Etats-Unis

Trump et la loi sur l’insurrection : Pourquoi le déploiement de l’armée à l’intérieur divise profondément l’Amérique ?


Le président américain Donald Trump est sur le point d’activer l’une des lois les plus sensibles de l’histoire des États-Unis : la loi sur l’insurrection, une mesure parmi les plus controversées de son second mandat.

Cette initiative coïncide avec la décision de déployer des unités de marines à Los Angeles pour appuyer la Garde nationale face à de vastes manifestations contre les raids fédéraux visant les immigrés sans papiers. Cela soulève des questions fondamentales sur les limites des pouvoirs fédéraux du président et le niveau d’acceptation populaire de telles mesures coercitives.

Du point de vue de la Maison Blanche, cette décision est perçue non seulement comme un outil sécuritaire pour « rétablir l’ordre », mais aussi comme un levier politique pour renforcer le soutien à ses politiques. Toutefois, cette stratégie fait écho à des précédents douloureux, comme l’épisode de l’été 2020, lorsque des forces ont réprimé avec brutalité des manifestants pour la justice raciale à Lafayette Square, selon un rapport de CNN.

Garde nationale : démonstration de force ou calcul politique ?

Selon CNN, environ 700 marines ont été mobilisés pour épauler la Garde nationale à Los Angeles, dans le cadre d’une réponse fédérale aux manifestations ayant éclaté après une série de descentes dans des lieux de travail ciblant les migrants en situation irrégulière.

Bien que ces soldats n’aient pour l’instant aucun pouvoir de police, l’activation de la loi sur l’insurrection leur conférerait ces prérogatives, marquant un tournant constitutionnel risqué dans la relation entre l’État fédéral et les États fédérés.

La Maison Blanche, quant à elle, y voit un avantage politique : le porte-parole de Trump, Steven Cheung, s’est félicité sur X (anciennement Twitter) des sondages montrant un soutien populaire au programme d’expulsion, affirmant que ce soutien « augmentera après l’envoi des troupes à Los Angeles ».

Mais l’histoire récente montre que parier sur la force militaire à l’intérieur du pays peut souvent se retourner contre ses instigateurs.

La loi sur l’insurrection au cœur de la controverse

La loi sur l’insurrection, promulguée en 1807, permet au président d’envoyer des troupes fédérales sur le sol national si les États ne parviennent pas à maintenir l’ordre public. Mais son application est toujours source de controverse constitutionnelle, car elle entre en conflit avec le principe de fédéralisme qui accorde aux États des pouvoirs larges en matière de sécurité intérieure.

En 2020, l’ancien secrétaire à la Défense Mark Esper avait déjà refusé la demande de Trump d’invoquer cette loi pour réprimer les manifestations Black Lives Matter, alertant contre la militarisation du territoire américain et les conséquences sur la confiance populaire dans les institutions.

Aujourd’hui, le scénario se répète sous une autre forme, dans un contexte plus polarisé où se croisent immigration irrégulière, mouvements sociaux et calculs électoraux — notamment en Californie, État stratégique.

Soutien à l’idée, mais pas à sa mise en œuvre

Les sondages récents montrent que 54 % des Américains soutiennent l’expulsion des migrants en situation irrégulière, mais ce soutien ne s’étend pas à la manière dont cette politique est appliquée. D’après une enquête CBS News/YouGov, 56 % des citoyens sont insatisfaits de la méthode utilisée par Trump, contre 44 % qui l’approuvent.

Les électeurs indépendants, qui jouent un rôle clé dans les élections, se montrent particulièrement critiques : 65 % d’entre eux approuvent les objectifs, mais désapprouvent les méthodes de Trump, selon un écart de 30 points. Cela révèle une sensibilité de l’opinion publique aux excès de pouvoir, notamment en l’absence de procédures juridiques équitables.

Des risques politiques évidents

Les Américains n’ont pas oublié Lafayette Square. Après ces événements, les sondages USA Today/Ipsos et CNN/SSRS avaient montré un rejet clair de la militarisation de la réponse aux manifestations, avec des écarts allant de 10 à 24 points.

Cette mémoire collective pourrait freiner la capacité de Trump à obtenir un large soutien populaire pour toute militarisation de la scène intérieure, notamment si cela s’accompagne de censure médiatique ou de discriminations ciblées contre les communautés d’immigrés.

Néanmoins, Trump sait que l’immigration est un dossier électoral crucial, qui relie sécurité nationale et stratégie politique, surtout auprès de l’électorat républicain. Et même si une partie de la population critique les méthodes, le principe de fermeté face à l’immigration clandestine reste populaire.

Mais si l’administration va trop loin — en envoyant des marines ou en procédant à des arrestations massives sans base légale — cela pourrait se retourner contre elle. Surtout si les médias ou les ONG exposent des cas d’abus : expulsion de parents d’enfants américains, travailleurs légalement employés, etc.

Selon le Pew Research Center, 60 % des Américains s’opposent à l’expulsion des parents d’enfants citoyens, et 56 % sont contre l’expulsion de travailleurs occupant des postes stables.

Entre force et Constitution : un équilibre précaire

Entre l’envie d’imposer la loi et l’ordre et l’exigence de respecter les libertés et la Constitution, Trump marche sur une ligne de crête.

En activant la loi sur l’insurrection et en envoyant l’armée dans les rues américaines, Trump ne s’adresse pas seulement aux manifestants ou aux migrants — il interpelle l’histoire américaine elle-même, une histoire traditionnellement réticente à toute forme de militarisation de la vie politique intérieure.

Selon plusieurs analystes, les semaines à venir seront cruciales : cette décision sera-t-elle perçue comme un succès sécuritaire, ou comme un précédent dangereux qui érode la confiance entre les citoyens et l’État ?

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