Washington perd sa base stratégique de surveillance du littoral et de la Libye avec le retrait du Niger
Les États-Unis vont transférer leur équipement sensible du Niger mais laisseront des équipements plus volumineux tels que des climatiseurs, des générateurs et des hangars d'avions
La déclaration commune des États-Unis et du Niger a annoncé qu’un accord avait été trouvé pour le retrait des forces américaines de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Ce retrait, déjà entamé, sera achevé d’ici le 15 septembre, entraînant ainsi la perte de la base aérienne d’Agadez au nord du pays, utilisée par les forces américaines pour surveiller la région du Sahel, l’Afrique du Nord et particulièrement les mouvements en Libye.
Le mois dernier, le conseil militaire au pouvoir au Niger a demandé aux États-Unis de retirer leurs quelque 1000 soldats. Jusqu’au coup d’État de l’année dernière, le Niger était un partenaire clé dans la lutte de Washington contre les insurgés au Sahel, qui ont tué des milliers de personnes et déplacé des millions.
L’accord a été conclu après cinq jours de réunions entre le ministère de la Défense du Niger et le Pentagone. Cet accord garantit la protection des forces américaines jusqu’à leur retrait et définit les procédures pour faciliter l’entrée et la sortie de leurs membres pendant le retrait.
La déclaration conjointe a salué les sacrifices partagés des forces nigériennes et américaines dans la lutte contre le terrorisme et a souligné les efforts conjoints pour renforcer les forces armées nigériennes. Le retrait des forces américaines n’affectera en rien la poursuite des relations entre les États-Unis et le Niger dans le domaine du développement. Les deux pays se sont engagés à maintenir un dialogue diplomatique pour définir l’avenir de leurs relations bilatérales.
Un haut responsable militaire américain, souhaitant rester anonyme, a déclaré que près de cent soldats américains avaient déjà été retirés du pays. Un autre responsable de la défense a indiqué que les États-Unis transféreraient leur équipement sensible mais laisseraient des équipements plus volumineux tels que des climatiseurs, des générateurs et des hangars d’avions.
Les États-Unis autoriseront les forces nigériennes à utiliser cet équipement, à condition qu’il respecte les normes légales. Il semblerait que le conseil militaire nigérien ne souhaite pas confier les opérations de lutte contre le terrorisme aux forces russes ou à celles du groupe Wagner.
La demande de retrait des forces américaines par le Niger est survenue après une réunion à Niamey en mars, où des responsables américains ont exprimé des inquiétudes concernant l’arrivée prévue de forces russes et des rapports sur les ambitions iraniennes d’obtenir des matières premières, y compris de l’uranium.
Les observateurs considèrent que cette décision est un affront sans précédent pour les États-Unis de la part d’un pays d’Afrique de l’Ouest. D’autres estiment que ce rapprochement entre le Niger, la Russie et l’Iran, qui pourrait inclure un approvisionnement en uranium pour l’Iran, en est la cause.
Depuis que le conseil militaire du Niger a mis fin à la coopération militaire avec les États-Unis en suspendant l’accord de 2012, des manifestations quotidiennes ont eu lieu pour exiger le départ des troupes américaines. Ces manifestations ont été soutenues par des personnalités politiques, religieuses et des droits de l’homme, ainsi que par les dirigeants militaires.
Les manifestations ont coïncidé avec l’arrivée de la première cargaison d’équipement militaire russe dans le cadre d’une nouvelle coopération avec Moscou, et avec l’arrivée de près de 100 instructeurs russes pour former les forces nigériennes.
Les États-Unis possèdent une importante base de drones près d’Agadez, qui a coûté 100 millions de dollars à construire.
Après le coup d’État de juillet dernier, le nouveau régime militaire a exigé le départ des troupes françaises et s’est rapproché de la Russie, suivant les exemples du Mali et du Burkina Faso après leurs coups d’État en 2020 et 2022.
Fait marquant, la décision du Niger est intervenue après une visite de trois jours d’une délégation américaine dirigée par l’assistante du secrétaire d’État aux affaires africaines, Molly Phee. Les militaires nigériens, mécontents de l’attitude de la délégation, ont refusé de rencontrer le chef du conseil militaire, Abdourahamane Tchiani, et ont dénoncé le comportement de la délégation.
Les États-Unis avaient suspendu leur coopération avec le Niger après le coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum en juillet dernier, accusant également le Niger de vouloir fournir de l’uranium à l’Iran.
Depuis leur prise de pouvoir par un coup d’État le 26 juillet 2023, les militaires dirigés par le général Abdourahamane Tchiani ont donné la priorité à la révision des accords de coopération militaire, mettant fin à celle avec la France dont les derniers soldats ont quitté le Niger fin décembre.