L'Europe

L’immigration irrégulière : des chiffres déconcertants en France qui soulèvent des interrogations


Au cœur du débat européen animé autour de l’immigration irrégulière, la France occupe aujourd’hui le devant de la scène avec des chiffres sans précédent, mais difficiles à interpréter.

En matière de décisions de quitter le territoire, la France arrive en tête. Pourtant, elle se heurte à de grandes difficultés lorsqu’il s’agit de mettre réellement ces décisions à exécution.

Entre incidents sécuritaires ayant secoué l’opinion publique et rapports officiels révélant des dysfonctionnements structurels, Paris fait face à une vague de questions.

La France est-elle réellement en tête des pays européens pour le nombre de décisions de départ, au point de surpasser ses voisins ?

Une première place contestée

Selon les données de l’Union européenne et un rapport publié par le Sénat français en juin dernier, la France a émis, en 2024, plus de 130 000 décisions de quitter le territoire. Ce chiffre est très élevé par rapport aux autres pays européens à l’égard des personnes en situation irrégulière.

La chaîne française CNews indique que ces données placent la France parmi les pays les plus stricts administrativement, du moins sur le plan des décisions. Elles ouvrent toutefois la voie à de profondes interrogations sur l’efficacité réelle de cette politique.

Incidents sécuritaires

La chaîne précise que, sur deux jours seulement à la fin du mois de décembre, Paris a connu deux incidents graves impliquant des personnes sous le coup d’une décision de départ.

Le vendredi, un ressortissant malien a été interpellé après avoir agressé trois femmes avec une arme blanche dans le métro parisien. Le lendemain, une autre personne visée par une décision de quitter le territoire a été arrêtée pour avoir agressé un sacristain à l’église de la Madeleine, dans le 8e arrondissement.

Ces événements ont ravivé le débat sur l’efficacité des expulsions et révélé l’une des failles majeures de la politique française : l’écart entre la décision et son application.

Les chiffres européens

Selon les données européennes, sur environ 450 000 décisions de quitter le territoire émises dans l’Union en 2024, la France en a compté à elle seule 128 250. Ce chiffre dépasse largement ceux de l’Allemagne (57 075) et de l’Espagne (51 025).

Viennent ensuite la Grèce et l’Italie avec, respectivement, 31 565 et 27 970 décisions.

D’autres pays affichent également des chiffres notables : la Belgique (24 660), les Pays-Bas (19 055), la Suède (17 015), Chypre (15 340), l’Autriche (13 170) et la Pologne (11 995).

Où se situe le problème ?

Le rapport du Sénat explique que la hausse des décisions en France découle principalement du cadre juridique national, qui impose la délivrance quasi automatique d’un ordre de quitter le territoire dès qu’une situation irrégulière est constatée, indépendamment des chances réelles d’exécution.

Il arrive aussi qu’une même personne reçoive plusieurs décisions successives, ce qui gonfle les chiffres sans refléter une plus grande efficacité.

Une exécution limitée

Malgré tout, la France occupe la deuxième place en Europe pour le nombre de décisions effectivement exécutées en 2024. Sur 110 000 expulsions réalisées dans l’Union, la France en a mené 14 685, contre 15 230 en Allemagne, 9 910 en Suède, 8 725 en Espagne et 8 520 en Pologne.

La véritable contradiction réside toutefois dans l’écart immense entre décisions prononcées et décisions appliquées. Sur 128 250 décisions françaises, 113 565 n’ont pas été exécutées — soit un taux d’exécution d’environ 12 %.

À titre de comparaison, la Pologne a atteint près de 71 %, la Suède 59 %, l’Allemagne 27 %, l’Espagne 18 %, la Belgique 11 % et la Grèce 17 %.

Des obstacles structurels

Le rapport du Sénat recense plusieurs obstacles majeurs : un suivi insuffisant des personnes visées par une décision, surtout lorsqu’elles ne sont pas placées en rétention administrative.

La France souffre également d’un manque de places en rétention : environ deux mille lits répartis sur 26 centres, ce qui limite la capacité de contrôle.

Les rapports de la Cour des comptes soulignent par ailleurs l’efficacité limitée de l’assignation à résidence, le refus de coopérer de certains individus, ainsi que les difficultés à obtenir des laissez-passer consulaires, compliquant fortement les expulsions.

En définitive, la France arrive en tête des décisions d’éloignement, mais peine à les exécuter. Entre contraintes juridiques, manque de moyens et complexité de la coopération internationale, la question de l’immigration irrégulière demeure l’un des dossiers les plus sensibles et les plus complexes — en France comme dans toute l’Union européenne.

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