Démantèlement des bras mous : la Jordanie agit pour brider le financement des Frères musulmans

Dans un tournant notable reflétant l’évolution des priorités jordaniennes, le gouvernement exerce désormais une surveillance renforcée sur les activités des Frères musulmans, plaçant sous contrôle légal et financier les associations caritatives qui ont servi de bras social à l’organisation pendant des décennies.
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Cette démarche ne relève pas du simple contrôle administratif : elle marque une volonté de redéfinir la relation entre l’État et le mouvement, en asséchant progressivement ses sources de pouvoir indirect et en démantelant son réseau de financement jusque-là discret.
Depuis l’amplification de l’interdiction du groupe il y a plus de trois mois, les autorités se concentrent sur son réseau financier, pilier essentiel de son influence. En avril dernier, la police a arrêté Ahmed Zarqan, vice-contrôleur général du groupe. Il y a deux semaines, des enquêteurs de la Sûreté d’État ont convoqué Murad Al-Odailah, contrôleur général officiellement entré sur la liste des terroristes, pour mener des investigations approfondies sur des dossiers sensibles, notamment financiers — une première dans l’histoire des Frères en Jordanie.
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Peu après sa libération, le contrôleur général d’un forum de formation et d’autonomisation des femmes et enfants — soupçonné d’être une façade des Frères musulmans — a été renvoyé devant le procureur pour infractions, notamment absence de rapport financier pour 2024 et manque de transparence sur les bénéficiaires finaux de ses activités. Le Comité de dissolution du ministère du Développement social a également renvoyé trois associations proches des Frères (le Croissant vert, Al-‘Urwa al-Wuthqa, et l’Initiative Sawa’id Al-‘Ataa’) au procureur pour infractions administratives et collecte illégale de dons. L’association Zohour Al-Barari a quant à elle été dissoute par décision de son conseil d’administration.
Par ailleurs, le ministère suit de près les activités d’une association de businessmen affiliés au groupe, parmi lesquels figure un ancien député, et a identifié des collectes illégales de dons menées dans un quartier d’Amman par des membres du groupe.
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Un réseau ancien et structuré
Le dossier des associations caritatives et de l’infiltration des Frères musulmans dans la société civile jordanienne demeure complexe. Fondée en 1945 sous le nom d’« Association des Frères musulmans », le groupe a justement profité d’une exemption à la loi de dissolution des partis dans les années 1950, applicable jusqu’en 1989. Ce statut lui a permis de bâtir un réseau dense d’organisations civiles et de collecter des fonds depuis des années.
D’après une étude de 2022 du Centre égyptien de réflexion stratégique, ces réseaux auraient contrôlé des milliards de dollars. La stratégie reposait sur une « prédication publique et une organisation secrète », avec des cadres implantés discrètement dans des organisations caritatives, puis promus à des postes clés pour servir le groupe.
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Officiellement, plus de 30 associations étaient impliquées, avec quatre organismes, commissions, un club sportif et quatre instituts islamiques créés. Parmi elles, l’association « Le Centre islamique » (1963) est la plus emblématique ; jadis dirigée par les Frères jusqu’en 2006, elle possède des actifs d’environ 500 MJD (705 M USD), incluant hôpitaux, foyers pour orphelins, écoles et jardins d’enfants. Financée par des dotations religieuses, des dons et des subventions, elle servait à renforcer la base sociale du groupe.
Parmi les structures notables, le Croissant vert, fondé en 1991 par le cadre Hamza Mansour, dispose de 9 antennes (Amman, Zarqa, Irbid…). L’association Al-‘Afaf, anciennement dirigée par l’ex-parlementaire Abd al-Latif Arbayat, promeut le mariage, les valeurs familiales, organise des mariages collectifs et accorde des micro-crédits avec la Banque islamique jordanienne ; présidée aujourd’hui par Hamdi Al-Taba’, elle sert de plateforme de diffusion pour l’organisation. Les dons via ces structures constituent leur principale source de financement.
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Enfin, la Société d’études et recherches islamiques (1977), riche et autonome, regroupe chercheurs et experts. Après la mort de son fondateur, Isḥāq Farhan, elle est actuellement dirigée par Hamdi Al-Tabaʿ. Quant à l’Association pour la préservation du Coran (1991), coordonnant 1 050 sites via 42 antennes, elle a été placée sous mesures d’encadrement depuis 2022 par le ministère des Waqfs, provoquant un différend avec le groupe.
Depuis l’interdiction de 2015, les Frères musulmans ont investi les ONG, syndicats et écoles, focalisant sur l’éducation, la santé, l’aide aux orphelins et la sensibilisation sociale, sous la houlette de leur ancien contrôleur libertaire, Hammad Saʿid.
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Vers un recentrage juridique
Dr Saʿud Al-Sharafāt, fondateur du Centre Schwarafat d’études sur la mondialisation et le terrorisme, confirme que ces dernières mesures visent à mettre sous contrôle rigoureux le financement du mouvement, en préparation de poursuites judiciaires à la suite de l’amplification de l’interdiction en avril.
Selon lui, « l’État jordanien s’emploie minutieusement à analyser les sources de financement, le volet le plus opaque de ce dossier, mené avec sérénité mais détermination ». Il ajoute que la stratégie du gouvernement est d’éliminer toute faille dans ce réseau clandestin, en signant sa relation avec le parti officiellement agréé, le Parti du Front du travail islamique, désormais surveillé de près pour prévenir les projets des Frères.
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