Pourquoi l’Europe a-t-elle abandonné le plan des avoirs russes ?
Pourquoi l’Europe a-t-elle renoncé à utiliser les avoirs russes gelés pour financer l’Ukraine, alors même que ce mécanisme aurait permis d’épargner au budget du bloc une charge financière supplémentaire ?
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La question se pose avec acuité à la lumière de l’incapacité des dirigeants de l’Union européenne à trouver un compromis sur l’utilisation des avoirs russes gelés afin de garantir les financements nécessaires à Kiev, préférant se tourner vers une option plus contraignante pour un ensemble déjà soumis à de fortes pressions depuis le déclenchement de la guerre sur son flanc oriental.
Vendredi, les dirigeants de l’Union européenne sont parvenus à un accord portant sur l’octroi d’un prêt de 90 milliards d’euros à l’Ukraine afin de combler le déficit budgétaire attendu.
Cet accord, conclu peu avant minuit lors des discussions du sommet européen à Bruxelles, constitue une véritable bouée de sauvetage pour Kiev, à un moment où le président américain Donald Trump exerce des pressions en faveur d’un accord rapide mettant fin à une guerre qui dure depuis près de quatre ans.
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Qu’est-ce qui a donc provoqué un tel changement de cap en Europe ?
Il est apparu clairement que plusieurs dirigeants européens se montraient dès le départ réticents à l’égard de ce mécanisme, en particulier la Belgique et l’Italie, conscientes qu’une telle option soulève de nombreuses difficultés, tant à court terme qu’à plus long terme.
L’experte en droit international Charlotte Bussière a déclaré à l’Agence France-Presse que l’utilisation des avoirs russes pour garantir un prêt à l’Ukraine constituerait un « mécanisme inédit », qui aurait exigé de Bruxelles un encadrement juridique extrêmement précis afin d’éviter tout dérapage futur.
Bien que « l’avantage de ce mécanisme réside dans le fait que les avoirs russes ne seraient pas confisqués, mais utilisés comme garantie » par l’Union européenne pour prêter des fonds à l’Ukraine — lesquels seraient remboursés par Kiev si Moscou versait des réparations à l’issue de la guerre —, cette solution n’en soulève pas moins d’importants défis.
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Ce mécanisme repose ainsi sur une « anticipation de la phase qui suit traditionnellement la cessation d’un conflit armé, à savoir la phase des réparations, durant laquelle les dommages sont évalués et les comptes réglés ».
Selon cette universitaire française, l’Union européenne devrait « faire preuve d’une extrême clarté quant à la logique du droit international sur laquelle repose cette proposition », ainsi qu’au caractère « totalement exceptionnel » de la situation.
Elle a également souligné que ce mécanisme pose « un défi à long terme, celui de créer un précédent » sur lequel d’autres États pourraient s’appuyer pour recourir de manière unilatérale aux avoirs étrangers.
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Charlotte Bussière a averti qu’« il serait regrettable que d’autres pays utilisent le même raisonnement pour justifier des mesures injustifiables. Ce risque existe toujours ».
L’universitaire a également indiqué qu’il convenait d’anticiper une riposte économique de la Russie ainsi qu’une éventuelle perte financière pour l’Union européenne.
Enfin, se pose un problème de « réputation » pour l’institution financière Euroclear, basée à Bruxelles et détentrice de la majorité des avoirs russes gelés, ainsi qu’une question de confiance plus générale à l’égard des dépôts financiers en Europe.
Charlotte Bussière a toutefois précisé que « les arguments sur ce point sont eux aussi très contradictoires », certains juristes estimant que la situation est exceptionnelle et que, par conséquent, les acteurs économiques, rarement impliqués dans des violations aussi graves du droit international, n’ont pas de raisons particulières de s’inquiéter.
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