Les munitions non explosées : une terreur dormante à Gaza après la guerre
Maïn Al-Hattou contemple avec effroi un obus encore logé dans les décombres de sa maison détruite à Gaza. La roquette a traversé les murs sans exploser, laissant l’homme dans une angoisse permanente à l’idée qu’elle puisse détenir à tout moment.
Parmi les ruines, des tonnes de munitions non explosées laissées par les bombardements israéliens continuent, deux ans après la guerre, de représenter une menace constante pour la population, en particulier pour les enfants.
Des images filmées par l’Agence France-Presse à Gaza montrent des enfants souriants jouant à proximité de bombes et de missiles non explosés. Beaucoup de ces engins restent capables de tuer ou de provoquer de graves blessures.
Près d’un lit d’hôpital, Mohammed Nour veille sur ses deux enfants dont le corps est largement recouvert de bandages, victimes d’un éclat d’obus provenant de restes explosifs de guerre.
Mohammed raconte : « Nous installions des tentes, et les enfants sont allés ramasser du bois, du plastique et du carton pour allumer un feu. Ils s’étaient éloignés d’une dizaine de mètres quand soudain, ils ont été projetés dans les airs, chacun dans une direction. »
Les deux garçons gisent maintenant sur leur lit d’hôpital, silencieux et hagards, visiblement en état de choc.
« Ils jouaient simplement »
À l’hôpital Al-Shifa, un autre enfant, Yahya, âgé de six ans, repose immobile, les yeux clos. Il a été grièvement blessé par une munition non explosée tombée à proximité de l’établissement. Entièrement enveloppé de bandages, il a perdu sa main droite dans l’explosion.
Son grand-père, assis à ses côtés, lui caresse les cheveux : « Les restes des bombes de l’occupant israélien ont explosé près de la maison. Ce sont des enfants, quel est leur crime ? Ils jouaient simplement, et soudain, une déflagration. »
L’ONG Handicap International souligne que les munitions non explosées représentent des dangers « immenses », rappelant qu’Israël a largué près de 70 000 tonnes d’explosifs sur Gaza depuis le début de la guerre.
En janvier, le Service de l’action antimines des Nations Unies a estimé que « 5 à 10 % » des munitions utilisées par Israël n’avaient pas explosé.
Les combats ont néanmoins continué après cette estimation, l’armée israélienne larguant encore des bombes, y compris après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu avec le Hamas le 10 octobre.
Selon Jonathan Cricks, porte-parole de l’UNICEF dans les territoires palestiniens, « il est extrêmement difficile d’obtenir des chiffres précis sur le nombre d’enfants blessés ou tués par ce type de munitions ».
Il précise : « Après le dernier cessez-le-feu, nous avons recensé au moins huit enfants grièvement blessés par des restes explosifs de guerre, notamment dans la ville de Gaza. » L’UNICEF mène actuellement des campagnes de sensibilisation auprès de la population.
« À qui dois-je me plaindre ? »
Regardant la bombe d’une tonne encore coincée dans les murs de sa maison, Maïn Al-Hattou confie : « Je veux qu’on enlève ce missile pour pouvoir recouvrir ma maison de bâches et y habiter à nouveau. »
Il poursuit, amer : « Je suis allé voir la défense civile, ils ont dit que ce n’était pas de leur ressort. La municipalité m’a répondu la même chose. À qui dois-je m’adresser ? À qui me plaindre ? »
Peu après le cessez-le-feu, le Service des Nations Unies chargé de l’action antimines a confirmé à l’AFP que les demandes d’expertise technique « avaient fortement augmenté » et que ses équipes avaient été sollicitées pour « une large série d’opérations humanitaires ».
Dans ce contexte, le Royaume-Uni a annoncé jeudi une contribution de quatre millions de livres sterling pour soutenir les efforts de déminage et de neutralisation des munitions non explosées à Gaza, afin de faciliter la livraison de l’aide humanitaire dans la bande.
Cependant, l’armée israélienne n’a toujours pas autorisé l’entrée d’équipements de déminage dans le territoire.
