Mali face à une épreuve d’existence : l’expansion d’Al-Qaïda et la montée des défis

L’escalade de la branche affiliée à Al-Qaïda place le Mali au bord du volcan, intensifiant les défis sécuritaires à un niveau sans précédent, alors que les groupes armés étendent leur emprise sur le terrain et imposent des sièges à plusieurs villes.
Des analystes politiques de l’Université de Bamako estiment que la recrudescence récente des attaques menées par le groupe « Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin », affilié à Al-Qaïda, constitue une menace sérieuse pour le Conseil militaire au pouvoir au Mali. Toutefois, cette situation représente également une occasion cruciale de démontrer sa capacité à rétablir la sécurité et à redonner au pays sa cohésion institutionnelle.
Les tensions s’intensifient alors que les attaques du groupe terroriste visent des cibles militaires et civiles dans les régions de Sikasso (sud) et Tombouctou (nord), exerçant une pression croissante sur les autorités. Lundi dernier, la coalition extrémiste a revendiqué plusieurs attaques contre les forces armées maliennes, tandis que l’armée, épaulée par les chasseurs traditionnels appelés « Dozos », a mené des contre-opérations dans le village de Kamona Pont, dans la région de Ségou, selon la radio française RFI.
Des témoins oculaires ont rapporté que les victimes appartenaient à différentes communautés ethniques, notamment les Peuls, les Bambara et les Bozo. D’autres sources estiment que le bilan s’élèverait entre 35 et 37 morts. Samedi dernier, des exécutions sommaires auraient également eu lieu dans la même région, faisant six victimes supplémentaires en route vers un marché hebdomadaire.
Les attaques se poursuivent à un rythme soutenu : prise temporaire d’un poste militaire à Koutiala (Sikasso), embuscade d’un convoi dans la région de Niafounké (Tombouctou) et destruction de camions-citernes à la frontière avec la Côte d’Ivoire. Ces incidents surviennent alors que le pays traverse une crise aiguë du carburant, paralysant l’économie, y compris dans la capitale Bamako, malgré les escortes militaires mises en place.
Les tentatives de médiation locales pour lever le blocus imposé par les groupes armés à Mopti ont, jusqu’ici, échoué. Sur la route entre Bamako et Ségou, les enlèvements de civils se multiplient, parmi lesquels deux employés d’une société de construction et le président du conseil régional de Ségou. Le maire de Kona, Ousmane Kambou, récemment libéré, avait été détenu depuis le 25 mai.
Selon le chercheur malien en sciences politiques et sécurité régionale, le Dr. Abdourahmane Idrissa, la montée des attaques d’Al-Qaïda vise à « montrer que le groupe conserve sa capacité de manœuvre, alors que le Mali tente de reconstruire ses institutions militaires et sécuritaires sous la direction du Conseil militaire ». Il précise que ces attaques envoient un double message : l’un destiné à semer la peur parmi la population et l’autre à l’étranger, pour affaiblir la crédibilité du gouvernement de transition.
Idrissa souligne que les opérations militaires menées par l’armée, avec l’appui des forces locales, commencent à éroder les capacités opérationnelles des groupes terroristes. Ces derniers adoptent désormais une stratégie de violence dispersée, destinée à simuler une force qu’ils ont en réalité perdue.
Malgré les contraintes financières et sécuritaires, le Conseil militaire a réussi, selon lui, à rétablir une présence étatique dans des zones autrefois hors de contrôle, en s’appuyant sur une vision nationale claire pour rebâtir une armée unifiée et consolider l’unité du pays.
De son côté, le Dr. Ibrahim Haran Diallo, expert en sécurité régionale et lutte antiterroriste à l’Université de Bamako, estime que les violences actuelles doivent être interprétées dans un contexte plus large : celui de la guerre que le Mali mène contre le terrorisme au nom de plusieurs nations d’Afrique de l’Ouest. Il considère que les récentes victoires militaires dans le sud et le nord du pays ont provoqué des représailles contre les civils et une guerre médiatique orchestrée pour affaiblir l’image de l’armée.
Diallo ajoute que la volonté du gouvernement de transition d’assurer son indépendance sécuritaire et de rejeter les interventions étrangères fait du Mali un modèle d’autonomie souveraine. C’est précisément cette position qui pousse les groupes terroristes à intensifier leurs efforts pour semer le désordre interne.
Selon lui, le Conseil militaire se trouve face à une véritable épreuve politique et sécuritaire. Cependant, il bénéficie encore d’un large soutien populaire, tant qu’il reste fidèle à son engagement pour la souveraineté nationale et la lutte sans compromis contre le terrorisme.