Politique

La France tourne la page au Sénégal… Dakar face aux défis de la souveraineté et du vide sécuritaire


Un moment historique s’est produit avec le retrait des forces françaises de leurs bases au Sénégal. Mais que se passera-t-il ensuite ?

Des experts politiques et des chercheurs spécialisés dans les relations africaines considèrent que le retrait de l’armée française des bases militaires au Sénégal marque un tournant historique, redéfinissant les contours de la souveraineté nationale à Dakar. Il soulève toutefois des interrogations urgentes sur l’avenir de la sécurité en Afrique de l’Ouest, alors que les groupes terroristes s’étendent du Sahel vers les régions côtières.

Si le gouvernement sénégalais considère cette décision comme une avancée souverainiste attendue de longue date, certains analystes alertent sur les répercussions possibles de ce retrait, en particulier le vide sécuritaire que pourraient exploiter des groupes armés de plus en plus actifs dans la région.

La fin de deux siècles de présence militaire française

Le 17 juillet 2025, le camp militaire de Guéyile, situé à Ouakam dans la capitale Dakar, a été le théâtre d’un événement qualifié d’historique : le drapeau sénégalais y a été hissé pour la première fois depuis près de deux siècles, marquant la fin de l’occupation du dernier camp militaire français.

Ainsi s’achève plus de 200 ans de présence militaire française continue dans le pays.

Le journal français Le Courrier International souligne que si la restitution de six bases militaires françaises aux forces armées sénégalaises représente un pas supplémentaire vers la souveraineté revendiquée par Dakar, la coopération n’est pas rompue comme ce fut le cas dans les pays du Sahel.

La presse sénégalaise et africaine a titré à l’unisson : « Le Sénégal récupère ses camps », selon Le Soleil, quotidien gouvernemental, qui a salué une souveraineté désormais pleinement assumée sur six anciennes bases françaises. Le gouvernement y voit « une avancée déterminante vers une indépendance réelle ».

Le journal Le Quotidien a décrit la scène par ces mots : « L’armée française baisse son drapeau… le Sénégal affirme sa souveraineté », soulignant le caractère symbolique et discret de la cérémonie, mais lourd de significations politiques.

Entre affirmation souveraine et vulnérabilité sécuritaire

Le général Mbaye Cissé, chef d’état-major des armées sénégalaises, a qualifié cet événement de « tournant stratégique », saluant la coopération militaire passée avec la France, axée sur la formation et la préparation opérationnelle.

Il a affirmé que le Sénégal est désormais mieux préparé que jamais à assurer la sécurité de son territoire sans dépendre d’une protection étrangère.

Cependant, cette transition n’est pas sans complexités. Pour Jean-Luc Desmaïs, chercheur français au Centre d’études géopolitiques de Paris, « le retrait de la France ne signifie pas une rupture totale avec le Sénégal, mais une redéfinition des relations bilatérales ».

Il estime que « le véritable défi réside dans la capacité à compenser la perte du soutien logistique et du renseignement dans la lutte contre les menaces terroristes venues du Sahel ».

Des rapports de sécurité indiquent que les groupes armés opérant au Mali, au Burkina Faso et au Niger commencent à s’étendre vers les pays côtiers tels que le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Togo, profitant du retrait des troupes étrangères et de la désorganisation de la coordination régionale.

De son côté, Mamadou Niang, chercheur sénégalais en sécurité souveraine au Centre d’études politiques de Dakar, affirme que « ce qui se passe n’est pas simplement un retrait militaire, mais une redéfinition du concept même de souveraineté. Oui, Dakar a récupéré le territoire, mais est-elle prête à le sécuriser réellement ? »

Il insiste sur le fait que « la coopération avec la France doit évoluer d’une logique de dépendance vers un partenariat intelligent, notamment dans les domaines du renseignement et de la lutte antiterroriste ».

Quel avenir pour les relations entre Dakar et Paris ?

Malgré le retrait français, la coopération entre Paris et Dakar n’a pas totalement cessé. Contrairement à ce qui s’est passé dans les pays du Sahel, les liens ne sont pas rompus.

Des sources diplomatiques suggèrent que les programmes de formation et l’échange d’informations devraient se poursuivre, mais dans un cadre respectant pleinement la souveraineté sénégalaise.

Dans ce contexte, Jean-Luc Desmaïs souligne que « les Français se sont retirés militairement, mais ils ne quitteront pas facilement l’Afrique de l’Ouest sur les plans stratégique ou politique. Le Sénégal devient un laboratoire du nouveau modèle de relation entre la France et l’Afrique ».

Selon lui, le retrait peut sembler être une victoire symbolique de souveraineté, mais il porte en lui de lourds défis qui nécessitent une vigilance nationale, une stratégie sécuritaire robuste et des partenariats équilibrés.

« Le Sénégal se tient aujourd’hui à l’orée d’une nouvelle ère, où l’indépendance s’écrit en langage sécuritaire et en maturité politique », conclut-il.

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