L’histoire politique du mouvement islamique au Soudan et sa relation avec l’armée : Le cas d’al-Burhan

Depuis plusieurs décennies, le Soudan a été marqué par une forte imbrication entre l’institution militaire et le mouvement islamique, incluant ses liens organiques avec l’organisation des Frères musulmans. Le mouvement islamique a joué un rôle central dans la configuration du paysage politique soudanais, notamment depuis le coup d’État de 1989 dirigé par Omar el-Béchir, fruit d’une alliance étroite entre l’armée et la mouvance islamiste. Les conséquences de cette alliance persistent aujourd’hui, avec des signes évidents indiquant la volonté du général Abdel Fattah al-Burhan de réintégrer le mouvement islamique dans la vie politique, sous de nouvelles appellations.
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L’histoire politique du mouvement islamique au Soudan
Le mouvement islamique au Soudan trouve ses origines dans les années 1940 avec l’établissement d’une branche des Frères musulmans. Au fil des décennies, il s’est structuré à travers des organisations politiques telles que le “Front islamique national” dirigé par Hassan al-Tourabi, devenant ainsi une force majeure de la scène politique soudanaise.
En 1989, le mouvement islamique a soutenu le coup d’État mené par Omar el-Béchir contre le gouvernement démocratiquement élu de Sadiq al-Mahdi. Depuis lors, les islamistes ont pris le contrôle des institutions étatiques, imposant leur projet idéologique sur l’armée, les services de sécurité, la justice et l’éducation. Sous le régime d’el-Béchir, ils ont construit un réseau complexe d’intérêts au sein de l’appareil d’État, rendant leur démantèlement après la révolution difficile et long.
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Le lien entre l’armée et le mouvement islamique
L’armée soudanaise, notamment après le coup de 1989, n’était plus une institution neutre ; elle est devenue l’un des instruments clés de la mise en œuvre du projet islamique. Les officiers non islamistes, ou perçus comme peu fiables idéologiquement, ont été écartés, et les forces armées ont été restructurées afin d’assurer une fidélité doctrinale au courant islamique.
Cette relation étroite a perduré même après la chute d’Omar el-Béchir en 2019, malgré les tentatives des forces révolutionnaires de démanteler l’ancien régime. Au sein de l’armée, des courants islamistes influents ont continué de manœuvrer pour maintenir leur pouvoir et leur réseau d’intérêts économiques et sécuritaires.
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La volonté d’al-Burhan de réintégrer le mouvement islamique
Les développements actuels indiquent que le général Abdel Fattah al-Burhan cherche à offrir au mouvement islamique une voie de retour sur la scène politique par de nouveaux biais. Les plans mis en œuvre visent à permettre aux islamistes de reprendre leurs activités sous des appellations comme “la Résistance populaire” ou “le Courant national”, en évitant l’usage des noms traditionnellement associés aux Frères musulmans et au mouvement islamique.
Al-Burhan n’adopte pas une posture hostile à l’égard du mouvement islamique ; au contraire, il œuvre à son repositionnement stratégique pour préserver la mainmise de l’armée sur les leviers du pouvoir. Les dynamiques militaires et politiques actuelles montrent que al-Burhan n’a pas réellement respecté ses engagements antérieurs envers la communauté internationale concernant le démantèlement des réseaux islamistes.
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L’accord en cours entre al-Burhan et les leaders islamistes vise à leur fournir un cadre légal pour leur action, tout en assurant leur présence dans le futur paysage politique soudanais, en dépit des pressions régionales et internationales appelant à la fin de l’influence militaire sur la politique.
L’histoire politique récente du Soudan prouve que l’alliance entre le mouvement islamique et l’armée demeure difficile à briser. Avec la poursuite de la stratégie de al-Burhan visant à redonner un nouveau souffle aux islamistes, le Soudan entre dans une nouvelle phase de réhabilitation du courant islamiste, ce qui complique davantage la transition démocratique souhaitée par les forces révolutionnaires.