Politique

Les Frères musulmans en Autriche en 2024 : de la « révélation des activités » à la voie de l’interdiction


De la « révélation des branches » aux débats sur l’interdiction, l’année 2024 a placé les Frères musulmans et l’islam politique en Autriche sur la voie de la fin, tant sur le plan juridique que social.

Tout a commencé avec des crimes financiers, en mars dernier, lorsque des révélations ont fait état d’une fraude financière massive derrière la banque des Frères, ou ce qui est connu sous le nom de l’Organisation Rahma, après que des accusations de financement du terrorisme aient également été formulées à l’encontre de la même organisation.

Il y a bien longtemps, l’association « Rahma Autriche », fondée en 2006, avait obtenu le label de qualité des dons autrichiens, permettant à toute personne faisant un don à l’association de le déduire de ses impôts. L’association recevait ainsi environ quatre millions d’euros par an, principalement pour des projets dans des régions comme Gaza et l’Afrique.

Cependant, cette organisation est progressivement tombée sous suspicion d’appartenir à une organisation terroriste ou de financer le terrorisme, dans le cadre des enquêtes menées par le procureur général autrichien sur le dossier des Frères musulmans, depuis 2020.

La suspicion, plus précisément, concerne le fait que les dons reçus par « Rahma Autriche » soutiennent le mouvement « Hamas ».

Depuis novembre 2020, le procureur général de la ville de Graz en Autriche enquête sur les Frères musulmans pour des accusations de financement du terrorisme, de diffusion de l’extrémisme et d’incitation à la haine, sans qu’une conclusion n’ait été atteinte à ce jour.

Fraude « Rahma »

Avec le début de l’année 2024, une nouvelle affaire a été ajoutée à la suspicion entourant « Rahma Autriche », après que Hansjörg Bacher, porte-parole du bureau du procureur général de Graz, ait confirmé que des enquêtes étaient à nouveau ouvertes sur l’association, cette fois-ci pour des crimes financiers, selon le quotidien « Kurier ».

Rahma compte entre 30 000 et 35 000 donateurs, mais depuis le début de l’enquête, la plupart des comptes bancaires de l’association (quatre sur cinq) ont été fermés par les banques.

Bien que le « Kurier » n’ait pas précisé la nature des crimes financiers et immobiliers suspectés par le procureur, il a été appris à l’époque que les soupçons concernaient des fraudes fiscales, des détournements de fonds et une mauvaise gestion des dons, ainsi qu’une tentative de contourner les fonds de la protection sociale.

En dehors des suspicions concernant la relation entre « Rahma Autriche » et le mouvement Hamas, l’organisation, qui se revendique comme œuvre caritative, fait partie du réseau des Frères musulmans en Autriche.

D’après une étude sur le réseau des Frères musulmans en Autriche menée par le chercheur Lorenzo Vidino en 2017, l’Association culturelle, la principale organisation des Frères musulmans en Autriche, organise des événements qualifiés de « caritatifs » en coopération avec Rahma Autriche.

L’étude a également révélé que l’Association culturelle collabore fréquemment avec d’autres groupes en Autriche, notamment avec Rahma Autriche, pour organiser des collectes de fonds au profit des Frères musulmans dans le pays.

Activités « dangereuses »

En juin dernier, un rapport du Bureau de protection de la Constitution et de lutte contre le terrorisme (« renseignements intérieurs ») en Autriche a mis en lumière les activités des Frères musulmans visant à atteindre les objectifs du groupe et à mener leur « jeu de dupes » habituel.

Le rapport a pris connaissance, indique qu’il existe en Autriche des organisations islamistes radicales, mais que le groupe le plus connu actuellement est celui des Frères musulmans et des organisations qui y sont indirectement liées ou influencées par sa pensée.

Le rapport précise que, pour parvenir à un changement social, ces organisations ont principalement utilisé l’influence légale sur la politique et la société depuis début 2023.

Il poursuit en soulignant que les Frères musulmans et les organisations affiliées ont cherché à exercer une influence tant quantitatif que qualitatif, en incluant des activités visant à avoir un impact large dans le secteur de l’éducation et de la formation.

Le rapport note également l’effort des Frères musulmans pour influencer les décideurs nationaux et internationaux, citant l’exemple de la tentative de contrôler le discours médiatique.

L’impact de Swift

L’automne dernier, l’éventualité d’un attentat terroriste survenu à Vienne lors du concert de la chanteuse américaine Taylor Swift a ravivé le débat sur la promulgation d’une loi interdisant l’islam politique, avec les Frères musulmans au centre de la question.

Sur la scène politique, le parti de la liberté « extrême droite », ainsi que le leader du Parti social-démocrate de Basse-Autriche, Sven Hergovich, ont exprimé leur soutien à l’idée d’une telle législation.

Lors de l’analyse de l’opinion publique, le groupe « Unique Research » a sondé 800 personnes de plus de 16 ans, ayant droit de vote, sur l’interdiction de l’islam politique.

Le sondage a révélé que 67 % des personnes interrogées soutenaient l’adoption d’une loi interdisant l’islam politique, similaire à la législation contre le nazisme en Autriche.

La voie de l’interdiction

Fin novembre dernier, le magazine autrichien « Profil » a rapporté que des sources anonymes affirmaient que le Parti populaire, actuellement en train de former un nouveau gouvernement, proposait une loi interdisant « l’islam politique », à l’instar de la loi contre le nazisme, dans le cadre des négociations pour former une coalition gouvernementale avec le Parti social-démocrate et le Parti Neos (libéral).

Cette proposition de loi a été mise sur la table des négociations par Karl Maher, leader du Parti populaire à Vienne, qui négocie actuellement avec le ministre de l’Intérieur Gerhard Karner sur des questions de migration, d’asile et de sécurité intérieure.

Dans une interview avec le journal « Der Standard », la dirigeante du parti « Neos », Beate Meinl-Reisinger, n’était pas la seule à soutenir cette proposition, qu’elle a qualifiée de « dernier recours ». Les sections régionales du Parti social-démocrate ont également salué cette initiative.

Le groupe de Basse-Autriche avait déjà appelé à une telle interdiction en mai dernier, après des manifestations pro-« califat » à Hambourg, en Allemagne.

Le soutien à l’interdiction de l’islam politique au sein du Parti social-démocrate prive ces courants d’un allié politique de poids au centre-gauche, qui a agi comme un rempart contre les tentatives d’interdiction passées, invoquant la nécessité de ne pas contrarier les musulmans du pays.

Le leader du Parti social-démocrate en Basse-Autriche, Sven Hergovich, a déclaré : « La lutte contre l’extrémisme religieux est une priorité politique pour moi. Il est bon que des propositions sur ce sujet soient discutées dans les négociations gouvernementales pour combler les lacunes juridiques possibles. »

Selon les observateurs, le soutien des autres partis hors de la coalition gouvernementale, notamment le Parti de la liberté, à l’interdiction de l’islam politique pourrait faire de l’année prochaine celle de la fin de ces courants en Autriche, avec des prévisions favorables à l’adoption de cette législation en négociation.

 

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