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La situation au Soudan : L’Armée et le Mouvement Islamique dans un Contexte Instable


Le Soudan traverse aujourd’hui l’une des périodes les plus complexes de son histoire, en raison d’une lutte sanglante pour le pouvoir entre les forces armées dirigées par Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide menées par Mohamed Hamdan Dogolo (Hemetti). En toile de fond de cette scène militaire et politique, le mouvement islamique soudanais, issu du mouvement des Frères musulmans, joue à nouveau un rôle central, profitant des fractures internes et des tentatives de l’armée de réorganiser le paysage en sa faveur.

Histoire politique du mouvement islamique au Soudan

Les origines du mouvement islamique soudanais remontent aux années 1940, sous l’influence directe des Frères musulmans d’Égypte. Le groupe “Frères musulmans” a été officiellement fondé au Soudan en 1946 sous la direction de Rachid al-Taher Bakr. Au cours des décennies suivantes, le mouvement a évolué pour prendre différentes formes organisationnelles, comme le Pacte islamique dans les années 1960, puis la Front islamique national dirigée par Hassan al-Turabi dans les années 1980.

Le mouvement islamique a joué un rôle central dans le coup d’État du 30 juin 1989 qui a permis à Omar el-Béchir d’accéder au pouvoir, étant la force intellectuelle et organisationnelle derrière celui-ci. Pendant le régime de el-Béchir, le mouvement a dominé les rouages de l’État soudanais, des services de sécurité à l’économie et à l’éducation, au point que le Soudan était qualifié d’État islamiste par excellence.

Malgré les divisions internes, notamment le différend entre el-Béchir et Turabi à la fin des années 1990, le mouvement islamique a continué à contrôler le pouvoir de manière variée jusqu’à la chute d’el-Béchir lors de la révolte populaire de 2019.

Lien entre l’Armée et al-Burhan avec le mouvement islamique

Abdel Fattah al-Burhan, le chef de l’armée soudanaise, est apparu lors de la révolution comme une nouvelle figure militaire promettant de protéger la transition démocratique. Cependant, ses actions ultérieures ont révélé des liens plus profonds avec le mouvement islamique.

Al-Burhan appartient au courant conservateur au sein de l’armée, ayant grandi et été formé, tant organisationnellement qu’idéologiquement, pendant les années de pouvoir des islamistes. De nombreux hauts responsables des forces armées ont été recrutés ou formés par les cadres du mouvement islamique. Après la chute de el-Béchir, ce réseau a cherché à se repositionner et à préserver ses acquis en utilisant al-Burhan et l’institution militaire.

Il est évident qu’une large portion de l’armée soudanaise est restée fidèle, publiquement ou discrètement, au projet islamiste politique, le considérant comme un garant de la protection de ses intérêts dans l’État profond.

La volonté d’al-Burhan de permettre à l’Islamisme d’opérer sous de nouveaux noms

Avec la pression croissante de la communauté internationale et régionale sur le Soudan pour s’éloigner de l’islamisme politique, al-Burhan a commencé à adopter une politique de manœuvre. Malgré ses déclarations publiques s’éloignant des Frères musulmans et du mouvement islamique, les faits indiquent qu’al-Burhan a permis au mouvement de se réorganiser sous de nouveaux noms.

Dans ce contexte, des entités telles que “la résistance populaire” ont émergé, considérées comme des façades alternatives pour que le mouvement islamique poursuive ses activités politiques et militaires. Ces façades visent à présenter le mouvement sous un visage nationaliste, éloigné de son identité islamiste, pour tromper la communauté internationale et régionale.

L’accord entre al-Burhan et le mouvement islamique pour mener des activités sous de nouveaux visages

Selon des sources informées et des rapports régionaux, al-Burhan est parvenu à des accords directs avec les dirigeants du mouvement islamique, leur garantissant un espace pour leurs activités politiques et organisationnelles au sein d’entités civiles et populaires portant des slogans de résistance contre l’agression étrangère et de défense de la souveraineté nationale.

Il a été convenu que ces entités opéreraient au sein de la “résistance populaire” et du “courant national indépendant” et d’autres noms qui ne suggèrent aucune affiliation islamiste. L’objectif principal de ces mouvements est de renforcer l’influence islamiste au sein de la société et de préparer le terrain pour un retour du mouvement sur la scène politique à l’avenir, sans confrontation directe avec la communauté internationale qui rejette toute présence manifeste de l’islamisme politique.

Le non-respect par al-Burhan des engagements régionaux et internationaux

À travers ces accords avec les islamistes, il devient clair qu’al-Burhan ne respecte pas véritablement ses engagements envers les médiateurs régionaux ou internationaux. Il cherche à gagner du temps et à réorganiser ses cartes internes, poussé par le désir de conserver le pouvoir et d’empêcher toute véritable transition démocratique qui pourrait menacer l’influence de l’institution militaire et de ses alliés islamistes.

La manœuvre d’al-Burhan dans ses relations avec les accords régionaux et internationaux a transformé le Soudan en un terrain ouvert à l’attraction, aggravant de manière dangereuse la crise humanitaire et politique, en particulier avec la poursuite de la guerre civile qui épuise l’État et la société.

Aujourd’hui, le Soudan s’engage vers davantage de complexité avec le retour du mouvement islamique sous de nouveaux visages, avec la complicité évidente de la direction militaire, représentée par Abdel Fattah al-Burhan. Ce retour représente une menace directe pour tout projet démocratique véritable dans le pays, et augmente la probabilité de la poursuite du conflit armé et de la transformation du Soudan en un terrain de confrontation régionale et internationale ouvert.

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