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Qui a fait échouer le sommet de Washington sur le Soudan ? Enquête sur le veto égyptien et ses implications régionales


Dans une initiative qui visait à créer un terrain d’entente pour mettre fin au conflit sanglant au Soudan, Washington avait annoncé la tenue d’un sommet quadripartite prévu pour la fin juillet 2025, réunissant les États-Unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ce sommet, fruit de longues tractations diplomatiques, devait marquer un tournant vers une nouvelle feuille de route politique, visant à dépasser l’impasse actuelle et à établir une transition dirigée par des civils. Son annulation soudaine a cependant mis en lumière la fragilité des accords préliminaires et ouvert la voie à une série de questions pressantes : qui a torpillé l’initiative ? Et pourquoi ?

Chapitre I : Ce que prévoyait le sommet

Les États-Unis entendaient former, à travers cette réunion, un front régional et international pour contraindre les deux belligérants – l’armée dirigée par Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide de Mohamed Hamdan Dagalo (Hemidti) – à accepter une solution de paix. L’approche américaine s’appuyait sur une feuille de route comprenant :

  • La formation d’un gouvernement civil neutre ;
  • Un cessez-le-feu immédiat sous supervision régionale et internationale ;
  • Une réforme profonde de l’armée, encadrée par des partenaires extérieurs ;
  • Un mécanisme de justice transitionnelle pour juger les crimes de guerre.

Si Riyad et Abou Dhabi se sont montrés prudents mais ouverts à cette proposition, Le Caire a quant à lui opposé un refus catégorique, jusqu’à faire capoter l’ensemble du processus.

Chapitre II : L’Égypte et la primauté des intérêts stratégiques

Selon des sources diplomatiques haut placées, l’Égypte a rejeté tout scénario excluant l’armée soudanaise de la transition politique, estimant qu’une telle démarche nuirait à son allié historique et menacerait sa sécurité nationale. Le Caire considère l’institution militaire soudanaise comme un rempart stratégique dans plusieurs dossiers cruciaux, dont la gestion du barrage de la Renaissance, les frontières avec la Libye, ou encore la lutte contre le terrorisme.

Un diplomate occidental affirme que les autorités égyptiennes ont clairement fait savoir à Washington qu’elles ne participeraient à aucun sommet traitant de cette hypothèse. L’Égypte aurait également exercé des pressions sur Riyad et Abou Dhabi pour ralentir l’initiative, menant in fine à l’effondrement des négociations.

Chapitre III : Divergences au sein du quatuor

Cette rupture révèle une fracture stratégique au sein du quatuor. Tandis que Washington plaide pour une transition civilo-centrée, l’Égypte s’y oppose farouchement, craignant un effondrement complet de l’État soudanais. L’Arabie saoudite et les Émirats, quant à eux, adoptent une posture intermédiaire : ni hostilité ouverte au projet américain, ni rupture avec Le Caire.

Un expert en affaires africaines souligne que le “veto égyptien” reflète une lecture géopolitique plus large : l’Égypte redoute l’émergence de forces politiques hostiles ou incontrôlables, susceptibles de menacer son accès à l’eau du Nil ou d’ouvrir la voie à une influence croissante de puissances rivales comme la Turquie ou le Qatar.

Chapitre IV : Le Soudan piégé entre guerre et diplomatie paralysée

Pour les Soudanais, l’échec du sommet signifie davantage que la persistance du conflit : il illustre l’indifférence croissante de la communauté internationale. Après plus d’un an de guerre, le pays reste le théâtre d’enjeux géopolitiques contradictoires, tandis que les civils continuent de payer le prix fort : massacres, déplacement forcé, effondrement économique.

Les analystes craignent désormais un scénario de partition de facto du pays, voire sa descente progressive vers un “syndrome somalien”.

Chapitre V : Le dilemme occidental face aux coups d’État africains

L’annulation du sommet révèle également l’impasse stratégique des puissances occidentales face aux régimes militaires en Afrique. Bien que les États-Unis plaident pour des transitions démocratiques, leur capacité à imposer une ligne cohérente est affaiblie par leur dépendance à l’égard d’alliés régionaux souvent pro-militaires.

Cette contradiction alimente une crise de crédibilité et remet en question l’efficacité du soutien occidental aux processus démocratiques.

Conclusion : Entre échec diplomatique et absence de vision partagée

L’échec du sommet de Washington est symptomatique d’un malaise plus profond : l’absence d’une vision cohérente et réaliste pour sortir le Soudan de l’impasse. Tant que les logiques de puissance primeront sur les impératifs humanitaires et politiques, le pays restera piégé dans un cycle infernal de guerre par procuration.
Pour espérer un changement, il faut dépasser les calculs tactiques et rendre enfin aux civils leur place légitime dans la reconstruction de l’État soudanais.

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