Politique

La pression humanitaire à Gaza bouleverse l’équilibre diplomatique occidental en faveur de la reconnaissance de la Palestine


Les positions de la France, du Royaume-Uni et du Canada marquent un tournant international qui rend plus difficile pour Israël d’ignorer les revendications palestiniennes.

Lorsque l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont annoncé en mai 2024 qu’elles reconnaîtraient un État palestinien, les alliés les plus proches d’Israël ont rejeté cette initiative, la qualifiant d’inutile pour résoudre la crise à Gaza.

Bien que la France, le Royaume-Uni et le Canada aient réaffirmé leur soutien à une solution à deux États dans des frontières reconnues, ces pays ont longtemps hésité, craignant qu’une telle reconnaissance soit perçue comme une récompense à l’égard du Hamas. Ils redoutaient également les conséquences sur leurs relations avec Israël et les États-Unis, ainsi que l’éventuelle perte de crédibilité diplomatique.

Le président français Emmanuel Macron avait alors déclaré : « Ma reconnaissance [de la Palestine] n’est pas une décision émotionnelle ».

Cependant, à mesure que les restrictions israéliennes sur l’aide humanitaire aggravaient la crise à Gaza, et après l’échec d’une trêve de deux mois en mars, des discussions sérieuses ont émergé. Trois grandes économies occidentales du G7 ont alors commencé à élaborer des plans visant à reconnaître un État palestinien dès septembre.

Le Premier ministre canadien Mark Carney a déclaré jeudi : « La solution à deux États est en train de disparaître sous nos yeux. C’est l’une des raisons qui nous ont poussés à agir maintenant, avec nos partenaires, pour inverser cette tendance. »

La France et l’Arabie saoudite ont proposé un plan incitant d’autres pays occidentaux à reconnaître la Palestine, en échange d’une position plus ferme des pays arabes à l’égard du Hamas.

Leur objectif était d’obtenir un consensus lors d’une conférence de l’ONU prévue en juin. Mais la tâche s’est révélée ardue, notamment en raison des frappes israéliennes sur l’Iran et de la pression diplomatique exercée par Washington. La réunion a donc été reportée.

Ces frappes ont momentanément mis fin aux critiques publiques occidentales contre Israël, rendant plus difficile l’obtention du soutien arabe. Mais les discussions se sont poursuivies en coulisses. Selon une source canadienne informée, Macron, Carney et le Premier ministre britannique Keir Starmer ont maintenu des échanges constants par téléphone et messages durant les mois de juin et juillet.

Le Canada ne souhaitait pas agir seul, tandis que le Royaume-Uni cherchait à maximiser l’impact de tout geste. Macron, lui, était plus audacieux. Le climat international devenait de plus en plus sensible face aux images d’enfants affamés et aux préoccupations croissantes concernant les opérations militaires à Gaza et les violences de colons en Cisjordanie.

Le 24 juillet, Macron a surpris en annonçant que la France reconnaîtrait l’État palestinien lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre.

Ni Londres ni Ottawa ne l’ont immédiatement suivi. Mais la réaction modérée du président américain Donald Trump, qualifiant l’annonce de Macron de « sans conséquence » tout en le qualifiant « d’homme remarquable », a rassuré sur les risques diplomatiques pour les autres nations.

Deux jours plus tard, Macron a échangé avec Starmer et le chancelier allemand Friedrich Merz sur une voie durable vers la solution à deux États, juste avant la rencontre entre Starmer et Trump en Écosse.

Bien que Starmer n’ait pas publiquement évoqué la reconnaissance de la Palestine, il a insisté sur la nécessité d’accroître l’aide humanitaire à Gaza. Trump, lui, continue de considérer ce type d’initiative comme une « récompense pour le Hamas ».

Pendant que Trump était encore au Royaume-Uni mardi pour inaugurer un parcours de golf, Starmer a rappelé son gouvernement de congé estival afin d’obtenir son aval pour la reconnaissance. La Grande-Bretagne reconnaîtra la Palestine en septembre à moins d’un cessez-le-feu et d’un plan de paix durable de la part d’Israël.

À l’instar de Macron, Starmer a informé Carney seulement quelques heures avant. Le Canada s’est alors senti obligé de suivre.

Six jours après l’annonce française, Carney a déclaré : « La coopération internationale est essentielle pour instaurer une paix et une stabilité durables au Moyen-Orient. Le Canada fera tout son possible pour jouer un rôle de leader dans cet effort. »

Cette reconnaissance ne modifiera pas la situation sur le terrain. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio l’a qualifiée d’« hors contexte ». Les autres membres majeurs du G7 – Allemagne, Italie, Japon – ne prévoient pas d’agir dans la même direction.

Plus des trois quarts des 193 membres de l’Assemblée générale de l’ONU reconnaissent déjà l’État de Palestine. Mais le veto américain empêche une reconnaissance pleine et entière par l’ONU.

Richard Gowan, directeur des affaires onusiennes au sein du Crisis Group, estime toutefois que ces annonces sont importantes : « Elles montrent que des alliés clés des États-Unis rejoignent désormais la majorité du Sud global sur la question palestinienne. »

Et d’ajouter : « Cela rend plus difficile pour Israël d’ignorer le camp favorable à la reconnaissance de la Palestine. »

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