Un parchemin du Moyen Age cachait un catalogue d’étoiles de l’antiquité
On croyait qu’il était perdu à travers les âges, et pourtant, pendant des siècles, beaucoup l’ont eu sous leurs yeux sans le remarquer. Un palimpseste, un parchemin sur lequel les moines médiévaux réécrivirent en effaçant le premier texte, a révélé un fragment du catalogue stellaire d’Hipparque, un astronome grec du IIe siècle av. J.-C..
Manuscrits bibliques du monastère de Sainte Catherine du Sinaï
Peu de traces écrites de la main de l’érudit grec sont descendues vers nous. Ses oeuvres et leur importance sont connues grâce à Ptolémée, un autre érudit grec qui vécut trois siècles plus tard. C’est à Ptolémée que nous devons une géographie importante du monde méditerranéen et le plus ancien catalogue complet d’astronomie jusqu’alors. La découverte faite par des chercheurs britanniques et français du CNRS et de l’Université de la Sorbonne, et publiée dans la revue spécialisée Journal for the History of Astronomy mardi 18 octobre, change la donne.
En passant plusieurs pages d’un ensemble connu sous le nom de « Codex Climaci Rescriptus » à l’imagerie multispectrale, les scientifiques ont réalisé que ce codex contenait une partie des cartes célestes d’Hipparque. Ces palimpsestes proviennent du monastère orthodoxe de Sainte Catherine du Sinaï, en Égypte. Ils ont été gardés à Cambridge, au Royaume-Uni pendant longtemps avant d’être finalement acquis par le Museum of the Bible à Washington, aux États-Unis.
Cartographie du ciel plus ancienne et plus précise
Les écrits les plus récents sur les feuillets correspondent à des récits bibliques datés du IXe ou Xe siècle. Sous ces lettres noires en syriaque, d’autres avaient été raclées mais restaient visibles : des textes araméens et grecs, de l’Ancien et du Nouveau Testament, et datés entre le VIe et le VIIIe siècle. En regardant de plus près ces textes à moitié effacés, surprise ! Une partie n’est en aucun cas biblique. Elle concerne l’observation du ciel et est beaucoup plus ancienne. Ce sont les coordonnées de la Corona Borealis, une constellation visible dans l’hémisphère nord. Les spécialistes sont formels : la notation correspond à celle d’Hipparque, qui fut le premier à tenter d’établir une cartographie de la voûte céleste.
En refaisant les calculs pour représenter le ciel nocturne tel qu’il devait être deux siècles avant Jésus-Christ, les scientifiques ont découvert une précision de l’ordre d’un degré pour la position des étoiles de cette constellation. Cette précision, remarquable pour l’époque, est supérieure à celle du catalogue d’étoiles de Ptolémée, trois cents ans plus tard. Hipparque aurait pu bénéficier des observations des Babyloniens, à laquelle il aurait ajouté la rigueur mathématique grecque.
Les chercheurs vont maintenant passer au crible d’autres pages du Codex et d’autres manuscrits du monastère de Sainte-Catherine du Sinaï pour trouver d’autres fragments de cette ancienne cartographie céleste. Pour les historiens, cette découverte illustre également les vastes possibilités de découvertes dans les milliers de palimpsestes existants.