Politique

Les coulisses de la création des cellules terroristes des Frères musulmans d’Égypte : aveux dans un podcast


Malgré un long passé de dissimulation, le groupe des Frères musulmans peine à se détacher de son histoire violente, comme en témoignent les confessions émanant de ses propres rangs.

Alors que ses dirigeants tentent désespérément de se présenter sous un jour pacifique, de nouveaux témoignages issus de l’intérieur de l’organisation révèlent les rouages de sa militarisation et la légitimation du sang versé sous couvert religieux et organisationnel strict.

Récemment, la scène a été marquée par le retour de « Hasm », une branche armée affiliée aux Frères musulmans et classée organisation terroriste dans plusieurs pays. Ce retour s’est accompagné de confessions publiées par d’anciens membres du groupe sur la recréation de la branche armée historique, connue sous le nom de « l’Organisation spéciale » ou « l’appareil secret ».

Ces témoignages ne sont pas isolés. Parmi les plus marquants figure celui de Mohamed Rafiq Manaa, dit Mohamed Montasser, ancien porte-parole du groupe, dans un podcast avec Yahya Moussa, condamné en Égypte pour son rôle dans les opérations terroristes de Hasm. Montasser y admet que le recours à la violence a été approuvé par la direction suprême du mouvement, contredisant ainsi la version de la faction d’Istanbul (dirigée par Mahmoud Hussein), qui prétend que le groupe n’a jamais eu recours à la violence armée.

Un autre témoignage similaire émane de Magdy Shalash, responsable du comité religieux du groupe. En 2013, il avait justifié les actions armées sur la chaîne « Mekameleen », en affirmant que la décision de militariser le mouvement avait été prise avec l’approbation de la direction suprême, sous la supervision de Mahmoud Ezzat (arrêté en août 2020).

Des cellules paramilitaires : un retour aux origines

Montasser explique que dès avant la destitution du président Morsi en juin 2013, des cellules armées avaient été formées sous le nom de « groupes de protection des locaux », évitant toute collaboration avec les forces de police. Un ancien cadre du groupe a révélé que ces formations s’inspiraient du modèle des Gardiens de la révolution iraniens, avec des camps d’entraînement, notamment à King Mariout (Alexandrie).

Malgré des avertissements internes, la direction a poursuivi la création de ces groupes armés, composés de jeunes membres régionaux, chacun ayant des tâches définies géographiquement.

Après la chute des Frères musulmans en 2013, la direction opta pour l’affrontement avec l’État. Malgré plusieurs tentatives de médiation, elle refusa toute solution politique, confirmant que cette stratégie de confrontation avait été décidée collectivement.

Des groupes comme « Molotov », « Wala’ », ou « Majhulin » (les inconnus), tous issus du groupe, commencèrent à mener des attaques. Suite à la dispersion du sit-in de Rabaa, la structure centrale du groupe fut désorganisée, mais le militantisme armé continua de manière décentralisée.

Deux plans pour institutionnaliser la violence

Grâce aux efforts de Mohamed Kamal et d’autres dirigeants, une nouvelle direction fut mise en place en 2014. Une première stratégie, « le plan de février », prônait une intensification des manifestations. Rejetée, elle fut remplacée par « le plan d’août », appelé aussi « plan d’usure, de confusion et de confrontation », qui préconisait ouvertement la violence armée.

Ce plan fut accompagné d’un travail doctrinal de légitimation du recours à la violence, mené par la commission religieuse dirigée par Magdy Shalash. Le résultat en fut un texte intitulé « La jurisprudence de la résistance populaire au coup d’État », justifiant les assassinats de tous ceux qui s’opposaient à Morsi.

Un « Conseil de la consultation » fut alors réuni pour valider cette stratégie, et sur les 81 membres présents, 67 votèrent pour le recours à la lutte armée, officialisant ainsi la naissance de groupes comme « Liwa al-Thawra » et la version modernisée de « Hasm ».

Selon le plan, le mouvement devait graduellement intensifier les attaques sur une période de six mois, avant de passer à une phase de conquête par la force avec l’aide de milices libyennes. Toutefois, les forces de sécurité égyptiennes réussirent à neutraliser une grande partie de ces cellules.

Constatant l’échec de ce plan, Mahmoud Ezzat dissout la première direction en mai 2015 et nomme une nouvelle équipe tout en maintenant Mohamed Kamal en poste, ce qui illustre la stratégie du « terrorisme différé » propre à la pensée des Frères musulmans.

Par la suite, un schisme au sein du groupe aboutit à la création de la branche dissidente connue sous le nom de « Courant du changement », qui continue de mener des actions violentes à travers des entités telles que « Hasm » ou « Liwa al-Thawra ».

Un terrorisme idéologique

Sabra El-Qasemi, avocat et expert des mouvements islamistes, affirme que « la violence fait partie intégrante de la doctrine des Frères musulmans, qui considèrent le terrorisme comme un devoir et les assassinats comme une tradition religieuse ». Il ajoute que la tentative de créer une garde révolutionnaire en 2013 a été suivie de nombreuses actions violentes, et que les récentes tentatives de réactivation de cellules terroristes sont surveillées de près par les services égyptiens.

Selon lui, les aveux de figures comme Mohamed Montasser ou Yahya Moussa ne sont pas surprenants : « ils revendiquent cette idéologie depuis toujours. Mais leurs efforts échoueront, car l’Égypte est rompue au démantèlement de structures terroristes bien plus complexes ».

 

 

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