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La civilité comme nécessité nationale… Le Soudan entre effondrement et reconstruction


Au milieu de la guerre qui ravage le Soudan depuis de nombreux mois, il devient chaque jour plus évident que la crise dépasse le simple conflit armé pour le pouvoir ou l’influence. Elle est devenue une menace existentielle pour l’État lui-même, ses institutions et sa capacité à survivre. Avec l’accumulation des destructions dans tous les aspects de la vie, il est clair que le pays a besoin d’une transformation radicale plaçant l’administration civile institutionnelle au cœur du processus politique et administratif, en tant que seule option capable d’arrêter l’hémorragie, de réorganiser l’État, de relancer l’économie et de garantir les services essentiels aux citoyens. Les solutions militaires ont démontré leur incapacité à réduire le chaos, ouvrant plutôt la porte à un effondrement accru au lieu de tracer un chemin vers la stabilité.

L’expérience de l’année écoulée a prouvé sans ambiguïté que l’absence ou l’affaiblissement des institutions civiles ouvre grand la voie au chaos, transformant la vie quotidienne des citoyens en une série de crises continues. L’électricité est devenue un rêve difficile à atteindre, les hôpitaux sont incapables de fournir des soins de base, les écoles ont fermé leurs portes ou été converties en centres d’hébergement, et les marchés fonctionnent dans un désordre complet des prix et une absence de régulation, tandis que la sécurité dépend entièrement de la réalité changeante sur le terrain. Tout cela révèle la fragilité du pays lorsque l’État civil est absent de la gestion des affaires publiques et lorsque l’arme devient la seule référence.

La solution civique institutionnelle n’est ni un choix cosmétique ni un substitut symbolique à un gouvernement politique ; elle constitue le fondement sur lequel se construit un État moderne. L’administration civile détient les outils, les compétences et les règles nécessaires pour gérer les services, administrer l’économie et organiser les ressources. Elle peut distinguer entre l’intérêt général et les intérêts particuliers, entre ce qui sert la société et ce qui sert les parties en conflit. Elle est soumise à des mécanismes de responsabilité et opère selon des lois claires, alors que les forces armées, malgré leurs slogans patriotiques, restent régies par la logique de la force et non par celle de l’État.

Aujourd’hui, le Soudan a un besoin urgent de restaurer la fonction civile comme colonne vertébrale de la vie publique. L’infirmier gérant un service hospitalier, l’ingénieur supervisant l’approvisionnement en eau, l’employé contrôlant les recettes, le comptable suivant les budgets : ce sont les véritables soldats de l’État capables de remettre la vie en mouvement. Les villes qui ont retrouvé une stabilité administrative, même relative, au cours des derniers mois ont démontré que le retour de l’administration civile — même dans sa forme la plus simple — suffit à alléger les souffrances et à créer une vie plus soutenable.

L’économie soudanaise s’est effondrée à des niveaux sans précédent. La monnaie a perdu sa valeur, les taux de pauvreté et de chômage ont augmenté, la production agricole et industrielle a chuté. Tout cela est dû au remplacement de l’économie nationale par une économie de guerre. L’or est exporté en dehors des circuits officiels, les produits de première nécessité circulent via des réseaux d’intérêts, les routes commerciales sont soumises à l’influence de groupes armés et les recettes sont distribuées hors du système financier de l’État. Il est impossible de construire une économie durable dans un tel environnement, et le Soudan ne pourra pas se redresser économiquement sans que l’État civil reprenne le contrôle des ressources et réorganise les flux de finances publiques. L’État est le seul capable de définir des politiques économiques, de conclure des partenariats transparents et de fournir un environnement stable favorable à l’investissement local et étranger.

Par ailleurs, la guerre a démontré que le citoyen soudanais n’est plus prêt à coexister avec une gestion fondée sur la logique du contrôle militaire. Face à l’aggravation des souffrances humaines, l’opinion publique penche de plus en plus pour la civilité comme unique voie de survie. Le citoyen ne recherche pas le pouvoir militaire, mais une institution garantissant l’accès aux médicaments, à l’éducation, à l’eau, à l’électricité, à des routes sûres et à des marchés régulés. Ces besoins élémentaires forment le socle de tout État réussi, et aucune force armée ne peut les satisfaire, quel que soit son pouvoir ou ses ressources, car elle n’est tout simplement pas conçue pour assumer le rôle de l’État.

Dans la recherche d’une solution, il apparaît clairement que le retour à un chemin civil n’est pas une tâche facile, mais il n’est pas impossible. Le Soudan a besoin d’un arrêt complet des opérations militaires, supervisé par une autorité civile neutre ou un organe national légitime. Il nécessite également un gouvernement de transition composé de compétences professionnelles, et non de chefs de conflit. Ce gouvernement peut élaborer un plan d’urgence incluant la réouverture des hôpitaux et des écoles, la restauration des institutions financières et administratives, la fourniture des besoins essentiels en coopération avec des organisations internationales, et l’unification du système administratif entre les États. Ensuite, une vision économique à long terme pourra être construite, permettant au Soudan de retrouver sa place naturelle en tant qu’État possédant des ressources considérables pouvant devenir un véritable moteur économique si elles sont gérées correctement.

Le retour à une solution civile institutionnelle ne signifie pas exclure toutes les parties, mais placer l’État au-dessus de tous et le citoyen avant tout calcul politique ou militaire. Il signifie également reconstruire une relation de confiance entre la société et l’État, fondée sur le fait que les institutions existent pour servir les citoyens et non le pouvoir. Cette relation n’est plus un luxe mais une condition essentielle à la survie de l’État soudanais.

En conclusion, le Soudan dispose aujourd’hui d’une opportunité, certes difficile, de passer de l’effondrement à la reconstruction. Cette opportunité repose sur une idée claire : le Soudan ne peut redevenir un pays stable et vivable que si l’administration civile retrouve pleinement son rôle. La civilité n’est pas un slogan ni un rêve

politique, mais la voie qui peut mettre fin à la guerre, relancer les institutions, bâtir une économie durable et offrir aux Soudanais l’espoir d’un avenir meilleur. La leçon à retenir est que les armes ne construisent pas un État, et que l’avenir n’est pas écrit par les combattants, mais par les institutions civiles qui travaillent en silence pour le peuple. C’est là le cœur de la solution et le chemin que le Soudan doit emprunter pour survivre.

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