Quand retournons-nous ? : un cri palestinien depuis les camps de Cisjordanie
Dix mois après avoir été contraint de quitter le camp de réfugiés de Tulkarem, en Cisjordanie, à la suite d’une opération militaire israélienne, Hakam Irhiel ignore s’il pourra un jour revenir.
À la mi-janvier dernier, Israël a lancé une vaste opération militaire ciblant plusieurs camps de réfugiés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie. Selon les autorités israéliennes, l’opération, baptisée « Mur de fer », visait à « éliminer les groupes armés ».
Dans le cadre de cette opération qui a touché les camps de Tulkarem, de Nour Shams et de Jénine, Irhiel, âgé de 41 ans et père de quatre enfants, a dû fuir, tandis que sa maison était détruite.
« Avant l’opération, chaque enfant avait sa propre chambre. Certes, nous vivions dans un camp, mais notre vie était meilleure, bien meilleure », confie-t-il à l’Agence France-Presse.
Aujourd’hui, Irhiel vit avec sa famille dans une école voisine et craint que ce refuge temporaire ne devienne une installation permanente.
Dans un rapport publié jeudi, Human Rights Watch indique que 32 000 Palestiniens demeurent déplacés de force en raison de l’opération israélienne.
Histoire du camp
Après la création de l’État d’Israël et la guerre de 1948, qui a entraîné l’exode et le déplacement de milliers de Palestiniens, des camps de réfugiés furent établis en Cisjordanie et dans les pays arabes voisins, dont celui de Tulkarem.
À l’origine, les réfugiés vivaient sous des tentes, mais au fil des ans, celles-ci ont été
remplacées par des habitations en dur. La croissance démographique a ensuite entraîné la construction de nouveaux étages et d’extensions.
Selon le rapport de Human Rights Watch, l’armée israélienne a détruit, au cours des dix derniers mois, plus de 850 maisons ainsi que d’autres bâtiments dans trois camps du nord de la Cisjordanie.
Elle a également tracé de larges routes en lieu et place des ruelles étroites caractéristiques des camps, afin de faciliter le passage de ses véhicules militaires.
En réponse aux questions de l’AFP, l’armée israélienne affirme que les camps de Tulkarem et de Jénine sont devenus « des bastions du terrorisme, où des hommes armés opèrent au sein de zones résidentielles ».
Elle ajoute que l’opération a conduit à « une baisse significative de l’activité terroriste dans la région », sans toutefois préciser de date de fin.
La famille d’Irhiel fait partie des 19 familles qui se sont réfugiées dans l’école.
« Il n’y a aucune intimité ici. Je vis dans une salle de classe transformée en chambre, avec ma femme et mes quatre enfants », explique-t-il.
« Pour que ma fille puisse dormir seule, j’ai suspendu des couvertures comme rideaux afin de lui offrir un semblant d’intimité », poursuit-il.
Dans les couloirs extérieurs de l’école, les déplacés ont planté des végétaux, installé un évier pour laver la vaisselle et tendu des cordes pour faire sécher le linge.
La revendication du retour
À la périphérie de Tulkarem, près du camp de Nour Shams, des déplacés ont organisé une manifestation réclamant leur droit au retour dans leurs maisons.
Près de 150 manifestants ont emprunté une nouvelle porte installée sur la route du camp, puis se sont arrêtés à l’entrée, où la rue menant aux anciennes habitations était jonchée de leurs décombres.
Pendant le rassemblement, des tirs provenant de l’intérieur du camp – où sont stationnées les forces israéliennes – ont éclaté. Un photojournaliste a été blessé d’une balle à la jambe, provoquant un mouvement de panique.
L’armée a déclaré à l’AFP que les manifestants étaient « entrés dans une zone militaire fermée », reconnaissant avoir tiré sur un « instigateur principal » après que celui-ci « a refusé d’obtempérer ».
La Nakba reste profondément ancrée dans la mémoire collective palestinienne, et les habitants des camps, comme Irhiel, redoutent une répétition de l’histoire, d’autant qu’en 1948, ils pensaient que leur déplacement serait temporaire.
Les habitants échangent entre eux des dates possibles pour un retour, sans aucune confirmation officielle.
« Nous réclamons de retourner au camp, même si ma maison est détruite. Je veux revenir, ne serait-ce que pour voir l’endroit où elle se trouvait, même en ruines », conclut Irhiel.
