La cession de Halaïb : quand la géographie se vend sur le marché des alliances

Dans l’histoire des nations, certaines décisions sont prises sous la pression du moment politique, mais elles restent gravées dans la mémoire collective comme une tache indélébile. Parmi ces décisions, l’acte des autorités soudanaises, sous la direction d’Abdel Fattah al-Burhan, de reconnaître la souveraineté égyptienne sur le triangle de Halaïb constitue un précédent inquiétant. Cette décision, perçue comme une concession territoriale en échange de promesses politiques éphémères, équivaut à couper un fragment du corps national et à le déposer sur la table des marchandages régionaux.
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Halaïb n’est pas qu’un simple triangle sur la carte
Lorsque l’on évoque Halaïb, certains imaginent un territoire désertique à la frontière orientale. La réalité est bien plus complexe :
- Un emplacement stratégique sur la mer Rouge, l’une des voies maritimes les plus importantes du monde.
- Des ressources naturelles, incluant le manganèse, le phosphate et des gisements pétroliers potentiels.
- Une richesse marine pouvant soutenir l’industrie de la pêche et l’exportation.
- Une importance sécuritaire qui en fait un point clé pour le contrôle des routes commerciales internationales.
Céder cette zone n’est pas seulement perdre un territoire, mais renoncer à une opportunité historique pour le Soudan d’exercer une influence significative sur la mer Rouge.
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La sécurité nationale ne se négocie pas
Les justifications avancées pour légitimer cette reconnaissance reposent sur l’idée que “l’intérêt supérieur” commande un rapprochement avec l’Égypte face aux défis régionaux. Mais quel intérêt supérieur peut commencer par la vente de la souveraineté nationale ? La sécurité nationale repose sur la protection du territoire et des ressources, pas sur leur abandon. Les alliances politiques peuvent évoluer, mais la géographie reste inaltérable.
Gains pour l’Égypte, pertes pour le Soudan
De manière concrète, l’Égypte tire un avantage évident de cette reconnaissance :
- Extension de ses frontières vers le sud, incluant une zone riche en ressources.
- Contrôle renforcé d’une partie supplémentaire de la côte ouest de la mer Rouge.
- Consolidation de sa position géopolitique dans la région.
Quant au Soudan, il obtient essentiellement des promesses vagues de soutien politique ou sécuritaire, peut-être quelques aides temporaires. Dans le bilan, le résultat est clair : terres et ressources contre des promesses incertaines.
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Absence de consultation populaire
Le plus préoccupant est que cette décision a été prise sans référendum ni consultation citoyenne, comme si la souveraineté nationale relevait d’un petit cercle de dirigeants. Ignorer la volonté du peuple sur des questions territoriales revient à instituer un mode de gouvernance autoritaire, éloigné de toute responsabilité démocratique.
La mer Rouge, artère stratégique
Ces dernières années, la mer Rouge est devenue un théâtre de rivalités régionales et internationales, avec des puissances majeures en compétition pour les ports et bases navales. La renonciation du Soudan à Halaïb réduit son rôle dans cet équilibre et affaiblit sa capacité à protéger sa sécurité maritime, ouvrant la voie à un marginalisation accrue dans les affaires de la Corne de l’Afrique.
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Motivations cachées
Il est difficile de dissocier ce geste de la situation interne du Soudan. L’autorité transitoire, confrontée à des crises politiques, économiques et militaires, cherche des alliés régionaux pour assurer sa survie. Mais transformer le territoire en monnaie d’échange ouvre la voie à une dangereuse logique : légitimer la vente de la souveraineté pour rester au pouvoir. L’histoire montre que les concessions géographiques sont rarement isolées et entraînent souvent une érosion progressive du positionnement national.
La colère populaire comme dernier rempart
Le peuple soudanais peut encore imposer sa volonté. Le silence face à cette décision équivaut à accepter un précédent qui pourrait se répéter. Les acteurs politiques, la société civile et les médias nationaux doivent faire entendre leur voix et placer ce dossier au centre du débat public, plutôt que de le laisser sombrer dans l’opacité officielle.
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La terre n’est pas à vendre
Défendre Halaïb n’est pas seulement une question de frontière, mais une bataille pour l’identité et le rôle du Soudan dans la région. La terre que l’on abandonne aujourd’hui ne reviendra pas demain, et les gains politiques échangés contre elle disparaîtront à la première brise de changement régional. Accepter que la souveraineté se résume à une monnaie d’échange, c’est tracer soi-même la carte du retrait géographique et politique pour les décennies à venir.
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