La réduction de la présence américaine en Syrie déstabilise les FDS

Le retrait affaiblira la capacité des Forces démocratiques syriennes (FDS) à contrôler de vastes territoires dans le nord-est de la Syrie, ouvrant la voie à d’éventuels conflits avec le nouveau régime syrien, les forces turques, voire les cellules de Daech.
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L’envoyé spécial américain pour la Syrie, Tom Barak, a annoncé que les États-Unis avaient commencé à réduire leur présence militaire dans le pays, dans le cadre d’un plan visant à fermer toutes leurs bases militaires en Syrie, à l’exception d’une seule. Cette décision, qui intervient alors que la menace de Daech refait surface dans certaines zones du désert syrien et du nord-est, pose de sérieux défis aux acteurs locaux, notamment les FDS et le gouvernement intérimaire basé à Damas.
Dans une interview accordée lundi soir à la chaîne turque NTV, Barak a déclaré que Washington avait entamé un retrait progressif dans le cadre de l’opération « Inherent Resolve », lancée il y a plusieurs années pour vaincre l’État islamique en Syrie et en Irak. « Nous sommes passés de huit bases à cinq, puis à trois. Et nous ne conserverons probablement qu’une seule base à l’avenir », a-t-il précisé.
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Bien que cette décision s’inscrive dans la continuité de la politique étrangère de l’ancien président Donald Trump, qui prônait un désengagement des guerres extérieures, son timing soulève de nombreuses questions, surtout à l’heure où Daech intensifie ses attaques dans diverses régions syriennes, menaçant le semblant de stabilité qui avait été instauré après sa défaite.
La réduction de la présence militaire américaine n’est pas une nouveauté en soi, mais s’inscrit dans la vision exprimée à plusieurs reprises par Trump selon laquelle les États-Unis ne devraient plus supporter seuls le fardeau de guerres interminables, en particulier au Moyen-Orient. En 2019 déjà, Trump avait tenté un retrait total de Syrie, mais avait dû y renoncer sous la pression interne et internationale, ne maintenant sur place qu’un nombre limité de soldats pour soutenir les FDS et surveiller les mouvements de Daech.
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Aujourd’hui, dans un contexte géopolitique en pleine mutation et avec une administration américaine poursuivant cette ligne isolationniste, le retrait prend de l’ampleur, plaçant les partenaires locaux de Washington – en premier lieu les FDS – dans une situation très délicate.
Des rapports de terrain signalent une recrudescence des activités de l’État islamique, notamment dans la région désertique reliant les gouvernorats de Homs, Deir ez-Zor et Raqqa. Des cellules dormantes du groupe mènent des attaques contre des convois militaires et des positions du régime syrien ainsi que des FDS. Ce regain d’activité montre que l’organisation n’a pas été totalement éradiquée et profite de la baisse d’implication internationale et du retrait américain.
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Sans la présence de la puissance protectrice américaine, les FDS – principal allié de Washington dans la lutte contre Daech – sont confrontées à des défis croissants. Leur capacité à maintenir le contrôle sur de vastes zones du nord-est syrien sera fortement réduite, ce qui pourrait ouvrir la voie à des affrontements avec le nouveau régime syrien, l’armée turque, ou les résurgences djihadistes.
Cette décision a suscité une vive inquiétude chez les Kurdes de Syrie, qui y voient un abandon au moment le plus critique. La Turquie, qui considère les FDS comme une branche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) interdit, a toujours exprimé sa volonté de démanteler tout embryon de structure kurde autonome à sa frontière sud. Depuis 2016, Ankara a mené plusieurs offensives militaires contre les FDS, réduisant leur contrôle sur des zones frontalières stratégiques.
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Dans ce contexte, la récente déclaration du commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, mérite attention : il a évoqué la possibilité d’un dialogue et d’un rapprochement avec Ankara pour résoudre pacifiquement les différends. Ce changement de ton traduit une prise de conscience de la faiblesse des options disponibles face au désengagement américain, et une volonté de rechercher une protection politique alternative pour préserver le projet d’autonomie kurde.
Damas, de son côté, se retrouve face à une réalité complexe. Depuis la destitution de Bachar al-Assad il y a six mois et l’arrivée au pouvoir du président transitoire Ahmed Al-Char’a, l’espoir d’une sortie de la guerre civile longue de 14 ans semblait renaître. Mais la résurgence des menaces sécuritaires et l’augmentation des violences communautaires montrent que le pays est encore loin d’une paix durable.
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Le retrait américain pourrait offrir une opportunité au gouvernement central de regagner du terrain, mais il présente également des risques majeurs : un vide sécuritaire que des groupes armés ou extrémistes pourraient exploiter, dans un contexte de faiblesse des institutions sécuritaires et de tensions au sein du pouvoir transitoire.
La réduction des forces américaines en Syrie reflète un tournant majeur dans la stratégie des États-Unis au Moyen-Orient et traduit une baisse de l’intérêt américain pour la région. Cependant, cette décision intervient dans un climat instable, où menaces sécuritaires, rivalités régionales et incertitudes politiques s’entremêlent.
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Dans ce paysage mouvant, l’avenir de la Syrie semble incertain. Si cette nouvelle phase offre potentiellement une occasion de redéfinir les équilibres, elle est également porteuse de dangers importants, en l’absence d’un engagement régional et international capable d’éviter que le retrait américain ne devienne le prélude à une nouvelle ère de chaos.