Des familles alaouites hantées par les enlèvements de leurs filles face au laxisme des autorités

Les réseaux sociaux sont inondés de messages et de vidéos publiés par des familles de jeunes femmes alaouites disparues, dans lesquels leurs proches implorent toute information les concernant.
« Ne l’attendez pas… Ne comptez pas sur votre sœur… elle ne reviendra pas. » C’est ce qu’un appel via WhatsApp a transmis à la famille d’une femme nommée Abir, le 21 mai, quelques heures après sa disparition dans les rues de la ville de Safita, en Syrie. Elle est l’une des dizaines de femmes alaouites enlevées sans qu’aucune action sérieuse ne soit menée par les nouvelles autorités pour faire la lumière sur leur sort.
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Le ravisseur d’Abir, ainsi qu’un autre homme se présentant comme intermédiaire, ont averti sa famille qu’elle serait exécutée ou vendue dans un réseau de traite humaine si une rançon de 15 000 dollars n’était pas versée.
Le 29 mai, Abir elle-même a contacté sa famille depuis le même numéro utilisé par ses ravisseurs, identifiable par un indicatif irakien. Elle a déclaré : « Je ne suis plus en Syrie… Tout ce que j’entends ici est étrange, je ne comprends rien. »
Reuters a pu consulter cet appel enregistré par la famille, ainsi qu’une douzaine d’autres messages et communications échangés avec les ravisseurs via un numéro syrien.
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Abir fait partie d’au moins 33 femmes et jeunes filles de la communauté alaouite, âgées de 16 à 39 ans, qui ont été enlevées ou portées disparues cette année, selon leurs familles, dans le contexte chaotique ayant suivi la chute de l’ex-président Bachar al-Assad.
La chute d’Assad en décembre, après quatorze ans de guerre civile, a libéré des vagues de violence ciblant la minorité alaouite à laquelle il appartenait. Des factions armées pro-gouvernementales ont mené des attaques contre des civils alaouites dans les zones côtières en mars, causant des centaines de morts.
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Depuis mars, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos et messages publiés par des familles désespérées, réclamant des informations sur leurs filles disparues. De nouveaux cas apparaissent presque chaque jour.
La Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie a annoncé qu’elle enquêtait sur ces disparitions après une augmentation alarmante des signalements. Un porte-parole a indiqué que ses conclusions seraient transmises au Conseil des droits de l’homme une fois l’enquête terminée.
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Un proche d’Abir a affirmé que la famille avait emprunté de l’argent à ses voisins pour réunir la rançon de 15 000 dollars. Cette somme a été envoyée les 27 et 28 mai via 30 transferts distincts, chacun entre 300 et 700 dollars, vers trois comptes à Izmir, en Turquie. Les reçus ont été partagés avec Reuters. Une fois l’argent envoyé, les ravisseurs ont cessé tout contact. Abir demeure introuvable.
Des entretiens avec les familles de 16 femmes disparues révèlent que 7 d’entre elles auraient été enlevées, leurs familles ayant reçu des demandes de rançon allant de 1 500 à 100 000 dollars. Trois familles, dont celle d’Abir, ont reçu des messages affirmant que les victimes avaient été transférées hors de Syrie.
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Pour les 9 autres femmes, aucune information n’est disponible. Huit d’entre elles étaient mineures.
Les 33 femmes ont disparu dans les provinces de Tartous, Lattaquié et Hama — des bastions alaouites. Près de la moitié sont finalement rentrées chez elles, mais toutes, par peur, ont refusé de parler publiquement de leur expérience.
La majorité des familles interrogées par Reuters déplore l’inaction des forces de police et l’absence d’enquêtes sérieuses.
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Ahmed Mohammad Khair, directeur des relations médias de la province de Tartous, a nié l’existence d’une campagne ciblée contre les Alaouites. Il a affirmé que la plupart des cas résultaient de conflits familiaux ou de fugues volontaires, sans apporter de preuves.
Selon lui, « il se peut qu’une femme ait fui pour échapper à un mariage forcé ou qu’elle ait eu une dispute avec sa famille. Elle veut peut-être leur faire peur, ou elle a effectivement été enlevée. »
Il a aussi mis en garde contre la propagation d’« informations non vérifiées qui ne font qu’alimenter la peur et semer la discorde. »
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Le directeur de la communication à Lattaquié a repris les mêmes arguments, affirmant que certaines jeunes femmes fuyaient avec des hommes par amour, et que les familles inventaient des histoires d’enlèvement pour éviter le scandale.
Le militant syrien des droits humains, Yamen Hussein, qui suit les cas de disparitions, a souligné que la majorité des disparitions ont eu lieu après les violences de mars. Il affirme que seules des femmes alaouites sont visées et que les auteurs restent inconnus.
