Moyen-Orient

L’« Empire » de la contrebande et de l’or : Pourquoi le Liban s’appauvrit tandis que le Hezbollah s’enrichit


Quiconque observe le Liban voit son économie s’effondrer, tandis que le Hezbollah s’enrichit, consolidant son bras financier saturé de dollars et d’or sur le marché.

Le Liban, qui semblait récemment au bord d’une guerre en raison de l’escalade entre Israël et le Hezbollah, traverse une crise financière depuis cinq ans. Cette crise a plongé un pays autrefois parmi les plus riches de la région dans une pauvreté extrême, où la livre libanaise a perdu 98 % de sa valeur.

Le magazine américain Foreign Policy s’est interrogé sur l’ampleur de l’effondrement économique au Liban, l’état des banques du Hezbollah, et le rôle qu’Israël joue dans l’économie du pays.

Évoquant l’effondrement économique qui a débuté au Liban en 2019, sur les plans financier et monétaire, Adam Tooze, chroniqueur pour Foreign Policy et directeur de l’Institut européen de l’université de Columbia, décrit la situation comme une « histoire dramatique ». Il se réfère à ce que la Banque mondiale a qualifié de l’une des crises les plus graves au monde depuis le milieu du XIXe siècle.

Selon le magazine américain, le PIB par habitant au Liban est aujourd’hui probablement proche de la moitié de la moyenne mondiale, qui est de 12 000 dollars. Cela ne tient pas compte des énormes disparités dans le pays, qui ont laissé une grande partie de la population dans une pauvreté extrême. Il ne tient pas non plus compte du fait que des services de base comme l’eau et l’électricité sont incroyablement difficiles à obtenir.

Concernant les banques du Hezbollah, Tooze les décrit comme des « banques de l’ombre », car les opérations financières du parti ne sont pas enregistrées comme des banques auprès des autorités libanaises.

À cet égard, l’auteur cite le bras financier du Hezbollah, ou la « Banque du Liban », soumise à des sanctions des États-Unis depuis 2007, ce qui signifie qu’elle n’est pas une entité avec laquelle quiconque dans le système financier légitime, basé sur le dollar, souhaiterait traiter.

Réseau de change et opérations de contrebande

Au Liban même, selon le magazine, ces banques jouent un rôle crucial. Cela souligne l’importance de la coopération avec d’autres intérêts dans le pays, car le Hezbollah gère des bureaux de change et dispose d’un vaste réseau de contacts avec des intérêts chiites majeurs en Irak et en Iran, par lesquels il accède aux dollars.

Sans oublier les « vastes opérations de contrebande d’or » menées par le Hezbollah. Tout cela a conduit à la prospérité du système financier du parti, selon Foreign Policy.

Au fil des années, le Hezbollah a accordé des milliards de dollars de prêts via l’association AQAH, fondée au début des années 1980. Elle propose trois types de comptes : un compte de participation de base, un compte de contribution pour les particuliers aisés, et un fonds de coopération sociale, destiné aux « personnes proches » telles que les membres de la famille, les voisins ou les partenaires commerciaux.

L’association propose des prêts sans intérêts en échange de garanties comme de l’or ou des garanties tierces.

480 millions de dollars

Les prêts d’AQAH ont régulièrement augmenté malgré les sanctions, passant de 76,5 millions de dollars en 2007 à 476 millions en 2018, et 480 millions en 2019.

Il est estimé que l’ensemble des activités de l’association, de 1983 à fin 2019, a atteint 3,5 milliards de dollars.

Pour Adam Tooze, l’association fonctionne comme une banque, et avec l’effondrement du système bancaire libanais depuis 2020, elle est devenue un fournisseur clé de liquidités quotidiennes.

L’association a mis en place des distributeurs automatiques et une quantité inhabituellement généreuse de liquidités en dollars pour ceux qui en ont besoin.

Ainsi, que ce soit par son réseau mondial, par sa place reconnue dans le secteur financier libanais, ou par les chocs survenus depuis 2020, les opérations financières du Hezbollah sont devenues plus visibles.

Entreprises et soutien régional

Selon Tooze, il s’agit d’une évolution intéressante car le Hezbollah a longtemps été reconnu pour sa manière de consolider sa mainmise sur la communauté chiite libanaise grâce à la fourniture de services sociaux, contrairement à d’autres mouvements islamistes comme les Frères musulmans.

Mais son bras financier est en réalité un élément nouveau et en pleine expansion, et le Hezbollah creuse plus profondément que jamais dans le tissu économique libanais.

Concernant le soutien de l’Iran, l’auteur note que le PIB de l’Iran dépasse les 400 milliards de dollars et que l’Iran verse quelques centaines de millions de dollars au Hezbollah chaque année.

Il conclut que « l’Iran peut se permettre ce soutien. En échange, elle achète une influence et une menace potentielle contre Israël à un coût relativement modeste, ce qui lui permet d’obtenir un bon retour sur investissement. »

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