Politique

Contrôle et surveillance… Que font les entreprises américaines d’intelligence artificielle à Gaza ?


La présence des sociétés Palantir et Dataminr dans le nouveau complexe militaire américain en Israël révèle comment les entreprises technologiques tirent profit de la situation.

Depuis la mi-octobre 2025, environ 200 membres des forces militaires américaines opèrent à l’intérieur d’un vaste complexe situé dans le sud d’Israël, à près de 20 kilomètres de la limite nord de la bande de Gaza, connu sous le nom de Centre de coordination civilo-militaire.

Ce complexe a été créé pour mettre en œuvre le plan de paix en vingt points annoncé par le président américain Donald Trump. Ce plan repose sur trois objectifs principaux : le désarmement du Hamas, la reconstruction de Gaza et la création des conditions nécessaires à ce que l’administration américaine présente comme le droit des Palestiniens à l’autodétermination et à l’établissement de leur propre État.

Bien que le Conseil de sécurité ait approuvé ce plan, aucune partie palestinienne n’a été associée aux discussions concernant l’avenir du territoire.

En parallèle, deux sociétés américaines spécialisées dans la surveillance par intelligence artificielle se sont affirmées au sein du Centre de coordination civilo-militaire : Palantir et Dataminr. Leur présence met en lumière l’influence croissante du secteur technologique dans la définition des politiques de l’après-guerre à Gaza, selon un article de Responsible Statecraft.

Le site indique qu’un représentant de la plateforme Maven est présent sur place. Il s’agit d’un système d’intelligence artificielle développé par Palantir, capable de collecter et d’analyser de vastes quantités de données provenant de satellites, de drones, d’écoutes électroniques et d’Internet, afin de les intégrer dans une plateforme de recherche unique utilisée pour la conduite des opérations militaires, notamment l’identification de cibles et l’exécution de frappes aériennes.

Le système est présenté comme une plateforme de combat augmentée par l’intelligence artificielle. Palantir affirme même que ses technologies raccourcissent la chaîne de décision qui va de l’identification d’une cible à sa neutralisation.

Récemment, Palantir a obtenu un contrat de 10 milliards de dollars pour développer Maven pour l’armée américaine.

La présence de la société en Israël ne cesse de croître depuis la conclusion d’un partenariat stratégique avec l’armée israélienne en janvier 2024, malgré les vives critiques concernant les crimes et violations commis par Tel-Aviv à Gaza, selon le média.

Quant à Dataminr, elle utilise l’intelligence artificielle pour analyser le contenu provenant des réseaux sociaux, notamment X, et propose ce qu’elle décrit comme une analyse instantanée des menaces et des risques.

L’entreprise a pris son essor au milieu de la dernière décennie en offrant au FBI un accès complet et illimité aux données de X pour surveiller toute activité considérée comme criminelle ou terroriste.

Elle permet également d’analyser l’historique numérique de n’importe quel utilisateur et de cartographier ses réseaux de relations.

Dataminr a été impliquée dans la surveillance des manifestations Black Lives Matter durant le premier mandat de Trump, ainsi que dans celle des mobilisations en faveur du droit à l’avortement sous la présidence de Joe Biden. En 2025, son activité s’est étendue à la surveillance du contenu produit par des militants pro-palestiniens aux États-Unis.

Selon Responsible Statecraft, la présence de Palantir et Dataminr dans le Centre de coordination civilo-militaire indique que le contrôle israélien sur Gaza ne prendra pas fin. Au contraire, il s’approfondira grâce à une nouvelle couche de surveillance et de domination technologique, malgré les discours sur un futur État palestinien dans le cadre du plan américain.

Au cours des six premières semaines de la trêve à Gaza, plus de 340 Palestiniens ont été tués, soit par des frappes aériennes israéliennes, soit par des soldats israéliens près de la ligne jaune, une zone sous occupation directe qui représente environ 58 % de la superficie de la bande.

Sur le plan sécuritaire, les États-Unis supervisent la création d’une Force internationale de stabilisation regroupant des soldats de différentes nations.

D’après le même média, cette force utilisera les technologies de Maven et Dataminr, similaires aux outils israéliens tels que les plateformes d’identification automatique de cibles utilisées durant la guerre, et les systèmes de surveillance numérique appliqués depuis des années aux Palestiniens.

Les informations collectées par les États-Unis sont régulièrement transférées à Israël, un phénomène déjà révélé en 2013 par les documents divulgués par l’ex-employé de la NSA Edward Snowden, qui évoquent un transfert brut et complet des données concernant les Palestiniens.

Après le 7 octobre 2023, cette coopération s’est intensifiée et s’est étendue aux images aériennes, aux communications et aux rapports d’analyse, renforçant les capacités offensives israéliennes.

Le plan Trump propose également un volet controversé visant à créer des communautés sécurisées alternatives dans des zones sous contrôle israélien à Gaza, regroupant des dizaines de milliers de Palestiniens dans des complexes entièrement surveillés, où les entrées et sorties seraient contrôlées en coordination avec le Shin Bet israélien, selon des évaluations portant sur le lien présumé des personnes avec le Hamas.

Pendant la guerre, l’outil d’intelligence artificielle israélien Lavender a désigné des milliers de Palestiniens comme cibles potentielles sur la base d’algorithmes secrets. Ce système illustre ce qui pourrait se produire dans ces complexes alternatifs, d’autant que Maven et Dataminr renforcent la capacité des forces américaines et israéliennes à suivre les Palestiniens, à les classer, à établir leurs connexions et à surveiller leurs déplacements et leurs communications.

D’après Responsible Statecraft, ce qui se déroule à Gaza ressemble à la mise en place d’un nouveau modèle d’occupation, dans lequel des forces américaines et des entreprises technologiques administrent le territoire, tandis qu’Israël conserve un contrôle militaire et sécuritaire accru, sans avoir à maintenir une présence militaire massive.

Ce modèle sert les intérêts des entreprises américaines qui voient dans Gaza un laboratoire vivant pour tester leurs technologies de surveillance et d’identification militaire basées sur l’intelligence artificielle.

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