Politique

Le Troisième Reich et le Graf Zeppelin : un rêve devenu cauchemar


L’Allemagne s’est trouvée marginalisée lors de la course aux armements navals qui a suivi la Première Guerre mondiale.

Selon le magazine américain National Interest, alors que les grandes puissances maritimes — le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon — investissaient pendant deux décennies dans le développement de porte-avions, la mise en place de procédures de décollage et d’atterrissage, et la création de programmes de formation spécialisés, l’Allemagne restait limitée par le traité de Versailles.

Cela rendait son rêve de posséder un porte-avions pratiquement impossible.

Un ambitieux renouveau du rêve

Avec la montée du parti nazi et la suppression par Adolf Hitler des clauses du traité au milieu des années 1930, la machine de production militaire allemande s’est lancée sans relâche.

Dès ses premiers jours au pouvoir, Hitler a cherché à transformer la Kriegsmarine en une force mondiale. Avec la montée en importance des porte-avions dans les forces navales modernes, le Troisième Reich a voulu sa part de ce type d’armement.

Selon l’accord naval germano-britannique, l’Allemagne était autorisée à construire des porte-avions pour un tonnage total de 40 000 tonnes.

En décembre 1936, les premiers travaux ont commencé avec la pose de la quille du premier porte-avions allemand, nommé « Graf Zeppelin ». Deux ans plus tard, en décembre 1938, il a été officiellement inauguré au milieu de grands espoirs.

Défis et conflits

Le projet a été confronté à d’énormes défis dès le départ, notamment le manque d’expérience allemande dans ce domaine. Contrairement aux Britanniques et aux Américains, qui avaient passé des années à perfectionner leur savoir-faire, les Allemands ont dû s’appuyer sur les conceptions et l’expertise de leur lointain allié, le Japon.

Leurs ambitions ont dépassé les limites théoriques de l’accord, portant le tonnage du porte-avions à 35 000 tonnes, comparable aux porte-avions américains de classe Essex.

Le « Graf Zeppelin » a été conçu pour être le plus rapide au monde, atteignant 35 nœuds, doté d’un armement défensif important et d’un pont de vol blindé. Mais cette puissance structurelle masquait une faiblesse cruciale : la capacité aérienne était limitée à seulement 42 avions.

De plus, les avions prévus — tels que le chasseur modifié Bf 109 et le bombardier Stuka — étaient moins performants que leurs homologues alliés.

Le problème technique n’était pas le seul obstacle : un conflit est survenu entre la marine et la Luftwaffe, chargée de développer la composante aérienne, entraînant d’importants retards dans la conception des avions et la formation des pilotes.

De nombreux dirigeants militaires doutaient de l’utilité du porte-avions dans une guerre priorisant les fronts terrestres et la guerre-éclair (Blitzkrieg).

Rôle et réalité

Théoriquement, le « Graf Zeppelin » aurait pu constituer une menace réelle s’il était entré en service. Il était prévu qu’il opère au sein de la flotte allemande pour fournir une couverture aérienne aux cuirassés comme le Bismarck et le Scharnhorst, ou qu’il participe à des raids contre les lignes commerciales britanniques dans l’Atlantique.

Ses avions de reconnaissance auraient identifié les cibles des convois et ses attaques aériennes auraient compliqué la tâche de la Royal Navy.

Mais le principal obstacle n’était pas le combat en soi, mais la durabilité : faire fonctionner un porte-avions nécessite d’énormes quantités de carburant, de pièces détachées et de munitions, ressources indisponibles pour l’Allemagne en haute mer, surtout face à la suprématie navale britannique.

Une fin tragique

Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les priorités ont changé. Des projets tels que les missiles V1 et V2 et le Messerschmitt Me 262 ont monopolisé les ressources.

La direction allemande a compris que le projet du porte-avions drainait des ressources massives sans retour stratégique garanti, ce qui a entraîné l’annulation de la construction du second porte-avions et l’arrêt des travaux sur le « Graf Zeppelin ».

En avril 1945, dans un geste résumant la tragédie du projet, les Allemands ont volontairement coulé le « Graf Zeppelin » dans la mer Baltique dans le cadre de la politique de la « terre brûlée ». Un an plus tard, les Soviétiques l’ont relevé pour l’utiliser comme cible d’entraînement avant de le couler définitivement en 1947.

Le « Graf Zeppelin » n’a pas échoué en raison de limitations techniques, mais à cause d’un échec stratégique : l’Allemagne a tenté de rattraper un domaine dans lequel ses rivaux avaient passé vingt ans à construire une doctrine navale et aérienne complète. Le projet illustre l’ambition excessive des nazis et démontre que la puissance ne se mesure pas uniquement aux conceptions massives, mais aussi à l’expertise, à la stratégie et aux ressources disponibles.

Caractéristiques techniques :

  • Longueur : 262,5 m

  • Longueur du pont d’envol : 241 m

  • Largeur : 30,5 m

  • Tirant d’eau : 7,6 m

  • Déplacement : 33 000 tonnes (plus de 34 000 tonnes à pleine charge)

  • Vitesse : 35 nœuds

  • Puissance moteur : 200 000 chevaux

  • Autonomie : environ 15 000 km

  • Équipage : environ 1 700 personnes

Armement :

  • 16 canons SK C/28 de 15 cm

  • 10-12 canons SK C/33 de 10,5 cm

  • 22 mitrailleuses lourdes SK C/30 de 3,7 cm

  • Mitrailleuses Flak de 2 cm

Blindage :

  • Ceinture : 100 mm

  • Pont principal : 60 mm

  • Pont d’envol : 45 mm

    Capacité aérienne : environ 42 avions :

    • 20 bombardiers-torpilleurs Fi 167

    • 13 bombardiers en piqué JU-87 modifiés

    • 11 chasseurs Bf 109

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page