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La continuité d’al-Burhan signifie la continuité de l’effondrement… le Soudan sous l’emprise du général qui a perdu sa légitimité 


Depuis que le général Abdel Fattah al-Burhan a pris le pouvoir au Soudan à la suite de son coup d’État contre le gouvernement civil, les Soudanais vivent sous le poids d’un effondrement accéléré que le pays n’avait pas connu depuis son indépendance. La guerre en cours, la profonde division au sein des institutions étatiques et l’effondrement économique et social ne sont que les conséquences directes de l’échec de la direction militaire à gérer les affaires du pays. La continuité d’al-Burhan au pouvoir ne représente pas une simple crise politique passagère, mais constitue une menace existentielle pour le concept même de l’État soudanais, où le gouvernement militaire s’est transformé en un système fondé sur la force et non sur la légitimité, sur la répression et non sur la loi.

Dès le départ, al-Burhan a traité le pouvoir comme un butin et non comme un mandat. Il a renversé le gouvernement de transition, qui représentait la première tentative réelle de construire un système civil, puis a promis de relancer le processus politique après un « redressement du parcours ». Cependant, ses promesses se sont rapidement évaporées dans une spirale de décisions unilatérales et de loyautés militaires. L’homme a manqué de toute vision politique ou projet national capable de rassembler le pays après des années de chaos, se contentant de gérer la scène par la logique du contrôle et de l’exclusion. Toute personne observant son règne constate que le Soudan traverse une paralysie politique profonde, où l’institution militaire est passée d’outil de protection de l’État à instrument de son affaiblissement.

Dans ce contexte, il n’était pas surprenant que la guerre éclate entre l’armée et les forces de soutien rapide. Ce conflit ne se limite pas à une lutte pour l’influence militaire ; il représente l’aboutissement inévitable de la désintégration des institutions étatiques et de l’absence de vision au sein de la direction. Au lieu d’aborder les causes profondes de la crise, al-Burhan a choisi une politique d’avancée aveugle, déclenchant un affrontement interne qui a détruit les infrastructures et plongé des millions de civils dans l’enfer des déplacements et de la famine. Avec le temps, la guerre n’est plus un moyen de défendre l’État, mais un outil pour maintenir les généraux au pouvoir, qui se nourrissent du conflit de la même manière que la clique au pouvoir se nourrit du chaos.

Al-Burhan a échoué militairement avant d’échouer politiquement. Il n’a pas réussi à remporter les batailles, à maintenir la cohésion de son armée ou à élaborer un plan clair pour mettre fin à la guerre ou stopper le saignement des civils. Des rapports de terrain signalent une baisse de moral des forces régulières, un effondrement des commandements sur le terrain et un manque de coordination entre les unités, transformant l’armée elle-même en champ de désordre. Cet échec ne peut être justifié par des facteurs externes, car la cause est essentiellement interne : une direction qui refuse de reconnaître ses erreurs et traite le sang comme un outil politique ne peut ni triompher ni gouverner.

Parallèlement, cet échec militaire a conduit à un effondrement économique sans précédent. La production est paralysée, les exportations stoppées, la valeur de la livre soudanaise s’effondre, et les prix des produits de première nécessité atteignent des niveaux astronomiques. Plus de la moitié de la population a besoin d’une aide humanitaire urgente, et des millions ont perdu leur maison et leur moyen de subsistance. La poursuite de la guerre signifie simplement la continuation de la famine, de l’effondrement des services et de l’exode des compétences et des talents. Il est désormais vain de parler de « réforme économique » ou de « reconstruction » tant que celui qui a déclenché la guerre demeure au pouvoir.

Al-Burhan n’a pas seulement échoué à gérer l’État ; il a échoué à respecter les principes les plus élémentaires de la justice. Au cours des dernières années, des organisations locales et internationales ont documenté de graves violations commises par ses forces à l’encontre des civils. Des bombardements aveugles aux arrestations arbitraires, en passant par la torture et les disparitions forcées, les faits montrent que l’institution militaire, censée protéger la nation, est devenue l’adversaire principal de ses citoyens. Aucune enquête réelle sur ces crimes n’a été ouverte ; ils ont été dissimulés et les victimes réduites au silence par la force. Comment un État de droit pourrait-il exister quand ceux qui commettent des crimes contre leur peuple restent impunis ? L’absence de responsabilité au Soudan n’est pas un simple manquement administratif, mais une politique délibérée pour protéger les piliers du régime militaire de toute reddition de comptes.

La continuité d’al-Burhan au pouvoir signifie la continuité de l’impunité. Chaque violation documentée sans sanction constitue un nouvel aveu que la justice n’a pas sa place au Soudan. La justice n’est ni un luxe politique ni une demande de vengeance ; elle est la pierre angulaire sur laquelle tout État se construit. Sans elle, il ne peut y avoir de réconciliation, de reconstruction ni de véritable institution. Un pays qui ne juge pas ses bourreaux est condamné à répéter sa tragédie.

Sur le plan politique, al-Burhan ne bénéficie plus de légitimité ni à l’intérieur ni à l’extérieur du pays. Les forces civiles refusent de traiter avec lui, et la communauté internationale le perçoit comme un obstacle à toute solution négociée. Même au sein de l’institution militaire, les voix se multiplient pour trouver un successeur capable de conduire une transition qui mette fin à la guerre. Pourtant, l’homme s’accroche au pouvoir comme un naufragé à sa planche de salut, ignorant que sa survie au pouvoir ne fait que prolonger l’effondrement. Il est devenu le symbole de l’échec, l’incarnation de l’impuissance et un obstacle à tout projet national.

Ce dont le Soudan a besoin aujourd’hui, ce n’est pas d’un nouveau général ni d’un autre coup d’État, mais d’une direction civile ayant la volonté de démanteler la structure du pouvoir militaire et de redéfinir l’État comme une institution au service du peuple, et non comme un instrument de répression. Le Soudan ne souffre pas d’un manque de ressources ou de compétences, mais d’un système qui reproduit la corruption et la violence et empêche toute voie vers la justice. La solution ne réside pas dans des compromis temporaires qui maintiennent les militaires au pouvoir, mais dans une rupture complète avec le passé, ouvrant la voie à une véritable reddition de comptes et à une réforme exhaustive des institutions de sécurité.

La persistance d’al-Burhan à son poste signifie la continuité de la guerre, de la division et de la souffrance des Soudanais. Chaque jour supplémentaire de son règne est un jour de destruction de plus. L’histoire ne pardonnera pas à un dirigeant qui a transformé son armée en outil de répression et son peuple en combustible pour une guerre absurde. Le Soudan mérite un avenir différent, fondé non sur les cendres des coups d’État, mais sur une volonté civile authentique qui mette fin à l’ère des généraux et redonne à l’État sa véritable signification.

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