Moyen-Orient

« La forêt du bruit » : quand les souvenirs douloureux racontent les décombres de Gaza


Alors que l’homme quitte la scène de la vie, son histoire reste vivante, racontant aux générations les moments gravés dans la mémoire pour ne pas se perdre dans le tumulte des événements.

C’est ainsi que se présente le poète palestinien Moussa Abou Tawha, qui réside actuellement à New York après avoir quitté la bande de Gaza.

Lorsque vous entendez Abou Tawha réciter ses poèmes sur Gaza, ce n’est pas comme ce que les gens décrivent là-bas et les moments difficiles qui ont inspiré ses écrits.

« Nous respirons à l’extérieur, mais à l’intérieur, nous ne le sommes pas », dit-il à la chaîne américaine CNN.

Bien qu’il soit physiquement en vie, Abou Tawha décrit comment l’esprit de la véritable vie s’est effondré après son déplacement de sa patrie, où il travaillait comme enseignant et bibliothécaire, portant les cicatrices de la violence sur « une échelle inexprimable ».

« Nos yeux ne voient rien de beau… Nous ne voyons plus les couchers de soleil comme avant. Nous ne voyons pas la mer. » Pour de nombreux habitants de Gaza, ainsi que pour ceux qui ont fui, la destruction et le désespoir causés par la guerre israélienne ont éclipsé des moments simples de beauté.

Abou Tawha a fui Gaza avec sa petite famille à la fin de l’année dernière, après plusieurs déplacements à l’intérieur de l’enclave palestinienne. Finalement, il a pu sortir car l’un de ses enfants est né aux États-Unis pendant qu’il obtenait sa maîtrise à l’Université de Syracuse, lui accordant ainsi la nationalité américaine.

Le voyage pour quitter Gaza a été long et douloureux, mais au milieu du chaos et de la destruction, il a continué à écrire.

Aujourd’hui, il publie son deuxième recueil de poésie, intitulé « La forêt du bruit », écrit en anglais.

Une partie de ce livre contient des extraits de souffrance. Mais il parle également de survie, comme le dit le poète palestinien dans une interview.

Vivre avec le « bourdonnement » des avions

Abou Tawha explique : « Chaque petit trou dans la rue et chaque petite marque de balle sur le mur, c’est une forêt de bruit. »

Les frappes aériennes, les roquettes et les sirènes des ambulances sont une présence permanente dans la mémoire de Moussa. « Je ne me souviens pas d’un seul jour sans entendre le bourdonnement des drones. »

Son premier livre de poésie, « Des choses que vous pourriez trouver cachées dans mon oreille » (2022), a remporté le prix du livre de Palestine et le prix du livre américain.

Mais pour le fils de Gaza, l’importance de son dernier ouvrage ne réside pas dans son histoire personnelle, mais dans celles des autres. « Ce n’est pas important que j’aie écrit le livre – ce qui compte, ce sont les histoires des personnes qui s’y trouvent. »

Bien que l’écriture soit douloureuse pour Moussa, il la considère comme un acte nécessaire pour se souvenir.

Il reconnaît : « Il est très douloureux pour moi d’écrire de la poésie, tout autant qu’il est douloureux de lire mes poèmes à d’autres personnes. » Mais partager ces histoires est vital, même si le monde semble peu disposé à écouter.

Il ajoute : « Si cette histoire touche le cœur de quelqu’un, alors je fais mon travail en tant qu’humain. »

Survivre

Le dernier livre d’Abou Tawha tourne autour de l’idée de survie et approfondit l’urgence de préserver les histoires de ceux qui sont morts tout en réfléchissant à son existence en tant que survivant.

Il se souvient : « Je sais que leur destin pourrait être le mien. J’ai survécu par accident à une frappe aérienne en 2009 lorsque j’avais seize ans. J’aurais pu être tué dans la frappe aérienne qui a détruit ma maison à Beit Lahia (au nord de la bande de Gaza). »

Le 28 octobre 2023, Israël a bombardé la maison de la famille de Moussa, où il s’était rassemblé avec plus de 20 membres de sa famille après le déclenchement de la guerre le 7 octobre, dit-il.

Deux jours avant la frappe qui a ciblé leur maison, Abou Tawha et sa famille avaient évacué vers le camp de réfugiés de Jabalia.

Il se demande : « Que se passerait-il si je mourais dans ma maison avec toute ma famille ? Les gens viendraient-ils à ma tombe – si jamais il y a une tombe – en disant : Oh, nous sommes désolés pour l’erreur ? »

Des mots pleins de regret, reflétant la peur permanente des Palestiniens à Gaza que chaque instant puisse être leur dernier, et que leur vie soit suspendue au gré des opérations militaires israéliennes.

Expliquer la guerre aux enfants

Aujourd’hui, le poète palestinien lutte pour expliquer les horreurs qui se déroulent dans sa patrie à ses enfants. Il déclare : « Même s’ils comprennent, cela ne les aidera pas. Le plus important est que le monde comprenne cela et fasse quelque chose de concret. »

Alors qu’il a trouvé refuge aux États-Unis avec sa famille, sa déception vis-à-vis de la politique américaine est palpable.

Il se souvient d’un moment où son enfant a confondu les nuages avec la fumée des bombes utilisées par Israël à Gaza.

Pour Abou Tawha, raconter des histoires n’est pas seulement un moyen de se souvenir, mais un appel à l’action. « Si ces gens ne survivent pas, leurs histoires, au moins, survivront. »

Moussa dit que sa cousine âgée de sept ans, Sama, a été tuée dans une frappe aérienne, ainsi que 18 autres membres de sa famille.

Il exprime son frustration envers la communauté internationale, en particulier les États-Unis, qui continuent d’armer Israël. Il s’interroge : « Pourquoi n’ont-ils pas pu arrêter le massacre à Gaza qui touche principalement les enfants ? »

Les parents de Moussa et ses frères et sœurs vivent toujours dans l’enclave palestinienne assiégée. Et il dit d’une voix pleine d’émotion : « Si Dieu ne le veut pas, si je perds l’un de mes proches, je ne pourrai pas leur faire mes adieux. C’est ce que signifie être de Gaza. »

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