Al-Sadr se désavoue de candidats ayant défié la décision de boycotter les législatives

Bien que le courant sadriste soit officiellement absent de la scène politique, il demeure une force sociale influente, alimentant les craintes que sa popularité ne soit exploitée par certaines forces.
Le leader du courant sadriste, Moqtada al-Sadr, a réaffirmé son attachement à sa position ferme de ne pas revenir dans la course électorale, tout en mettant en garde contre l’utilisation de son nom et de la popularité de son mouvement à des fins partisanes ou personnelles. Cette mise en garde visait directement des figures se réclamant du courant qui se présentent aux prochaines élections sans son aval.
Dans un communiqué publié jeudi, al-Sadr a officiellement désavoué 15 candidats aux élections législatives issus du courant sadriste et des « Saraya al-Salam », la branche armée affiliée au mouvement. Le texte, signé de sa main, stipulait explicitement : « Je me désavoue totalement d’eux », exprimant ainsi son rejet catégorique de ce qu’il considère comme un contournement de sa décision de boycotter les élections.
S’il a appelé ses partisans à ne pas voter pour ces candidats, al-Sadr a toutefois insisté sur la nécessité d’éviter toute agression ou insulte à leur encontre, soulignant que son objection est politique et non personnelle, et qu’elle s’inscrit dans une démarche réformiste qu’il a adoptée depuis son retrait de la vie politique en 2022.
La décision de se retirer de la scène politique n’a pas été improvisée. Elle s’inscrit dans une série d’événements complexes ayant débuté après les législatives anticipées d’octobre 2021, remportées par le bloc sadriste avec 73 sièges, le plus grand nombre. Toutefois, son alliance avec d’autres forces échoua à former un gouvernement en raison du mécanisme du « tiers de blocage », activé par le Cadre de coordination chiite sur la base d’une interprétation constitutionnelle concernant l’élection du président de la République.
Après des mois d’impasse, al-Sadr ordonna à ses députés de démissionner du Parlement, une décision qui bouleversa la scène politique. Depuis, il affirme qu’il n’y aura pas de retour à la politique tant que « la corruption reste enracinée et que les armes demeurent hors du contrôle de l’État ».
Malgré ce retrait, la base populaire du courant sadriste demeure une force sociale organisée et influente dans la rue irakienne. Des observateurs mettent en garde contre les tentatives de certaines figures et forces politiques de capitaliser sur ce poids populaire en présentant des candidats liés, de près ou de loin, au courant, risquant ainsi de brouiller la perception des électeurs et de dénaturer la position officielle du mouvement.
Selon des analystes, même absent des institutions, le courant reste un acteur majeur dans l’équation sociale. L’exploitation de sa popularité par d’autres pourrait semer la confusion et alimenter des dynamiques trompeuses, ce que cherche à prévenir al-Sadr en déclarant clairement son désaveu de tout candidat revendiquant son appartenance.
Les prochaines élections législatives en Irak se dérouleront dans un contexte particulièrement difficile, marqué par la méfiance croissante des électeurs à l’égard du système politique et par le boycott du courant sadriste. Al-Sadr avait déjà averti que le refus persistant des partis en place de répondre aux revendications populaires et de mener de véritables réformes risquait d’entraîner un désengagement massif et de priver le processus électoral de sa légitimité.
Il a conditionné un éventuel retour à la vie politique au « démantèlement de toutes les milices armées, y compris les Saraya al-Salam », au transfert des armes à l’État, et au lancement d’une lutte sérieuse contre la corruption – des exigences jugées irréalistes dans les équilibres actuels.
Depuis son retrait du Parlement, al-Sadr a recentré son mouvement sur le terrain religieux et social, transformant le courant sadriste en une force de pression populaire plutôt qu’en parti parlementaire. Le mouvement continue de mobiliser massivement lors de grandes occasions religieuses pour maintenir une connexion étroite entre sa base et sa vision réformatrice.
Des proches affirment qu’al-Sadr « ne permettra à aucune partie d’utiliser son nom ou l’héritage du courant comme tremplin vers le pouvoir », estimant que la bataille en cours n’est pas électorale, mais bien « une lutte pour reprendre l’État aux mains de la corruption et des milices ».
Ainsi, le rejet d’al-Sadr de toute participation électorale ne traduit pas seulement un désaccord circonstanciel, mais s’inscrit dans une stratégie de long terme visant à réformer en profondeur le système politique irakien. Toutefois, l’ampleur de l’influence populaire du courant et la présence de figures cherchant à l’exploiter électoralement demeurent des facteurs sensibles qui pourraient générer de nouvelles tensions à l’approche du scrutin.