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Il décrit un climat de peur généralisé parmi cette communauté chiite, qui représente environ 10 % de la population syrienne à majorité sunnite. Des jeunes filles ont arrêté d’aller à l’école ou à l’université, par crainte d’être ciblées.
« C’est un schéma clair », dit-il. « Les femmes disparaissent en plein jour… C’est une méthode d’humiliation. Elle a déjà été utilisée par le régime d’Assad et par les forces rebelles contre leurs ennemis. »
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Des milliers d’Alaouites ont été déplacés de leurs domiciles à Damas, tandis que certains ont été licenciés ou harcelés à des postes de contrôle par des combattants sunnites affiliés au gouvernement.
Les entretiens menés avec les familles des femmes disparues révèlent que la plupart d’entre elles ont été enlevées en plein jour, alors qu’elles accomplissaient des tâches quotidiennes ou utilisaient les transports publics. La plus jeune est une fille nommée Zineb.
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Un membre de la famille de Zineb, âgée de 17 ans, a indiqué qu’elle avait été kidnappée sur le chemin de l’école dans la ville d’Al-Hanadi, à Lattaquié, le 27 février. Il a ajouté que le ravisseur présumé avait envoyé un message depuis le téléphone de la jeune fille, menaçant la famille de ne pas publier de photo d’elle en ligne.
Dans ce message, il écrivait : « Comme je vous l’ai dit, je ne veux voir aucune image, sinon, je vous l’envoie couverte de son sang. »
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Le proche a précisé que Zineb avait brièvement appelé sa maison et déclaré qu’elle ne savait pas où elle se trouvait, qu’elle avait très mal au ventre, puis la communication avait été coupée. La famille reste sans aucune nouvelle.
Un autre proche d’une femme nommée Khuzama a raconté qu’elle avait été enlevée le 18 mars dans la campagne de Hama par un groupe de cinq hommes. Ces derniers l’auraient droguée pour qu’elle perde connaissance durant le trajet. Ce témoignage repose sur les propos de Khuzama elle-même, mère de cinq enfants, après son retour.
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Ce membre de la famille précise que Khuzama, âgée de 35 ans, a passé 15 jours en captivité. Pendant cette période, les ravisseurs ont négocié avec la famille, qui a fini par verser 1 500 dollars pour obtenir sa libération. À son retour, elle souffrait d’une grave détresse psychologique.
Quelques jours après l’enlèvement de Khuzama, un proche de Douaa Abbas, 29 ans, a déclaré qu’un groupe d’individus l’avait kidnappée devant son domicile, la traînant de force dans une voiture en stationnement. La scène s’est déroulée à Salhab, dans la province de Hama.
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Le témoin, qui n’a pas pu voir combien d’hommes étaient impliqués ni s’ils étaient armés, a tenté de les poursuivre à moto, mais le véhicule a rapidement disparu.
Trois femmes Alaouites portées disparues plus tôt cette année ont réapparu et nié publiquement avoir été enlevées. Elles ne sont pas comptées parmi les 33 cas évoqués.
L’une d’elles, une fille de 16 ans de Lattaquié, a publié une vidéo affirmant qu’elle avait fui pour se marier volontairement avec un homme sunnite. Sa famille conteste cette version, affirmant qu’elle a été enlevée et forcée à se marier, et que les services de sécurité lui ont ordonné de prétendre qu’elle était partie de son plein gré pour protéger ses ravisseurs.
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Quant aux deux autres — une femme de 23 ans et une fille de 12 ans — elles ont déclaré à des chaînes arabes être parties de leur plein gré vers Alep et Damas. La première a néanmoins raconté avoir été frappée par un homme dans un appartement avant de s’échapper.
Les Alaouites ont longtemps occupé les postes politiques et militaires les plus influents sous le régime des Assad. La chute soudaine de Bachar al-Assad en décembre a permis l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement dirigé par Hayat Tahrir al-Sham, groupe sunnite issu d’une ancienne branche d’Al-Qaïda.
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Le nouveau pouvoir tente difficilement d’intégrer dans ses forces de sécurité les combattants de dizaines de factions rebelles, y compris des étrangers, pour combler le vide laissé par l’effondrement des services sécuritaires de l’ancien régime.
Plusieurs familles de femmes disparues affirment redouter que les Alaouites subissent un sort similaire à celui de la minorité yézidie aux mains de l’organisation État islamique, qui avait réduit des milliers de femmes yézidies en esclavage sexuel.
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La famille de Nagham Chadi, une femme Alaouite récemment disparue, vit dans l’angoisse. Son père raconte que sa fille de 23 ans a quitté leur maison dans le village d’Al-Bayyadiyya, à Hama, le 2 juin pour acheter du lait, mais n’est jamais revenue.
Il précise que la famille avait dû quitter son ancien village voisin le 7 mars en raison des violences visant les Alaouites. Il conclut avec résignation : « Que pouvons-nous faire ? Nous remettons tout entre les mains de Dieu. »
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