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L’armée soudanaise permet aux milices iraniennes d’être présentes dans la mer Rouge 


Tant l’Iran que le Soudan cherchent à atteindre plusieurs objectifs en développant leurs relations, notamment en rétablissant l’équilibre du pouvoir militaire sur le plan intérieur, en cherchant un nouvel allié régional, en tournant la page sur la crise des relations de 2016 et en renforçant la présence dans la région de la mer Rouge.

Cependant, ce nouveau développement pourrait finalement entraîner des répercussions négatives, telles que l’escalade des tensions entre l’armée soudanaise et plusieurs puissances régionales et internationales telles que l’Égypte, l’Arabie saoudite, Israël et les États-Unis.

L’annonce de l’Iran et du Soudan le 9 octobre 2023 de reprendre les relations diplomatiques interrompues par Khartoum au début de 2016 est intervenue à un moment significatif, indiquant trois considérations principales : premièrement, elle coïncidait avec l’escalade du conflit armé entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide depuis la mi-avril de l’année dernière, suggérant que cette décision est liée aux tentatives de l’armée de renforcer ses positions contre les Forces de soutien rapide en recherchant un nouvel allié régional. 

Deuxièmement, elle était parallèle à l’augmentation des tensions entre l’Iran et les États-Unis en raison de l’impasse des négociations concernant l’accord nucléaire, de la poursuite des sanctions américaines et des conflits sur de nombreuses autres questions régionales, notamment la présence iranienne dans des pays en crise. 

Et troisièmement, elle est intervenue deux jours après le déclenchement de la guerre israélienne à Gaza à la suite de l’opération « Storm Al-Aqsa » lancée par les Brigades Al-Qassam le 7 octobre de l’année dernière, suivie par l’escalade d’Israël avec le Hamas et les milices soutenues par l’Iran au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen.

Indéniablement, la décision de rétablir les relations diplomatiques ne signifie pas nécessairement qu’elle a été prise en réponse au déclenchement de la guerre 48 heures avant la décision. Il semble qu’il y ait eu des communications et des canaux de communication ouverts entre les deux parties pendant un certain temps, surtout après le déclenchement du conflit armé au Soudan à la mi-avril de l’année dernière, où le ministre des Affaires étrangères par intérim du Soudan, Ali al-Sadiq, avait précédemment rencontré son homologue iranien, Hussein Amir Abdollahian, en marge de la réunion ministérielle du Mouvement des non-alignés tenue dans la capitale azérie, Bakou, le 6 juillet de l’année dernière.

Les communications entre les deux parties ont continué, avec une autre réunion entre le vice-président iranien Mohammad Mokhber et le ministre des Affaires étrangères par intérim du Soudan, Ali al-Sadiq, en marge du Sommet du Mouvement des non-alignés tenu dans la capitale ougandaise, Kampala, le 20 janvier de cette année, où ils ont discuté des moyens d’accélérer le rétablissement des relations bilatérales et de rouvrir les ambassades.

Stratégie d’armement

En accord avec cela, les informations contenues dans certains rapports concernant le soutien militaire iranien à l’armée soudanaise n’étaient pas surprenantes pour les observateurs. Bloomberg a révélé dans un rapport le 25 janvier de cette année que l’Iran fournissait des drones du modèle « Mohajer 6 » à l’armée pour une utilisation dans les opérations militaires avec les Forces de soutien rapide, où ils peuvent être utilisés dans la reconnaissance et les frappes aériennes. Cet avion est particulièrement important car il s’agit d’un mécanisme clé que l’Iran utilise régulièrement pour développer ses relations avec certains pays et institutions, à l’instar de la Russie, qui a précédemment utilisé le même avion dans la gestion de ses opérations militaires en Ukraine.

Plusieurs motivations pour cet armement

Cette nouvelle orientation adoptée par l’Iran et l’armée soudanaise peut être interprétée à la lumière de plusieurs considérations, parmi les plus importantes :

1- Rétablir l’équilibre du pouvoir militaire au Soudan : L’armée soudanaise vise à utiliser ces avions pour tenter de rétablir l’équilibre du pouvoir militaire à l’intérieur du pays, suite aux récents développements sur le terrain qui ont reflété des progrès significatifs de la part des Forces de soutien rapide, qui ont pris le contrôle de zones stratégiques. Malgré l’insistance de l’armée à maintenir le contrôle sur de nombreuses positions stratégiques, certaines déclarations de hauts responsables de l’armée suggèrent que cette dernière ressent la pression en raison des avancées sur le terrain des Forces de soutien rapide. Par exemple, des déclarations du chef d’état-major, le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan, indiquent que l’armée pourrait recourir à la « résistance populaire », suggérant que les dynamiques de pouvoir penchent clairement en faveur des Forces de soutien rapide.

2- Recherche d’un nouvel allié régional : Il était remarquable que le développement des relations avec l’Iran par l’armée soudanaise coïncide avec l’escalade des tensions entre cette dernière et certains pays et organisations, sur fond de développements récents sur le terrain au Soudan. Le ministère soudanais des Affaires étrangères a annoncé le 20 janvier de cette année la suspension de l’adhésion du Soudan à l’organisation « IGAD », déclarant que la décision avait été prise après que l’organisation ait ignoré la demande du Soudan de suspendre son engagement et de geler ses relations avec elle sur toutes les questions liées à la situation interne du Soudan. Avant cela, le Soudan a rappelé son ambassadeur au Kenya le 4 janvier de cette année pour consultations en signe de protestation contre l’accueil par ce dernier du commandant des Forces de soutien rapide, Mohamed Hamdan Dogolo (Hemeti). Ceci s’ajoute aux tensions entre le Soudan et les Émirats arabes unis.

Dans ce contexte, on peut dire que l’armée, compte tenu de ces développements, cherche à trouver un nouvel allié régional, même si cela peut avoir des conséquences qui pourraient affecter les relations régionales entre le Soudan et plusieurs pays concernés par ce qui se passe dans ce dernier et dans la région en général. Plus précisément, l’armée pourrait chercher à équilibrer les mouvements régionaux entrepris par Hemeti, comme cela a été remarqué aux côtés des récents développements sur le terrain, où il a entrepris de nombreuses tournées régionales dans des pays de la région.

3- Tourner la page sur les tensions entre Khartoum et Téhéran en 2016 : En améliorant ses relations avec le Soudan, l’Iran a en grande partie réussi à tourner la page sur les tensions qui sont survenues dans ses relations et à tendre la main au Soudan pour des objectifs cachés, faisant de l’armée soudanaise sa cinquième milice après ses proxies au Liban, en Irak, en Syrie et au Yémen.

4- Consolider la présence dans la mer Rouge : La récente crise en mer Rouge imposée par les menaces continuelles des Houthis au mouvement commercial depuis le 19 novembre de l’année dernière, en raison de leurs attaques contre des navires israéliens ou à destination d’Israël, a mis davantage en lumière l’importance stratégique de cette zone vitale. Cela semble pousser l’Iran à des efforts pour consolider sa présence dans les pays entourant cette zone, en s’appuyant sur sa présence fondamentale dans certains pays comme le Yémen, l’Irak, le Liban et la Syrie. Ainsi, on s’attend à ce que l’Iran prenne d’autres mesures pour développer ses relations et renforcer sa présence dans des pays tels que le Soudan, Djibouti, l’Érythrée, la Somalie et d’autres, expliquant largement son intérêt pour le développement des relations avec l’armée soudanaise.

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