Téhéran exige que Washington renonce à l’idée d’une attaque pour reprendre les négociations

Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères a affirmé que son pays a été privé des matériaux nucléaires nécessaires à son programme de recherche et qu’il rejette toute exigence d’un enrichissement nul ainsi que les menaces d’attaque.
L’Iran a posé une condition essentielle à la reprise des négociations avec les États-Unis au sujet de son programme nucléaire : que Washington écarte toute idée d’attaques futures contre son territoire. Cette exigence reflète la profondeur de la crise et le manque de confiance entre les deux parties.
Dans une interview diffusée ce lundi par la BBC, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Majid Takht-Ravanchi, a déclaré que l’administration américaine, par l’intermédiaire de médiateurs, a fait part de sa volonté de reprendre les négociations, mais qu’elle n’a pas clarifié sa position sur une « question très importante » : l’éventualité de nouvelles frappes.
Les négociations indirectes entre les États-Unis et l’Iran ont été interrompues après leur sixième session, suspendue à la suite d’une opération militaire israélienne lancée dans la nuit du 13 juin. Cette session devait se tenir à Mascate, la capitale omanaise, deux jours après l’opération.
Lors du sommet de l’OTAN la semaine dernière, le président américain Donald Trump a annoncé de nouvelles discussions avec l’Iran cette semaine, sans en donner les détails. Il avait également ordonné des frappes contre trois installations nucléaires iraniennes fortement protégées.
Interrogé vendredi sur la possibilité de futures frappes si les inquiétudes sur l’enrichissement de l’uranium iranien reprenaient, Trump a répondu : « Sans aucun doute, absolument. »
Il a réaffirmé qu’il ne fallait pas que l’Iran possède l’arme nucléaire, affirmant que les frappes récentes avaient retardé son programme de plusieurs années.
De son côté, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a déclaré dimanche que l’Iran pourrait reprendre l’enrichissement de l’uranium dans les mois à venir.
L’Iran insiste sur le caractère civil de son programme nucléaire. Takht-Ravanchi a affirmé à la BBC que son pays défendait son droit à l’enrichissement de l’uranium à des fins pacifiques, niant toute intention secrète de développer une bombe nucléaire.
Il a ajouté que l’Iran a été « privé de l’accès aux matériaux nucléaires nécessaires à son programme de recherche » et qu’il devait donc « compter sur lui-même ».
Il a précisé que le niveau et la capacité d’enrichissement pouvaient faire l’objet de discussions, « mais dire que nous ne devons pas enrichir du tout, que le taux doit être zéro, et que si nous ne l’acceptons pas, vous nous attaquez – c’est la loi de la jungle. »
Depuis le 13 juin, Israël a lancé des attaques contre des sites nucléaires et militaires en Iran, ainsi que des assassinats de dirigeants et de scientifiques, affirmant que Téhéran se rapprochait de la production d’une arme nucléaire.
L’Iran a répliqué par des frappes de missiles contre Israël. L’affrontement a duré douze jours, durant lesquels les États-Unis ont largué des bombes sur trois sites nucléaires iraniens : Fordo, Natanz et Ispahan.
Le degré de dommages infligés au programme nucléaire iranien reste incertain. Takht-Ravanchi a déclaré ne pas être en mesure de donner une évaluation précise, tandis que Grossi a indiqué que les dégâts étaient importants mais « pas complets ». Trump, quant à lui, a affirmé que les installations nucléaires iraniennes avaient été « totalement détruites ».
Selon l’accord nucléaire de 2015 signé avec les grandes puissances, l’Iran ne peut enrichir de l’uranium qu’à un taux maximal de pureté de 3,67 %, nécessaire pour les centrales nucléaires civiles, et il lui est interdit d’enrichir à Fordo pendant 15 ans.
Mais Trump s’est retiré de cet accord en 2018, jugeant qu’il ne faisait pas assez pour empêcher l’Iran de se doter de la bombe. Il a rétabli les sanctions américaines contre Téhéran.
En réponse, l’Iran a violé les limitations de l’accord, notamment en matière d’enrichissement, reprenant ses activités à Fordo en 2021 et accumulant assez d’uranium enrichi à 60 % pour produire neuf bombes, selon l’AIEA.
Takht-Ravanchi a accusé certains dirigeants occidentaux de « soutien absurde » aux frappes américaines et israéliennes, en réponse à une question sur la méfiance de l’Occident envers l’Iran.
Il a déclaré que ceux qui critiquaient l’Iran devraient plutôt dénoncer « la manière dont nous avons été traités » et condamner les États-Unis et Israël. « S’ils n’ont pas le courage de critiquer l’Amérique, qu’ils se taisent et cessent de justifier l’agression », a-t-il ajouté.
Il a aussi affirmé que l’Iran avait reçu, par l’intermédiaire de médiateurs, des assurances selon lesquelles les États-Unis « ne cherchent pas à renverser le régime » en ciblant le guide suprême Ali Khamenei.
Plus tôt, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait appelé les Iraniens à « se révolter pour leur liberté », mais après le cessez-le-feu conclu la semaine dernière, Trump a affirmé qu’il ne souhaitait pas renverser le régime.
Takht-Ravanchi a insisté sur le fait qu’un changement de régime en Iran « n’arrivera jamais » et que cette idée relève d’une « pensée stérile ».
Il a conclu en disant que, bien que certains Iraniens puissent critiquer certaines actions du gouvernement, ils s’uniraient face à toute agression étrangère.
Concernant le cessez-le-feu, il a indiqué que sa durabilité restait incertaine, mais que l’Iran continuerait de le respecter « tant qu’aucune attaque militaire ne sera lancée contre nous ».
Il a ajouté que les alliés arabes de l’Iran dans le Golfe « faisaient tout leur possible pour créer les conditions nécessaires au dialogue », en soulignant le rôle clé joué par le Qatar dans la médiation.
« Nous ne voulons pas la guerre, nous voulons le dialogue et la diplomatie. Mais nous devons être prêts et rester vigilants pour ne pas être à nouveau surpris », a-t-il conclu.