Politique

Les capes d’invisibilité russes : illusion visuelle ou piège mortel ?


Sur le champ de bataille moderne, le camouflage ne se limite plus à l’uniforme. Il s’agit désormais d’un affrontement technologique complexe, mené dans les spectres infrarouge et thermique.

Dans l’objectif de réduire les pertes humaines, la Russie déploie ce qu’elle appelle des « capes d’invisibilité » pour contrer les drones ukrainiens. Pourtant, ce qui devait protéger les soldats se transforme souvent en piège visuel, les rendant plus visibles qu’invisibles.

Le Telegraph britannique souligne que les vêtements portés par les soldats russes pour dissimuler leur chaleur corporelle faciliteraient en réalité leur détection par les forces ukrainiennes. Ces soldats sont équipés de manteaux et de couvertures conçus pour les cacher des capteurs thermiques et des dispositifs de vision nocturne. L’objectif : réduire leur signature thermique.

Cependant, ces équipements produisent des zones froides dans un environnement plus chaud, générant ainsi des cibles sombres et visibles que les Ukrainiens peuvent aisément localiser et frapper.

Hamish de Bretton-Gordon, colonel britannique à la retraite et expert en armes chimiques, a déclaré au Telegraph : « Ce n’est pas une cape d’invisibilité. En réalité, le contraste qu’elle crée rend la cible encore plus repérable. »

Les drones ukrainiens, souvent pilotés par des unités spéciales ou du renseignement, combinent imagerie thermique et capacités de ciblage en temps réel, permettant des frappes nocturnes précises sur des positions camouflées.

L’incident de Lyman

Des vidéos et images récentes prises à Lyman montrent des soldats russes immobiles pendant que des drones ukrainiens volent à basse altitude derrière eux. Moscou n’a ni confirmé ni démenti l’authenticité de ces images. Les soldats, se dirigeant vers des positions contrôlées par la 63e brigade mécanisée ukrainienne, portaient leurs capes sur les épaules avant d’être pris pour cible par une série de drones de type FPV (vue à la première personne).

Nick Reynolds, spécialiste de la guerre terrestre au Royal United Services Institute (RUSI), note une mauvaise utilisation manifeste de l’équipement par les soldats russes, témoignant d’un manque de formation.

« Cela illustre à quel point il est devenu difficile de se cacher sur un champ de bataille moderne. Une couverture corporelle complète est nécessaire », ajoute de Bretton-Gordon.

Selon les informations disponibles en ligne, les versions russes de ces tenues coûtent environ 47 dollars. Cependant, les progrès technologiques ukrainiens compliquent considérablement les tentatives de dissimulation.

Reynolds souligne que « les caméras thermiques embarquées sur les drones sont de plus en plus performantes et abordables grâce aux progrès industriels ».

Technologie et propagande

Les tenues, pesant environ 2,5 kg, sont fabriquées à partir de polymères, de microfibres et de tissus imprégnés de particules métalliques. Vitaly Bolovenko, ancien vice-ministre russe de la Défense, a déclaré : « Notre objectif est de cacher efficacement nos forces et notre matériel à l’ennemi. »

Pour Rebecca Koffler, analyste du renseignement militaire stratégique et auteure de Poutine’s Playbook, ces capes relèvent de la doctrine russe dite maskirovka (camouflage militaire et tromperie). Elle explique que cette doctrine vise à tromper l’adversaire quant à la localisation, la taille, la mission ou l’intention des forces russes.

Koffler indique que bien que la Russie n’ait pas conçu d’uniformes assurant le confort thermique, elle investit massivement dans les capes d’invisibilité.

En janvier 2024, l’agence TASS publiait une interview avec la société russe Hydrex, dévoilant une nouvelle tenue camouflée capable de réduire la silhouette corporelle. Pesant seulement 350 grammes, cette combinaison est pliable et dissimule efficacement l’empreinte thermique.

Koffler ajoute que les essais ont été menés sur le terrain en Ukraine. La tenue complète inclut une capuche, des lunettes spéciales, et offre une couverture efficace jusqu’à deux mètres autour du soldat.

Composée de trois couches – une interne réfléchissant les infrarouges, une intermédiaire absorbante et une externe réfléchissant la chaleur ambiante – cette cape a été développée à l’Académie de défense NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique).

Koffler conclut : « Il y a une raison pour laquelle les Russes souhaitent montrer qu’ils possèdent cette technologie. Ce n’est pas nécessairement un mensonge, mais il reste à prouver son efficacité réelle. »

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