Santé

L’excès de cannelle : un danger insoupçonné pour la santé du foie

 


La cannelle, cette épice aromatique au parfum envoûtant, occupe depuis l’Antiquité une place privilégiée dans les cuisines et les pharmacopées du monde entier. Utilisée par les Égyptiens dans les rituels funéraires, par les Chinois comme remède traditionnel et par les Européens médiévaux comme symbole de richesse et de prestige, elle incarne à la fois un produit de luxe, un ingrédient culinaire et un médicament naturel. Cependant, derrière son image bienveillante se cache une réalité moins connue : l’excès de consommation, notamment de la cannelle de Cassia, peut avoir des conséquences délétères sur la santé hépatique.

Les variétés de cannelle et leurs différences

Il existe principalement deux variétés de cannelle commercialisées dans le monde :

  1. La cannelle de Ceylan (Cinnamomum verum) : Originaire du Sri Lanka, elle est plus douce en goût, plus friable, et contient une quantité très faible de coumarine. Elle est considérée comme la variété la plus sûre pour une consommation régulière. 
  2. La cannelle de Cassia (Cinnamomum cassia ou Cinnamomum aromaticum) : Majoritairement cultivée en Chine, en Indonésie et au Vietnam, elle est plus robuste, plus amère et beaucoup plus riche en coumarine. Son prix plus abordable explique sa large diffusion dans les marchés mondiaux. 

Cette distinction n’est pas anodine, car elle conditionne directement l’impact de la cannelle sur le foie.

La coumarine : allié naturel ou toxine silencieuse ?

La coumarine est une molécule naturellement présente dans plusieurs plantes. Elle possède certaines propriétés bénéfiques, notamment anticoagulantes et aromatiques, ce qui explique son usage historique. Mais en excès, elle devient une toxine puissante.

  • Mécanisme toxique : La coumarine est métabolisée par le foie. Lorsqu’elle est ingérée en quantité excessive, ses métabolites intermédiaires, notamment l’orthohydroxycoumarine, exercent une action cytotoxique sur les hépatocytes. 
  • Conséquences cliniques : augmentation des enzymes hépatiques (transaminases), hépatite toxique, fibrose hépatique à long terme. Dans les cas graves, une insuffisance hépatique peut survenir. 
  • Facteurs génétiques : certaines populations possèdent des variants enzymatiques (polymorphismes du cytochrome P450) les rendant plus vulnérables aux effets toxiques de la coumarine. 

Les seuils de sécurité et les recommandations internationales

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et d’autres organismes sanitaires ont fixé une dose journalière tolérable (DJT) de 0,1 mg de coumarine par kilogramme de poids corporel. Cela signifie qu’un adulte de 70 kg ne devrait pas dépasser 7 mg de coumarine par jour.

Or, une seule cuillère à café de cannelle de Cassia peut contenir jusqu’à 5 mg de coumarine, ce qui signifie qu’une consommation quotidienne de pâtisseries ou boissons épicées peut rapidement dépasser ce seuil.

Populations à risque

  1. Les enfants : leur foie étant encore en développement, ils sont plus sensibles aux toxines. 
  2. Les patients atteints de maladies chroniques du foie (hépatite virale, stéatose hépatique, cirrhose). 
  3. Les consommateurs de compléments alimentaires à base de cannelle destinés au contrôle de la glycémie ou de l’appétit. 
  4. Les personnes poly-médicamentées : les interactions entre la coumarine et certains médicaments (statines, anticoagulants, anti-inflammatoires) peuvent accentuer le risque hépatotoxique. 

Études cliniques et cas documentés

  • Une étude allemande a montré que des enfants ayant consommé régulièrement des biscuits à la cannelle durant la période de Noël présentaient des taux de coumarine dépassant les seuils recommandés. 
  • Des cas isolés d’hépatite toxique ont été rapportés chez des adultes utilisant des compléments alimentaires riches en cannelle. Les symptômes incluaient fatigue, jaunisse et douleurs abdominales, avec une amélioration après l’arrêt de la consommation. 

Au-delà du foie : autres effets potentiels

Bien que l’attention se concentre sur le foie, l’excès de cannelle peut également provoquer :

  • des irritations de la muqueuse buccale et digestive, 
  • des réactions allergiques cutanées, 
  • une interaction avec la coagulation sanguine, en particulier chez les patients sous anticoagulants. 

Bonnes pratiques et alternatives

La cannelle illustre la dualité de nombreuses plantes médicinales : bénéfique à petite dose, dangereuse à forte concentration. Si elle reste un atout culinaire et thérapeutique indéniable, elle doit être utilisée avec discernement. La sensibilisation du public aux différences entre Cassia et Ceylan, ainsi qu’aux risques liés à la coumarine, constitue une priorité. Ainsi, la cannelle pourra continuer à enchanter les palais sans menacer la santé du foie.

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