Le Soudan dilapide les acquis du gouvernement Hamdok… L’interdiction américaine ravive la stigmatisation terroriste

Les efforts du Soudan pour sortir de la liste des pays soutenant le terrorisme, levée il y a cinq ans, ont été anéantis par une nouvelle décision américaine incluant le pays dans la liste des interdictions de voyage.
La semaine dernière, le président américain Donald Trump a publié une décision interdisant aux ressortissants de 12 pays, dont le Soudan, d’entrer aux États-Unis, invoquant une «présence importante de terroristes» et «l’incapacité à vérifier l’identité des voyageurs».
La décision, entrée en vigueur lundi dernier, suspend complètement l’entrée des ressortissants soudanais — qu’ils soient immigrés ou non — sur le territoire américain.
Vague d’indignation
Cette décision a suscité une vague d’indignation parmi les Soudanais, dénonçant le manque de sérieux dans les efforts de paix, en particulier de la part de l’armée, accusée non seulement d’esquiver les négociations mais aussi d’avoir plongé le pays dans le chaos sécuritaire en s’alliant à des milices islamistes extrémistes.
Sur les réseaux sociaux, des militants ont exprimé leur colère, voyant dans cette mesure une rechute dans le «tunnel obscur du soupçon terroriste», alors que le gouvernement de transition dirigé par Abdallah Hamdok avait réussi à retirer le Soudan de la liste noire après la révolution d’avril 2019.
Ils regrettent l’état actuel du pays sous la direction militaire, estimant que le coup d’État du général Abdel Fattah al-Burhan contre le gouvernement civil en octobre 2021 a directement conduit le Soudan vers un nouvel isolement international.
Le prix du chaos
Le journaliste et analyste politique Mohamed Abdelbagi a déclaré que l’administration américaine n’a eu d’autre choix que d’ajouter le Soudan à la liste des pays interdits d’entrée en raison du «chaos sécuritaire» causé par la guerre en cours.
Il explique que la guerre a affecté les institutions chargées de la gestion de l’immigration et des passeports, compromettant la fiabilité des procédures d’identification, à cause de l’absence de l’État et de la priorité donnée aux opérations militaires.
Il évoque également une détérioration des bases de données officielles en raison des destructions subies par les infrastructures gouvernementales, les réseaux de télécommunication et les systèmes électriques.
Abdelbagi souligne aussi la montée de factions extrémistes affiliées aux Frères musulmans ou à Daech, qui alimente les craintes américaines et motive ce renforcement des restrictions.
Il reconnaît que la décision de retirer le Soudan de la liste noire après 2019 avait été rendue possible grâce à l’émergence d’un État plus stable. Mais la guerre actuelle, impliquant des groupes islamistes, alimente les inquiétudes des pays les plus intransigeants dans la lutte contre le terrorisme.
Outre le Soudan, l’interdiction concerne l’Afghanistan, la Birmanie, le Tchad, la République du Congo, la Guinée équatoriale, l’Érythrée, Haïti, l’Iran, la Libye, la Somalie et le Yémen. Des restrictions partielles s’appliquent également à sept autres pays : le Burundi, Cuba, le Laos, la Sierra Leone, le Togo, le Turkménistan et le Venezuela.
La réaction de SABA
Cette interdiction a provoqué une onde de choc au sein de la population soudanaise, déjà accablée par la guerre, alors que des milliers de personnes cherchent désespérément à fuir.
Depuis avril 2023, le conflit entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide a fait des dizaines de milliers de morts et causé la fuite de plus de 13 millions de personnes, constituant aujourd’hui «la plus grande crise humanitaire mondiale».
L’Association des médecins soudanais américains (SABA) s’est dite préoccupée par les répercussions de cette interdiction sur les professionnels de santé soudanais.
Dans un communiqué, elle précise que 80 diplômés en médecine du Soudan ont été acceptés dans des programmes de résidence ou de fellowship aux États-Unis pour juillet 2025, et risquent d’en être exclus.
SABA craint également que les médecins actuellement aux États-Unis sous visa J-1 soient dans l’impossibilité de rendre visite à leurs familles à l’étranger ou de les faire venir.
L’association affirme collaborer avec ses partenaires juridiques et d’immigration pour trouver des solutions et tiendra ses membres informés de toute évolution.