Les Frères musulmans en Tunisie en 2025 : l’année des comptes

Tout au long de l’année 2025, le mouvement des Frères musulmans en Tunisie a vécu au rythme des procès intentés contre ses dirigeants dans plusieurs affaires, dont les plus marquantes concernent l’espionnage, la conspiration, les assassinats politiques, l’acheminement de combattants vers des zones de conflit et la corruption financière.
L’année 2025 a constitué un tournant décisif dans l’examen des dossiers judiciaires impliquant les dirigeants du mouvement, au premier rang desquels figure le chef des Frères musulmans en Tunisie, Rached Ghannouchi.
Des observateurs de la scène politique tunisienne estiment que le processus de reddition des comptes s’est renforcé avec le prononcé de jugements de première instance et d’arrêts en appel à l’encontre des dirigeants de l’organisation et de leurs alliés.
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Affaire dite de la « conspiration 1 »
Le 28 novembre dernier, la chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme près la Cour d’appel de Tunis a rendu un jugement définitif contre 40 accusés, parmi lesquels des dirigeants des Frères musulmans et leurs alliés, dans l’affaire connue sous le nom de « complot contre la sûreté de l’État 1 ». Ils ont été reconnus coupables de « conspiration contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État et d’appartenance à des organisations terroristes ».
Les peines prononcées à l’encontre des détenus ont varié entre 10 et 45 ans de prison, tandis que celles visant les personnes poursuivies en liberté allaient de 5 à 35 ans d’emprisonnement.
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L’activiste politique Khayam Turki a été condamné à 35 ans de prison assortis d’une amende. Le vice-président du mouvement Ennahdha, Noureddine Bhiri, a écopé d’une peine de 20 ans de prison, tout comme le secrétaire général du Parti républicain, Issam Chebbi, ainsi que Jawhar Ben Mbarek, Ghazi Chaouachi et Ridha Belhaj, chacun condamné à 20 ans de réclusion.
Une peine de 10 ans de prison a également été prononcée contre l’ancien dirigeant d’Ennahdha, Abdelhamid Jelassi. Ahmed Nejib Chebbi, président du Front du salut, a été condamné à 12 ans de prison, tandis que le cadre d’Ennahdha Sahbi Atig et l’homme politique Sayed Ferjani ont chacun écopé de 10 ans. L’ancien ministre Mohamed Hamdi a été condamné à 17 ans de prison et l’avocat Ayachi Hammami à 5 ans. La peine la plus lourde, soit 45 ans de prison, a été infligée à l’homme d’affaires Kamel Ltaief.
En avril dernier, la justice tunisienne avait déjà rendu des jugements de première instance contre près de 40 personnes reconnues coupables de « conspiration contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État en vue de renverser le régime » et de « constitution et adhésion à une entente terroriste liée à des crimes terroristes ».
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Affaire dite de la « conspiration 2 »
Le 9 juillet dernier, la chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme près le tribunal de première instance de Tunis a prononcé de lourdes peines de prison contre plusieurs dirigeants des Frères musulmans dans l’affaire dite de la « conspiration contre la sûreté de l’État 2 », en tête desquels le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi.
Ce dernier a été condamné à 14 ans de prison.
D’autres accusés présents à l’audience, dont l’ancien chef des services de renseignement Mahrez Zouari, ainsi que Abdelkarim Abidi, Habib Ellouze et le maire de Zahra, Rayan Hamzaoui, ont été condamnés à 12 ans de prison.
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Quant aux accusés en fuite, ils ont été condamnés par contumace à 35 ans de prison avec exécution immédiate. Parmi eux figurent Nadia Akacha, ancienne directrice du cabinet présidentiel de Kaïs Saïed, Moaz Ghannouchi, fils de Rached Ghannouchi, ainsi que plusieurs cadres d’Ennahdha, dont Adel Daddaa et Rafik Abdessalem, gendre de Ghannouchi.
Cette affaire remonte à juin 2023, lorsque le pôle antiterroriste a ouvert une enquête sur un « nouveau complot frériste » visant à infiltrer les institutions de l’État et à renverser le président Kaïs Saïed, en coordination avec des éléments sécuritaires et civils, parmi lesquels Nadia Akacha.
Selon le ministère tunisien de l’Intérieur, des menaces avérées pesant sur la sécurité du président avaient été identifiées, impliquant des acteurs opérant à l’intérieur et à l’extérieur du pays dans le but de semer le chaos et de porter atteinte à la stabilité de l’État.
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Affaire d’espionnage « Instalingo »
Le 5 février dernier, la justice tunisienne a prononcé des peines de prison contre 41 accusés, parmi lesquels des dirigeants des Frères musulmans, dont Rached Ghannouchi, condamné à 22 ans de prison dans l’affaire d’espionnage connue médiatiquement sous le nom d’« Instalingo ».
Dans cette même affaire, l’ancien ministre des Affaires étrangères et gendre de Ghannouchi, Rafik Abdessalem, a été condamné à 34 ans de prison. Sa fille, Somaya Ghannouchi, a écopé de 25 ans de prison, tandis que son fils Moaz a été condamné à 35 ans.
La justice a également condamné les dirigeants et responsables de la société Instalingo : Haitham Khayeli à 28 ans de prison, Salem Khayeli à 54 ans et Yahya Khayeli à 18 ans.
Le cadre d’Ennahdha Sayed Ferjani a été condamné à 13 ans de prison, l’ancien chef des services de renseignement Lazhar Laâgou à 15 ans, et la journaliste tunisienne Shahrazad Akacha à 27 ans de prison, en plus de trois blogueurs et d’une journaliste impliqués dans la même affaire.
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La justice tunisienne a également ordonné la confiscation des biens des accusés.
Instalingo est une société spécialisée dans la production et le développement de contenus numériques, accusée de chercher à manipuler l’opinion publique et à déstabiliser la sécurité nationale au profit du mouvement Ennahdha.
Les faits remontent à octobre 2021, lorsque plusieurs employés de l’entreprise ont été arrêtés pour des chefs d’accusation incluant des actes graves contre le président de la République, la conspiration contre la sûreté intérieure de l’État et des activités d’espionnage.
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Affaires de corruption financière, de transferts vers les zones de conflit et d’assassinats politiques
En novembre dernier, la justice tunisienne a également condamné Rached Ghannouchi à deux ans de prison et à une amende d’environ 68 000 dollars américains pour corruption financière, dans une affaire liée à des audits portant sur les transactions financières de députés entre 2019 et 2021.
Par ailleurs, de lourdes peines ont été prononcées dans l’affaire dite de l’acheminement de Tunisiens vers des zones de conflit, ainsi que dans celle de l’assassinat de l’opposant politique Chokri Belaïd, tué par balles devant son domicile en février 2013.
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Année décisive
Selon l’activiste politique tunisien Khaled Bel Taher, l’année 2025 a été décisive dans l’ouverture des grands dossiers impliquant les dirigeants d’Ennahdha et leurs alliés, soulignant que la reddition des comptes a constitué le thème central de l’année.
Il a affirmé que l’ensemble des jugements prononcés a porté un coup fatal au mouvement des Frères musulmans en Tunisie et mis fin à ses ambitions de retour sur la scène politique, tout en précisant que plusieurs dossiers restent encore en cours devant la justice tunisienne.
