Khartoum : Libération ou Génocide ? Les crimes de guerre poursuivent l’armée soudanaise

Alors que la guerre au Soudan entre dans sa deuxième année, les Soudanais s’engagent vers un avenir de plus en plus sombre. Rien ne domine l’horizon sinon l’odeur de la mort, la fumée des incendies et des destructions, et l’échec des efforts internationaux et régionaux en faveur d’un règlement pacifique négocié entre les deux parties en conflit.
Depuis l’éclatement du conflit en avril 2023 entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR), la violence s’est intensifiée sans relâche. Les infrastructures stratégiques de Khartoum ont été réduites en cendres ou laissées en ruines criblées de balles.
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Une lutte acharnée pour le contrôle de Khartoum
Dès les premiers mois de la guerre, les Forces de soutien rapide ont pris le contrôle de la majeure partie de Khartoum, forçant le gouvernement soutenu par l’armée à se replier à Port-Soudan, sur la mer Rouge.
Depuis, les autorités accusent les FSR d’actes de sabotage, de pillages et de destructions ciblées contre les biens civils. Ces accusations sont systématiquement rejetées par les FSR, qui les attribuent aux bombardements aériens menés par l’armée ou aux agissements de groupes criminels libérés des prisons dans les zones anciennement sous contrôle militaire.
En mars dernier, l’armée soudanaise a officiellement annoncé avoir repris le contrôle de Khartoum, la déclarant libérée des FSR. Le général Abdel Fattah al-Burhan, chef du Conseil de souveraineté, a prononcé un discours depuis le palais présidentiel, affirmant que « Khartoum est libre », quelques jours après la reconquête de ce même palais.
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Exécutions sommaires sur le terrain
Cependant, cette reprise n’a pas été une délivrance pour de nombreux civils restés coincés dans la ville. Plusieurs rapports font état de graves violations des droits humains commises par des forces alliées à l’armée, visant des civils sur des bases ethniques et raciales. Les réseaux sociaux ont été inondés de vidéos montrant des exécutions sommaires de personnes en civil.
L’organisation « Avocats d’Urgence », une ONG spécialisée dans la documentation des abus, affirme avoir authentifié ces violations sur la base d’informations vérifiées depuis le terrain, dénonçant des pratiques contraires au droit humanitaire international.
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Selon Rahab Mubarak Sayed Ahmed, militante des droits humains et membre du bureau exécutif de l’organisation, les quartiers de Kalakla, Al-Garif Ouest et le centre-ville ont été le théâtre d’exécutions extrajudiciaires menées par les forces alliées à l’armée, sous prétexte de collaboration avec les FSR. Elle affirme que des dizaines de civils ont été arrêtés et tués après des rafles massives.
Elle a également accusé les forces dites « Bouclier du Soudan », les brigades Al-Baraa Ibn Malik, et les unités spéciales relevant du service de sécurité et de renseignement, d’être responsables de ces assassinats ciblés.
Mubarak ajoute que l’absence de police sur le terrain empêche toute application des procédures judiciaires, exposant ainsi les habitants restés à Khartoum à de graves dangers sous un régime de non-droit.
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Khartoum suit la trajectoire tragique de l’État d’Al-Jazirah
Les événements de Khartoum rappellent ceux survenus à Wad Madani, capitale de l’État d’Al-Jazirah, en janvier 2025. Le 9 janvier, dans le secteur de Kombo Tayba, des civils — dont des enfants brûlés vifs dans leurs maisons — ont été tués par les forces du Bouclier du Soudan alliées à l’armée, selon un rapport de la commission juridique de la coalition civique « Taqaddum ».
En mars 2025, le mouvement populaire « Conférence des Kanabi » a accusé l’armée et ses alliés d’avoir incendié cinq villages dans la localité de Al-Kamlin, toujours dans l’État d’Al-Jazira, et d’avoir pillé les biens des habitants, les accusant de soutenir les FSR. Le rapport cite la destruction des villages de Kombo Ronqa, Kombo Hala Four, ainsi que Zalingei, Al-Burhan et Talaba.
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Réaction internationale et indignation locale
Ces crimes ont suscité une forte réaction internationale. En janvier 2025, le département du Trésor américain a imposé des sanctions contre Abdel Fattah al-Burhan. Le secrétaire d’État de l’époque, Antony Blinken, a dénoncé des « atrocités perpétrées par l’armée soudanaise dirigée par al-Burhan, ciblant les civils, les infrastructures civiles, et procédant à des exécutions sommaires. »
Sur le plan local, ces violations ont été condamnées par de nombreux acteurs politiques et de la société civile. Bakri Al-Jak, porte-parole de la coalition civile démocratique « Samoud », a déclaré : « L’effondrement de l’État, l’absence de justice et la violence engendrée par les actions des FSR ont poussé l’armée et ses milices alliées à croire qu’elles pouvaient tout se permettre contre les FSR ou ceux suspectés de les avoir soutenues. »
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Il dénonce également une dérive vers la vengeance ethnique, fondée sur des accusations sans jugement, au mépris des principes de justice.
Wail Mahjoub, analyste politique et défenseur de la démocratie, a affirmé : « Ces exécutions extrajudiciaires, motivées par des témoignages ou rumeurs non vérifiés, ne doivent en aucun cas être tolérées. Les forces armées soudanaises doivent être tenues responsables selon les lois de la guerre et les conventions de Genève de 1949, en particulier celles relatives aux prisonniers de guerre et à la protection des civils. »