Milliards falsifiés en Libye : Dbeibah exige une enquête immédiate

La Banque centrale de Libye a révélé l’existence de plus de 3,5 milliards de dinars libyens contrefaits, issus de la deuxième série de billets de 50 dinars.
Le Premier ministre sortant du gouvernement d’unité nationale, Abdelhamid Dbeibah, a appelé le procureur général à ouvrir une enquête immédiate et approfondie sur un scandale majeur de falsification de billets de 50 dinars récemment retirés de la circulation.
Cette révélation s’ajoute à une longue série de défis économiques, notamment l’inflation, la récession et la dépréciation continue du dinar, dans un contexte d’échec des efforts de réunification des institutions nationales, compromettant l’avenir économique du pays.
Dans une publication sur sa page Facebook dimanche soir, Dbeibah a déclaré : « L’aveu de la Banque centrale quant à un écart de 3,5 milliards de dinars par rapport aux montants officiellement imprimés confirme la véracité de nos avertissements répétés concernant l’inondation du marché libyen par de la fausse monnaie utilisée pour acheter des devises étrangères, finançant ainsi les entités responsables de cette falsification », en allusion implicite aux autorités de l’Est libyen.
Il a qualifié cette affaire de « grave, portant atteinte à la stabilité économique, à la monnaie nationale et aux moyens de subsistance des citoyens », exhortant le procureur général à engager une procédure judiciaire et à tenir pour responsables tous les auteurs de ce crime qui, selon lui, ne peut rester impuni.
Plus tôt dans la journée, la Banque centrale a révélé que plus de 3,5 milliards de dinars de la deuxième série des billets de 50 dinars avaient été falsifiés.
Le 8 mai dernier, la Banque avait annoncé la fin du processus de retrait définitif de tous les billets de 50 dinars, toutes séries confondues, afin de préserver la stabilité monétaire et renforcer la valeur du dinar. Le retrait incluait aussi bien la première série imprimée au Royaume-Uni par les autorités de Tripoli que la seconde série imprimée en Russie par les autorités de Benghazi.
Dans un communiqué publié dimanche, la Banque centrale a précisé que l’opération initiale de comptage des billets retirés avait révélé un écart de plus de 3,5 milliards de dinars pour la seconde série : alors que le montant officiellement émis était de 6,650 milliards, le total reçu par la Banque atteignait environ 10,211 milliards de dinars.
La Banque a indiqué que ce dépassement ne figurait pas dans les registres officiels de son administration à Benghazi et qu’il contrevenait à l’article 39 de la loi bancaire, constituant ainsi un détournement illégal causant un grave préjudice à l’économie nationale.
Quant à la première série, 7 milliards de dinars avaient été imprimés, et environ 6,828 milliards ont été récupérés.
Le communiqué a également souligné que l’impression massive de cette dénomination en dehors du contrôle de la Banque centrale avait eu un impact négatif sur la valeur du dinar, provoqué une demande accrue de devises étrangères sur le marché parallèle, et amplifié les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Cela a conduit le Conseil d’administration de la Banque centrale à décider du retrait des billets de 20 dinars de la première série imprimée au Royaume-Uni et de la seconde série imprimée en Russie, avec leur remplacement par une monnaie plus sécurisée. La date limite de leur utilisation a été fixée au 30 septembre 2025, dans le but de préserver la solidité de la monnaie.
Depuis 2014, la Libye est divisée entre factions rivales contrôlant l’Est et l’Ouest. Malgré un cessez-le-feu en 2020 et les efforts pour unifier les institutions, une solution politique semble encore hors de portée, et le pays reste menacé par de nouvelles flambées de violence.
Des observateurs estiment qu’une enquête judiciaire sur ce scandale est cruciale pour identifier les responsables, rétablir un minimum de confiance, et empêcher la répétition de telles pratiques. Toutefois, une telle enquête, à elle seule, ne suffira pas à résoudre la crise économique profonde et systémique du pays.
Les analystes soulignent que la crise libyenne, marquée par la falsification de la monnaie et l’effondrement économique, reflète un clivage politique intense et une lutte pour le pouvoir et les ressources. Ils insistent sur le fait qu’en l’absence d’un gouvernement unifié et d’institutions financières solides, aucun effort judiciaire ne peut, à lui seul, offrir une solution durable.
Ils concluent que la relance économique de la Libye exige une solution politique globale, reposant sur la réunification des institutions, le rétablissement de la Banque centrale comme entité unique et indépendante, la consolidation de la sécurité, et la mise en œuvre de réformes structurelles profondes. Sans cela, toute réponse judiciaire restera un traitement superficiel d’un mal bien plus enraciné.