Pas d’écran avant l’âge de deux ans
En tant qu’optométriste et spécialiste de la santé oculaire, cette découverte m’attriste à chaque fois, car je connais tous les effets nocifs que peut avoir une telle exposition aux outils électroniques.
Et ces impacts sont d’autant plus cruciaux au cours des premières années de la vie, tant visuellement que sur le développement cognitif et social de l’enfant.
Le développement visuel de l’enfant
L’oeil humain se développe par stimulation. La qualité du stimulus optique influence la croissance du globe oculaire, suivant un mécanisme complexe et équilibré. A la naissance, l’oeil est clairvoyant, c’est-à-dire que sa puissance n’est pas parfaitement adaptée à sa taille. L’enfant voit à une courte distance, distinguant à peine une ombre quand grand-père apparaît dans la porte de la chambre.
Dans les premières semaines, l’oeil se développe, sa rétine mûrit et un équilibre s’établit entre la croissance du globe oculaire et la puissance du cristallin interne. À l’âge de 6 mois, chacun des deux yeux du tout-petit a la vision d’un oeil adulte. A partir de ce moment, les yeux vont développer leur coordination, afin de générer la vision en 3 dimensions. Et c’est également à partir de l’âge de 6 mois que la communication entre les yeux aura lieu dans le cerveau visuel.
Des milliards de connexions neurologiques devront être établies dans les 8 premières années de la vie. C’est un temps de maturation énorme, mais nécessaire, étant donné que plus d’un tiers des neurones du cerveau sont dédiés à la vision.
Une question de distance
Les appareils électroniques ne sont pas, en eux-mêmes, une source de problèmes visuels. C’est plutôt l’utilisation inappropriée de ces appareils qui peut entraver le développement naturel de l’oeil, ainsi que les compétences de lecture et d’apprentissage.
Pour un développement visuel normal, il est recommandé d’éviter l’exposition aux appareils électroniques entre 0 et 2 ans.
(Shutterstock)
Le premier élément à prendre en compte est la distance de visualisation. L’oeil est conçu pour regarder, en vision de près, à une distance approximativement égale à celle de l’avant-bras (distance du coude aux bouts des doigts de la main). Nous parlons de 30 cm pour un tout-petit, et de 40 cm pour un adulte. Cependant, les tablettes et les téléphones sont tenus en moyenne à 20-30 cm de l’oeil, cette distance devenant de plus en plus courte avec une exposition prolongée. L’effort visuel nécessaire pour garder une image claire à cette distance représente donc le double.
Une distance trop courte influence la qualité de l’image rétinienne (et donc le développement visuel) et provoque une fatigue oculaire excessive. Il faut également comprendre que lorsque l’oeil s’accommode, les yeux se déplacent automatiquement vers le nez (convergence) pour se focaliser à la distance de lecture normale. Un effort d’accommodement trop important s’accompagne donc d’une convergence plus grande que la normale. Comme l’oeil ne peut maintenir cet effort prolongé sur une longue période, il va relâcher son effort et l’image perçue va s’estomper un instant, une pénalité sensorielle que nous voulons éviter. Après une période de repos, l’oeil reprendra son effort, et cette alternance entre clarté et flou aura lieu tant qu’une attention particulière est requise. Donc, idéalement, la tablette ou le téléphone devrait toujours être maintenu à distance de l’avant-bras.
Une stimulation constante n’est pas recommandée
L’utilisation d’outils électroniques, avec des jeux ou des vidéos, nécessite une attention constante, sans pause ; c’est le deuxième facteur à considérer. Quand l’enfant dessine dans un cahier ou s’il lit un livre en papier, il s’arrêtera instinctivement à un moment donné, regardera ailleurs, au loin, s’intéressera à autre chose autour de lui. Ces pauses et temps d’arrêt sont bénéfiques pour que le système visuel se remette de son effort. Le fait de se concentrer sur les cibles à distance est également bénéfique pour le développement visuel de l’enfant. Avec les tablettes électroniques, il n’est pas rare de voir des enfants opérer des sessions de plus de 2-3 heures en continu, sans regarder vers le haut de l’écran.
Pour les enfants de 0 à 2 ans, le système visuel n’est tout simplement pas développé et suffisamment robuste pour résister à un tel stress dû à une stimulation constante devant l’écran. En particulier, les éléments structurants, à savoir ceux de la sclère (couche profonde de l’oeil), qui donnent de la rigidité à l’oeil et déterminent sa taille, se développent entre 0 et 2 ans puis se stabilisent. Le stimulus visuel à ces âges peut interférer avec et donc influencer le développement des défauts visuels et de la pathologie à des âges plus tardifs.
Il est également à noter que l’écran peut émettre de la lumière bleue. Les yeux des enfants ne filtrent pas ces rayons comme ceux d’un adulte. L’exposition à la lumière bleue est donc plus importante chez l’enfant, ce qui pourrait stimuler la myopie et perturber la sécrétion de mélatonine, qui régule notre horloge biologique. Cela peut perturber les siestes nécessaires à cet âge, ainsi que le sommeil nocturne. La perte de sommeil est également myope.