Politique

Iran et Niger : Coopération sécuritaire ou charme de l’uranium ?


Dans un paysage géopolitique en mutation sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest, l’Iran émerge comme un acteur non conventionnel, renforçant sa présence au Niger en capitalisant sur le vide laissé par les puissances occidentales.

Alors que Téhéran avance un accord de coopération sécuritaire en apparence, de profonds soupçons subsistent quant à ses réelles ambitions, notamment en ce qui concerne l’uranium nigérien — ressource précieuse dans l’un des sous-sols les plus riches d’Afrique, selon le magazine français Le Point Afrique.

Au début du mois de mai, l’arrivée remarquée d’un Falcon 20i de la police iranienne à Niamey, la capitale du Niger, n’est pas passée inaperçue. À son bord, une délégation sécuritaire conduite par le général Reza Radan, chef des forces de sécurité intérieure d’Iran. L’avion aurait également fait une escale à Ouagadougou, au Burkina Faso. Mais l’événement majeur fut la signature, le 8 mai, d’un protocole d’accord avec le ministère nigérien de l’Intérieur.

Ce protocole prévoit un renforcement de la coopération sécuritaire incluant l’échange de renseignements et la formation des cadres, reflétant, selon Le Point Afrique, une convergence d’intérêts entre deux États en quête d’une plus grande influence.

À la recherche de nouveaux partenaires

Depuis le coup d’État de juillet 2023 mené par le général Abdourahamane Tiani, le régime nigérien est confronté à une isolement diplomatique croissant. D’abord sanctionné par la CEDEAO, le pays a vu ces mesures levées par crainte d’un effondrement humanitaire.

En rejoignant l’Alliance des États du Sahel aux côtés du Mali et du Burkina Faso, Niamey a exacerbé ses tensions avec ses voisins, notamment le Nigeria et le Bénin.

Mais la crise la plus grave demeure sécuritaire : selon l’Indice mondial du terrorisme 2025, le Niger a enregistré la plus forte hausse du nombre de victimes d’attentats en 2024, avec 451 morts supplémentaires.

Conscient que sa sécurité nécessite un appui extérieur, le régime nigérien s’est tourné vers de nouveaux alliés. Le retrait des troupes françaises et américaines a ouvert la voie à d’autres puissances, notamment la Russie, avec qui un accord de défense a été signé en décembre 2023. Moscou a ainsi déployé des formateurs et des membres du groupe Africa Corps, successeur présumé de Wagner.

Mais selon l’historien et spécialiste du Sahel, Dr. Ladji Ouattara, interrogé par Le Point, « cette alliance n’a pas tenu ses promesses ». En revanche, ajoute-t-il, « l’Iran dispose de technologies de pointe en matière de drones, ce qui peut séduire Niamey, privée de capacités de surveillance aérienne après le départ de Washington et la remise de la base d’Agadez 201, conçue initialement pour les drones ».

Une arrière-pensée nucléaire ?

Pour beaucoup d’analystes, cette proximité accrue avec Téhéran pourrait s’expliquer par la volonté iranienne d’assurer un futur accès à l’uranium nigérien.

L’Iran est le septième producteur mondial d’uranium, selon l’Association mondiale du nucléaire (rapport 2022). Des visites de haut niveau, notamment celle du Premier ministre nigérien à Téhéran début 2024, laissent penser que des discussions secrètes sur la fourniture de ce minerai ont lieu, selon la même source.

L’accord sécuritaire vient renforcer cette hypothèse. Pour le Dr. Ouattara, « l’Iran est pragmatique dans sa diplomatie, et l’uranium est clairement un élément central de cette coopération ».

Du côté nigérien, l’économie traverse une phase paradoxale : avec une croissance estimée à près de 10 % en 2024, elle demeure toutefois à court d’investissements étrangers en raison de l’isolement politique.

Selon le FMI, le gouvernement nigérien cherche à revoir sa stratégie d’exploitation des ressources naturelles. Avant le putsch, les exportations d’uranium représentaient plus de 15 % du PIB. Aujourd’hui, elles sont plombées par un contentieux juridique avec la société française Orano (ex-Areva).

Un uranium sous embargo

Malgré la présence de trois filiales sur le territoire nigérien, Orano a annoncé en décembre 2024 avoir perdu le contrôle de ses activités à cause des tensions croissantes avec les autorités.

Le gouvernement a suspendu le permis d’exploitation de la mine d’Imouraren, poussant Orano à déposer deux plaintes en arbitrage international contre l’État nigérien. Le 6 mai, l’entreprise a fait part de ses inquiétudes concernant des perquisitions dans ses locaux et la perte de contact avec son représentant local.

Concrètement, près de 1300 tonnes d’uranium sont bloquées, dans l’attente d’un éventuel export incertain, selon Le Point.

Le Financial Times a révélé le 17 mai dernier que la cession des actifs d’Orano au Niger était à l’étude. Des intérêts russes, chinois, ainsi qu’une entreprise enregistrée à Chypre, seraient dans la course, tout comme un possible rachat par l’État nigérien lui-même.

La restructuration du marché nigérien de l’uranium pourrait ainsi ouvrir la voie à une plus grande implication iranienne. Téhéran pourrait intensifier son soutien sécuritaire à Niamey en échange de gains stratégiques — une « transaction » qui suscite de sérieuses inquiétudes dans les capitales occidentales, conclut Le Point Afrique.

 

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page