Grand Maghreb

La fumée des affrontements à Tripoli s’élève toujours : des répercussions politiques économiques et sécuritaires


La Libye traverse une phase critique marquée par l’instabilité et l’absence de consensus national, dans un contexte dominé par des divisions politiques profondes et des conflits armés qui ont renforcé l’emprise des milices dans la capitale, Tripoli, impactant fortement la sécurité et l’économie du pays.

Cette situation de crise reflète non seulement une défaillance structurelle de l’État, mais constitue également une menace sérieuse au processus de transition politique. Malgré la succession d’initiatives nationales et internationales, la solution reste suspendue à une réelle volonté d’unification du pouvoir exécutif et de désarmement des milices, en vue de préparer des élections et une réconciliation globale.

Une crise politique « enracinée »

Salah Boukhezem Al-Hasnaoui, membre du comité de rédaction de la Constitution libyenne, affirme que la crise politique actuelle est profondément enracinée. Il pointe la multiplication des gouvernements et des autorités, ainsi que la contradiction entre les cadres juridiques, ce qui a provoqué un désordre institutionnel et un chevauchement des compétences.

Al-Hasnaoui explique que ce chaos s’est manifesté à travers les trois décrets émis par le président du Conseil présidentiel, Mohamed Al-Menfi, qualifiés de « décrets légaux », perçus comme une usurpation des compétences d’autres institutions en l’absence d’un pouvoir unifié régulant les relations entre les organes de l’État.

Les affrontements répétés entre milices à Tripoli illustrent clairement l’ampleur des ingérences étrangères et la multiplicité des intérêts régionaux et internationaux, ainsi que l’échec à définir un cadre politique clair et des compétences bien délimitées.

Une explosion sécuritaire imminente ?

L’expert militaire Mohamed Al-Tarhouni estime que la situation sécuritaire à Tripoli reste fragile et dangereuse, en raison de mobilisations continues des groupes armés, malgré un cessez-le-feu récent et précaire sans garanties de stabilité réelle.

Il affirme que le démantèlement et le désarmement des milices constituent un défi crucial à toute solution politique. Ces groupes armés continuent d’imposer une « force coercitive » qui a empêché la tenue des élections, muselé les voix dissidentes et commis de graves violations, dont l’assassinat de figures importantes telles qu’Abdelrahman Milad (Al-Bidja) et Abdelghani Al-Kikli (Gheniwa).

Il met en garde contre la capacité de ces milices à faire exploser la situation à tout moment, notamment si elles sentent qu’elles risquent d’être exclues de la scène politique, compliquant davantage l’unification de l’exécutif.

Une économie sous le feu

Sur le plan économique, l’expert financier Haïtham Bou Bakr Al-Obaidi considère que l’attaque contre la Compagnie nationale de pétrole par une milice constitue une violation directe de l’accord de répartition des postes entre les parties libyennes, notamment celui de Bouznika, qui attribuait la gestion de cette institution à l’Est du pays.

Il explique que ces menaces ont poussé le Parlement et le gouvernement libyen à envisager de déclarer l’état de force majeure ou de transférer le siège de l’institution à Benghazi, dans un climat de colère face à la persistance du sabotage des institutions souveraines.

Al-Obaidi révèle également que la Banque centrale libyenne a déjà signalé des retards dans le transfert des recettes pétrolières vers les comptes officiels, laissant entrevoir une faille volontaire dans les circuits de transparence financière, et possiblement une tentative de « redéfinir les équilibres de partage » au sein des institutions clés.

Il ajoute que la tentative récente de Gheniwa de prendre le contrôle de la société des télécommunications, suivie de son assassinat, a provoqué l’explosion de la situation dans la capitale, face à des efforts acharnés des milices pour étendre leur domination sur toutes les institutions vitales.

Colère populaire

En pleine crise, des manifestations populaires ont éclaté à Tripoli. Les slogans scandés expriment clairement un rejet de la mainmise des milices sur les richesses de l’État, et réclament justice ainsi qu’une répartition équitable des revenus, sans récupération politique ou idéologique.

Des observateurs estiment que ces protestations spontanées et pacifiques incarnent une voix authentique reflétant la colère du peuple face à la persistance du chaos. Ils appellent à la démilitarisation, à l’unification des institutions de l’État, et à l’ouverture d’un processus électoral transparent qui rendra la souveraineté au peuple libyen.

 

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