La Turquie évite le conflit avec Israël en Syrie : protestations, médiation… mais aucune action concrète

Les positions officielles turques oscillent entre condamnations politiques, coordination diplomatique avec les États-Unis et médiations silencieuses avec Israël, sans qu’Ankara ne prenne la moindre mesure susceptible de dissuader l’escalade militaire israélienne en Syrie.
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Malgré les éloges adressés récemment à la médiation turque pour avoir contribué à désamorcer les tensions israéliennes dans le sud syrien par le président Ahmad al‑Char’a, la posture d’Ankara est critiquée, notamment pour son refus de fournir un soutien militaire direct au gouvernement de transition syrien — à la différence du soutien actif et massif qu’Israël apporte à ses alliés, notamment les factions druzes en province de Soueïda.
Des observateurs qualifient le discours turc de « hésitant et flou », relevant que, d’une part, les prises de position officielles turques portent sur des déclarations publiques et une diplomatie de coordination avec Washington, et d’autre part, des efforts de médiation discrets avec Tel‑Aviv. Mais aucun geste concret ne vient freiner les frappes israéliennes en Syrie ni renforcer la position du gouvernement al‑Char’a face à un contexte sécuritaire de plus en plus instable.
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Mercredi, à New York, le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a affirmé qu’Ankara « avait transmis ses préoccupations aux Israéliens via les services de renseignement turcs », tout en évitant tout affrontement direct. Il a déclaré : « Nous ne voulons pas d’instabilité en Syrie » et insisté sur l’importance d’un « soutien à la nouvelle autorité syrienne », sans préciser sa nature ni son calendrier.
En revanche, Israël s’est montré plus assertif : selon des rapports militaires et de défense, il apporte un soutien direct à ses alliés druzes à Soueïda, via des livraisons d’armes et un appui en renseignement, et a mené des frappes aériennes répétées contre des positions syriennes dès lors que l’armée est intervenue pour freiner la violence confessionnelle dans la région.
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Dans son allocution jeudi matin, le président al‑Char’a a salué la médiation turque tout en exprimant une certaine déception face à l’engagement limité d’Ankara : il a déclaré que « la Syrie ne sera jamais un terrain de division confessionnelle ou d’ingérence extérieure », et rappelé que son gouvernement avait choisi entre une confrontation directe avec Israël ou la délégation de la sécurité à la communauté druze pour éviter une guerre d’envergure.
Cette divergence entre engagement militaire explicite d’Israël et retenue turque a suscité une vive interrogation en Syrie : Ankara retient-elle son soutien par crainte d’un affrontement direct avec Israël ? Cette prudence s’inscrit‑elle dans une stratégie de désengagement ou plutôt dans une tactique pour éviter l’escalade ?
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Au sein de l’opinion turque, ni le gouvernement ni le Parlement ne semblent prêts à modifier cette politique. Mercredi, le Parlement a adopté une motion condamnant formellement « l’agression israélienne contre la Syrie », notamment Damas, qu’il a qualifiée d’« ignoble », violant la Charte des Nations unies.
Le président du Parlement, Numan Kurtulmus, a affirmé que ces frappes visaient à détourner l’attention de la « politique de nettoyage ethnique menée par Israël contre les Palestiniens », appelant la communauté internationale à « mettre fin à cette complaisance injustifiée ». Pourtant, cette motion ne mentionne aucune intention de fournir une assistance militaire ou logistique au gouvernement al‑Char’a, confronté à une crise multidimensionnelle : violences confessionnelles, ingérences externes et menaces de partition.
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Le président syrien de transition semble évoluer dans un double jeu régional aux acteurs divergents : Israël, qui soutient militairement certaines faction syriennes selon ses propres intérêts stratégiques, et la Turquie, qui offre un soutien verbal mais sans engagement tangible envers Damas.
Pour certains analystes, confier la sécurité de Soueïda aux autorités druzes n’était pas seulement un geste interne, mais un message implicite aux alliés régionaux, notamment la Turquie : « la Syrie n’attendra pas éternellement un soutien qui n’arrive jamais ».
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Ankara demeure actif sur le plan diplomatique, en coordination avec Washington et plusieurs capitales arabes, pour freiner l’escalade. Mais cette médiation, malgré son importance, n’a pas stoppé les attaques israéliennes ni renforcé les capacités défensives syriennes. Et tant que l’absence d’un soutien militaire tangible persiste, la position du gouvernement al‑Char’a restera vulnérable face aux nouvelles offensives israéliennes — sauf révision stratégique au niveau régional.