux de la façade atlantique.

Le projet s’inscrit dans un contexte de transformations majeures au Mali, au Burkina Faso et au Niger, trois pays riches en ressources naturelles, dirigés par des régimes militaires issus de coups d’État entre 2020 et 2023, et qui se sont rapprochés de la Russie après avoir rompu avec la France, leur ancienne puissance coloniale.

Ces bouleversements ont entraîné des sanctions de la part de l’Union africaine et de la CEDEAO, accentuant l’isolement des trois pays.

Le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré, a déclaré à Rabat fin avril, après avoir été reçu avec ses homologues burkinabè et malien par le roi Mohammed VI, que le Maroc fut « l’un des premiers pays à faire preuve de compréhension alors que la CEDEAO et d’autres États envisageaient une guerre contre nous ».

Les trois ministres ont alors exprimé leur volonté d’« accélérer » la mise en œuvre du projet. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont formé en septembre 2023 l’Alliance des États du Sahel.

Actuellement, ces pays dépendent des ports de plusieurs États membres de la CEDEAO (Bénin, Togo, Sénégal, Côte d’Ivoire et Ghana), mais la détérioration de leurs relations avec ces pays menace leur accès à ces infrastructures.

Ils entretiennent également des tensions avec l’Algérie au nord, pays avec lequel ils ont rappelé leurs ambassadeurs début avril, après avoir accusé Alger d’avoir abattu un drone militaire malien dans le nord du Mali, près de la frontière algérienne, fin mars.

Le succès diplomatique du Maroc a déstabilisé l’Algérie, car le projet d’accès des pays sahéliens à l’Atlantique accentue l’isolement d’Alger et lui retire des cartes géostratégiques dans la région, notamment face à ses différends diplomatiques avec plusieurs États africains, notamment le Mali.

Dans ce contexte, la chercheuse Beatriz Meza de l’Université Internationale de Rabat évoque également « l’échec » des opérations européennes dans la région, telles que l’opération Barkhane, et estime que le Maroc, formant un « triangle stratégique » avec l’Afrique et l’Occident, « profite de ces échecs en se positionnant comme un partenaire fiable pour l’Europe et pour l’Afrique ».

Selon le magazine marocain spécialisé Afrique en Mouvement, les États-Unis, la France et certains pays du Golfe pourraient participer au financement du projet, ayant officiellement exprimé leur soutien à l’initiative.

Le projet prévoit un réseau routier reliant le Maroc au Tchad, au Niger, au Mali, au Burkina Faso et à la Mauritanie, pour un coût estimé à environ un milliard de dollars, selon Abdellamalek Alaoui, président de l’Institut marocain d’intelligence stratégique.

Le Tchad, situé à près de 3 000 km du Maroc, paraît toutefois « moins impliqué » dans le projet que le trio sahélien, selon Sidiki Abba, président du Centre international d’études et de réflexion sur le Sahel.

Ce dernier note qu’ »il reste encore des étapes à franchir », notamment en raison de l’absence actuelle de réseau routier ou ferroviaire structuré et du faible nombre de véhicules dans ces pays. Toutefois, des plans ambitieux sont déjà en cours d’exécution côté marocain.

D’après Reda Lyammouri du Centre pour les politiques du Sud Nouveau, une nouvelle route entre le Maroc et la Mauritanie est « en voie d’achèvement », tandis que Nouakchott travaille à assurer la continuité du corridor sur son territoire.

Mais la réalisation de cette infrastructure dépend fortement de la stabilité sécuritaire dans le Sahel, prévient Alaoui : « S’il y a des troubles, les travaux s’arrêtent de fait », sachant que la région reste sujette à des attaques jihadistes récurrentes.

Concernant l’import-export, le projet repose également sur le futur port en eaux profondes de Dakhla Atlantique, conçu dans le cadre du développement du Sahara marocain.

Lancé fin 2021 pour un coût estimé à 1,2 milliard d’euros, ce port situé à El Argoub, au cœur de la région, est achevé à 38 % et devrait entrer en service d’ici 2028.

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