Le jeu des chiffres dans la course à l’armement : la Russie plus efficace, l’Occident manœuvre

Selon plusieurs rapports récents, les « estimations trompeuses » employées par les pays occidentaux sur le coût des armes russes visent à détourner l’attention des défaillances rencontrées par l’armement américain en Ukraine. Le site Responsible Statecraft affirme que l’Occident tend à gonfler artificiellement le prix des systèmes d’armes russes afin de suggérer que Moscou se trouve dans une situation financière critique, tout en masquant les faiblesses structurelles de son propre complexe militaro-industriel.
En supposant que le coût des armes russes soit comparable à celui des systèmes américains, et en mélangeant les prix d’exportation avec les coûts de production internes, les estimations occidentales se basent sur des « chiffres trompeurs ». Ce gonflement des coûts renforce la narration selon laquelle la Russie subirait une pression économique insoutenable, tout en minimisant les difficultés croissantes auxquelles font face l’Ukraine et l’OTAN face à des missiles et des drones russes relativement peu coûteux mais très efficaces.
Le rapport souligne également que, même si les États-Unis et l’Europe envoyaient l’intégralité de leurs missiles de défense aérienne à l’Ukraine, ils seraient incapables d’intercepter la majorité des frappes russes, en raison des coûts exorbitants des missiles occidentaux et de la lenteur de leur production. En outre, les taux d’interception réels se révèlent bien inférieurs aux projections théoriques.
Pourtant, de nombreux médias et centres d’analyse occidentaux persistent à décrire les dépenses russes comme insoutenables. Par exemple, Forbes Ukraine estimait que la Russie avait dépensé 7,5 milliards de dollars en missiles au cours des deux premiers mois de la guerre, soit 8,7 % de son budget de défense pour 2022. Un article du magazine américain Newsweek, citant cette même source, affirmait qu’une attaque contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes le 19 août 2024 aurait coûté à Moscou 1,3 milliard de dollars. De son côté, l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW) soutenait que la Russie serait « probablement incapable de poursuivre des frappes massives et régulières combinant missiles et drones ».
Cependant, la continuité et l’intensité des opérations russes au cours des six derniers mois contredisent cette analyse. De nombreuses évaluations s’appuient sur un article publié par Forbes Ukraine en octobre 2022, qui estimait les coûts des principaux missiles russes : le Kh-101 à 13 millions de dollars, le Kalibr à 6,5 millions, l’Iskander à 3 millions, le P-800 Oniks à 1,25 million, le Kh-22 à 1 million et le Tochka-U à 300 000 dollars.
Bien que certaines de ces estimations puissent sembler plausibles, elles se rapprochent étrangement du coût de missiles équivalents produits aux États-Unis, ce qui suscite des doutes quant à leur fiabilité. Pour rétablir une perspective plus réaliste, Defense Express Ukraine a proposé des estimations révisées : environ 1,2 million de dollars pour un Kh-101, 1 million pour un Kalibr, 1 million pour un Iskander-R 500, 2 millions pour un Iskander-M 7239 balistique, et 3 millions pour un missile de croisière SS-N-22.
L’opacité du budget militaire russe rend toute estimation incertaine, mais les coûts de production et de développement y restent bien inférieurs à ceux observés aux États-Unis. Le salaire moyen dans l’industrie de défense russe avoisine 1 200 dollars par mois, contre au moins 4 000 dollars pour un ouvrier américain, tandis que les matières premières – acier, titane, composites – y sont également moins chères.
La priorité de la défense russe est l’efficacité et la production de masse, contrairement à l’industrie américaine, davantage orientée vers la rentabilité et la satisfaction des actionnaires. La Russie privilégie généralement l’amélioration graduelle de ses systèmes existants, tandis que les États-Unis poursuivent des innovations radicales et souvent non éprouvées, qui augmentent considérablement les coûts.
Ainsi, l’exagération des coûts des missiles russes contribue à amplifier la perception d’une crise financière à Moscou, tout en justifiant les prix exorbitants imposés par les grands groupes d’armement occidentaux. Ce biais, selon le rapport, masque une réalité stratégique essentielle : l’efficacité économique de la production russe confère à Moscou un avantage durable, tandis que les coûts élevés et la lenteur industrielle de l’Occident constituent une faiblesse majeure dans tout conflit prolongé.










