Politique

Hasm des Frères musulmans : un saut dans le vide dans un contexte régional fragile


Après des années de silence, le groupe « Hasm », émanation armée des Frères musulmans, refait surface. Mais son retour semble davantage relever d’un coup médiatique que d’une véritable menace opérationnelle.

Classée organisation terroriste dans plusieurs pays, « Hasm » a diffusé une courte vidéo montrant l’entraînement militaire de ses combattants dans une zone désertique, menaçant de lancer des attaques terroristes en Égypte.

Intitulée « Le chemin des croyants : voilà la voie », la vidéo dure 3 minutes et 38 secondes. Elle s’ouvre par des chants motivants produits par le groupe, arborant le slogan « Nous arrivons », et montre des séquences d’entraînements au tir avec des armes automatiques de petit et moyen calibre, des mitrailleuses lourdes, des lances-roquettes et des mortiers.

À la fin, le groupe adresse une menace au gouvernement égyptien, affirmant que la région est entrée dans une nouvelle phase de son histoire, où les rapports de force évoluent et les volontés sont mises à l’épreuve. Il fait référence à l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023, présentée comme une « démonstration de la défaite de l’armée israélienne », selon ses mots.

Le mouvement ajoute que les développements régionaux l’incitent à envoyer un message à « l’ami comme à l’ennemi », affirmant que « l’ère de la passivité est révolue et que l’Égypte n’est pas en dehors de ce combat ». Leur retour serait, selon eux, le fruit d’une longue période de préparation, de renforcement de leurs capacités organisationnelles, et d’identification de cibles à venir.

Ils annoncent également vouloir cibler les prisons égyptiennes où sont détenus des membres des Frères musulmans condamnés dans diverses affaires.

Cette publication réaffirme que le groupe « Hasm » n’a pas renoncé à la violence, et projette de relancer ses activités en Égypte, malgré les coups durs qu’il a subis de la part des services de sécurité égyptiens au fil des années.

Qu’est-ce que le mouvement « Hasm » ?

Le groupe « Hasm » a émergé comme bras armé opérationnel des Frères musulmans, intégré aux cellules dites de « l’action révolutionnaire » mises en place par la confrérie à partir de 2014, après sa destitution à la suite des manifestations du 30 juin 2013.

« Hasm » s’est fait connaître le 16 juillet 2016, lors de l’assassinat du chef du service de renseignements de Tamya (Fayoum), avant d’enchaîner attentats et assassinats visant civils et membres des forces de sécurité. Le groupe a aussi tenté d’assassiner l’ancien grand mufti d’Égypte, Dr Ali Gomaa, en août 2016.

Il a également tenté d’assassiner le procureur adjoint Zakaria Abdel Aziz en septembre 2016, ainsi que le juge Ahmed Abou El-Fotouh, qui avait confirmé une peine de 20 ans de prison contre Mohamed Morsi dans l’affaire d’El-Ittihadiya, en novembre 2016.

En parallèle, un autre groupe appelé « Liwa al-Thawra » (Brigade de la Révolution) a revendiqué des attaques contre des barrages de sécurité et des officiers de l’armée, dont l’assassinat du général Adel Rajai, commandant de la 9e division blindée, en octobre 2016. Cet acte aurait été perpétré en représailles à la mort de Mohamed Kamal, membre influent de la confrérie, tué par la police plus tôt ce mois-là.

Ces mouvements armés s’inscrivent dans une stratégie militaire des Frères musulmans après leur chute. Plusieurs groupes, comme « la Résistance populaire » et « la Punition révolutionnaire », ont été créés. Les autorités égyptiennes accusent les dirigeants Yéhya Moussa et Alaa Al-Samahi, en exil, de diriger ces structures.

Leur objectif était de prendre le pouvoir par la force en suivant un plan sur un an et demi, consistant à affaiblir les forces de sécurité par des opérations ciblées, puis à lancer des attaques simultanées contre les institutions de l’État dans plusieurs gouvernorats.

Ce plan incluait aussi des attaques transfrontalières menées par des milices installées dans les pays voisins, visant à envahir l’Égypte et restaurer les Frères musulmans au pouvoir.

« Hasm » fonctionnait selon un modèle décentralisé, les ordres venant de l’extérieur du pays. Ils utilisaient une structure en cellules cloisonnées, rendant difficile leur repérage.

Mais les forces de sécurité égyptiennes ont mené une série de vastes opérations, neutralisant ou arrêtant de nombreux membres clés. En avril 2017, elles ont découvert deux grandes caches d’armes dans des fermes appartenant à des cadres de la confrérie, notamment dans la tristement célèbre « Ferme de la mort » à Beheira, contenant une importante quantité d’explosifs.

Ces opérations ont contraint le mouvement à suspendre ses activités. Leur dernier attentat remonte à août 2019, lorsqu’un véhicule piégé a explosé près de l’Institut national du cancer au Caire, tuant 20 civils et blessant une cinquantaine d’autres. Depuis, le groupe était en sommeil.

Une reprise d’activité ?

Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, les dirigeants de « Hasm » à l’étranger, notamment Yehya Moussa, ont intensifié leurs appels à la reprise de la lutte armée, qu’ils considèrent comme l’unique moyen de libérer leurs leaders emprisonnés.

Le courant dissident des Frères musulmans, connu sous le nom « Bureau général » ou « Courant du changement », lié à Mohamed Kamal, a également lancé des appels à se préparer pour un renversement du régime par la force.

Ce courant a publié plusieurs communiqués au nom du « Secrétariat général des Frères musulmans », et une autre faction a lancé le projet « Midan », censé préparer le retour clandestin de l’organisation en Égypte.

Dans ce contexte, « Hasm » a publié sa dernière vidéo de propagande, annonçant la reprise de son activité armée.

Mais l’analyse du contenu suggère qu’il s’agit d’images d’entraînement tournées dans un pays voisin, remontant à la période post-2015, alors que les Frères musulmans préparaient une nouvelle vague de violence.

Ces images ont été récemment retravaillées avec de nouveaux montages et messages pour donner l’impression d’une production actuelle, dans le but de semer la confusion parmi les services de sécurité, selon plusieurs analystes.

La vidéo a été largement relayée sur les réseaux sociaux par des comptes proches des Frères musulmans, notamment du « Bureau général », qui cherchent à se positionner comme l’aile capable de mener une confrontation armée, après l’échec de l’approche plus modérée de la « faction de Londres », qui proposait un retrait temporaire de la vie politique pendant une décennie, en échange d’une réintégration dans la sphère sociale égyptienne.

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