Qaani à Bagdad pour Imposer des Agendas Iraniens au Sommet Arabe

L’Iran cherche à inclure plusieurs de ses revendications à l’ordre du jour du sommet de Bagdad, ce qui constitue une entorse aux usages diplomatiques qui régissent les sommets arabes, lesquels doivent être fondés sur un consensus arabe, et non sur les desiderata d’un pays non arabe.
À quelques jours seulement de la tenue du sommet arabe à Bagdad, la visite du commandant de la Force Al-Qods iranienne, Esmaïl Qaani, dans la capitale irakienne a suscité de nombreuses interrogations et suspicions quant à l’agenda qu’il porte, notamment au vu de rapports confirmant que Téhéran cherche à imposer ses revendications dans le programme officiel du sommet.
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Des sources informées ont révélé que cette visite ne relevait pas d’une simple coordination bilatérale, mais s’inscrivait dans une stratégie calculée visant à exploiter l’influence iranienne en Irak au service d’un agenda régional qui ne fait pas consensus dans le monde arabe.
Selon une source citée par le média kurde irakien « Shafaq News », Qaani a abordé, lors de sa rencontre avec le conseiller à la sécurité nationale irakienne Qassem al-Araji, plusieurs dossiers, notamment la sécurité frontalière et les modalités d’application de l’accord sécuritaire signé entre Bagdad et Téhéran en 2023. Toutefois, les discussions ont également porté sur les négociations irano-américaines, et Qaani prévoit de rencontrer des dirigeants du « Cadre de coordination » pour leur faire part d’informations sensibles sur l’état des pourparlers et les perspectives des accords internationaux sur le programme nucléaire iranien.
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La même source précise que Qaani a transmis des messages explicites concernant le souhait de l’Iran d’obtenir un soutien arabe en vue de la levée des sanctions occidentales. Téhéran considère cette démarche comme essentielle pour revenir à un accord nucléaire, avec des garanties américaines sérieuses. Le fait que l’Iran ait proposé explicitement d’intégrer ces revendications à l’ordre du jour du sommet est perçu comme une violation des règles diplomatiques qui exigent un consensus arabe préalable.
Des sources politiques à Bagdad ont également rapporté que des factions proches de Téhéran au sein du gouvernement irakien auraient exercé des pressions sur le Premier ministre Mohammed Shia al-Sudani afin d’influencer la liste des invités au sommet. Ces factions se seraient opposées à une invitation au président syrien Ahmed Al-Charaa et auraient œuvré à l’exclusion du Koweït, en raison d’un différend frontalier persistant autour de Khawr Abdullah.
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Des cercles politiques irakiens et arabes s’inquiètent de ce qu’ils perçoivent comme une tentative de « détourner » l’agenda du sommet au profit de l’Iran, ce qui constituerait une entorse flagrante aux protocoles de la Ligue arabe, risquant d’approfondir les divisions entre pays arabes, notamment sur la question iranienne.
Parallèlement, des sources diplomatiques arabes ont indiqué que plusieurs dirigeants arabes ne participeront pas au sommet, ce qui a été largement interprété comme une réaction à un éventuel « piratage » iranien de l’agenda. Bien que les déclarations officielles continuent d’affirmer que le sommet conservera son identité arabe et traitera des grandes causes de la nation, l’absence remarquée de certains chefs d’État jette le doute sur l’unité de la position arabe face aux tentatives de Téhéran d’imposer des points non consensuels.
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Cette visite de Qaani s’inscrit dans une politique iranienne à double facette : d’un côté, elle vise à rassurer les pays voisins sur ses intentions pacifiques, et de l’autre, à capitaliser sur son influence en Irak pour envoyer des messages indirects à Washington et aux capitales du Golfe, affirmant ainsi la « domination » de l’Iran dans certaines capitales arabes. Le timing de la visite, à la veille du sommet arabe, est perçu comme une indication forte que Téhéran mise sur Bagdad comme passerelle vers une percée politique régionale.
Pour sa part, le Premier ministre irakien Mohammed Shia al-Sudani tente de maintenir un équilibre délicat entre les composantes politiques internes et les exigences arabes. Tout en cherchant à présenter Bagdad comme une capitale unificatrice du monde arabe, il fait face à de fortes pressions de la part de factions pro-iraniennes. Il a rencontré le président du Parlement, Mahmoud al-Mashhadani, pour unifier le discours politique avant le sommet, affirmant leur soutien à la cause palestinienne – un point de consensus arabe – mais qui pourrait aussi servir de couverture pour faire passer des points plus controversés.
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Le sommet arabe de Bagdad, censé être une occasion de renforcer l’unité arabe, est confronté à de sérieux défis liés aux tentatives iraniennes d’élargir leur influence via l’Irak. Face aux inquiétudes croissantes sur une manipulation de l’agenda, la nécessité de réaffirmer l’indépendance de la décision arabe et d’empêcher que le sommet ne devienne une tribune pour des règlements de comptes régionaux est plus pressante que jamais.