Grand Maghreb

Le blocage politique remet les milices de l’ouest libyen sous les projecteurs


Les milices armées s’échangent des accusations quant à la poussée du pays vers une « guerre civile » imminente, rejetant l’entière responsabilité de toute escalade sur le gouvernement Dbeibah.

Les mouvements militaires observés dans plusieurs zones de Tripoli ont ravivé le spectre de la division sécuritaire et de la domination des milices, dans un contexte politique fragile marqué par une paralysie persistante et des accusations mutuelles entre institutions de l’État, empêchant tout progrès sur la voie électorale, bloquée depuis des années.

Alors que les Libyens aspirent à un État unifié et stable, les signes d’une nouvelle escalade sur le terrain apparaissent. Des analystes estiment que ces mouvements militaires rapides traduisent une situation de forte tension, exacerbée par le blocage politique et l’effritement de l’autorité de l’État, ce que les groupes armés exploitent pour consolider leur présence dans le paysage politique du pays.

L’analyste politique Abdallah Al-Dibani affirme que les rassemblements militaires en cours à Tripoli reflètent la fragilité du pays en l’absence d’une direction unifiée capable de réguler la situation sécuritaire. Il insiste sur le fait que le véritable danger ne réside pas uniquement dans ces mouvements, mais dans la fragilité même du socle politique. Un simple incident pourrait rapidement dégénérer en conflit ouvert, étant donné les profondes divisions au sein des centres de décision sécuritaires et politiques, selon ses propos rapportés par le site Libya 24.

Al-Dibani ajoute que même si les groupes armés ne prévoient pas une confrontation totale, ils envoient, par leurs démonstrations de force, des messages politiques à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Il avertit que cette situation menace de compromettre les chances d’organiser les prochaines élections et pourrait entraîner leur report indéfini.

Les milices de l’ouest libyen représentent l’un des principaux défis à la stabilité et à l’unification du pays depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Initialement créées pour faire tomber le régime, elles se sont transformées en puissances cherchant à contrôler des zones d’influence et des ressources, provoquant des conflits répétés et affaiblissant l’autorité de l’État.

Le Service de soutien à la stabilité est l’une des milices les plus puissantes à Tripoli, connu pour disposer de drones et gérer des prisons secrètes. Il est opposé au Service de dissuasion, qui contrôle des sites sensibles, dont la prison de Daech. La ville de Misrata, surnommée « l’arsenal de l’ouest », regroupe plus de 20 000 combattants et plusieurs factions armées telles que la Brigade Halboos et la Katiba Hatteen. Ces groupes possèdent des avions et des chars, faisant de Misrata une force clé dans l’équilibre sécuritaire de la région.

Ces milices se disputent l’influence et les ressources, entraînant des affrontements fréquents qui menacent la sécurité et la stabilité. Beaucoup sont impliquées dans des activités telles que la contrebande de carburant, d’armes, de drogues et la traite humaine, ce qui alimente le chaos. Elles sont aussi accusées de violations des droits de l’homme, incluant meurtres, tortures et détentions arbitraires.

Alors que les mouvements militaires se poursuivent de Misrata vers Tripoli, les milices s’accusent mutuellement de pousser le pays vers une guerre civile imminente. La Force de protection de Tripoli a accusé ce qu’elle appelle les « rebelles organisateurs d’une mobilisation militaire agressive » – dont des chefs de milices fidèles au gouvernement d’unité nationale sortant, dirigé par Abdel Hamid Dbeibah – de chercher à entraîner le pays dans une « guerre absurde au service de leurs agendas corrompus et pour s’emparer du pouvoir au prix du sang des innocents ».

Elle a promis une riposte « violente et sans précédent » à toute avancée militaire vers la capitale, tenant le gouvernement Dbeibah pour responsable de toute escalade.

Des chefs de brigades et de bataillons de révolutionnaires à Misrata ont fermement rejeté les mouvements militaires de la force conjointe de Misrata vers la capitale, les qualifiant de « traîtres et de coup de poignard dans le dos de la patrie », dénonçant une tentative de déclencher une guerre civile qui ne profiterait qu’aux ennemis du peuple libyen.

Des appels répétés émergent pour lancer un dialogue inclusif afin de mettre fin aux divisions, unifier les institutions et organiser des élections. Des observateurs craignent cependant que cette situation n’ouvre la porte à des interventions étrangères qui ramèneraient la Libye dans une guerre d’influence internationale.

Trente représentants de coalitions de partis politiques libyens ont exprimé leur inquiétude face au blocage politique persistant. Lors de leur rencontre avec l’envoyée spéciale des Nations unies en Libye, Hanna Tetteh, ils ont souligné l’urgence d’unifier les institutions étatiques, d’accélérer le processus politique et de renforcer la transparence dans la gestion des ressources.

Ils ont exhorté la mission onusienne à garantir l’inclusion de toutes les forces politiques dans les futurs processus politiques, mettant en garde contre les dangers d’un retard prolongé, et soulignant la nécessité d’adopter une approche globale pour permettre la tenue des élections.

De son côté, la représentante spéciale a réaffirmé l’engagement de la mission à travailler avec toutes les parties, insistant sur l’importance du consensus national. Elle a exprimé l’espoir que les partis politiques joueront un rôle actif dans l’impulsion d’un changement positif à tous les niveaux, y compris localement.

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