Politique

France et Telegram : une relation « codée » malgré les intérêts réciproques


Si vous ouvrez Telegram et recherchez un compte de quelqu’un lié à la politique française, vous remarquerez qu’ils sont connectés ou ont été connectés récemment.

C’est de là que découle la relation ambiguë entre la France et Telegram, ainsi que son fondateur. Elle commence par l’activité intensive de l’entourage d’Emmanuel Macron sur l’application, et ne se termine pas avec l’arrestation du fondateur.

Selon le quotidien américain « Politico », « l’application de messagerie cryptée est utilisée avec passion dans les cercles politiques et médiatiques, y compris par le président français Emmanuel Macron lui-même ».

Lundi dernier, alors que le fondateur de Telegram, Pavel Durov, était en détention par la police française, Macron a été identifié comme étant connecté à la plateforme de messagerie « récemment », selon un ancien député ayant le numéro de téléphone du président français.

Macron est utilisateur de Telegram depuis les premiers jours de sa première campagne présidentielle. Près d’une décennie plus tard, l’application est encore largement utilisée par les membres du gouvernement et les responsables politiques de tous rangs et partis, notamment dans les milieux pro-Macron.

Durov, le fondateur d’origine russe et PDG de Telegram, a été arrêté de manière inattendue à son arrivée en France samedi soir. La raison exacte de son arrestation n’a pas encore été divulguée, mais la période de détention a été prolongée.

Selon un responsable judiciaire français qui ne travaille pas sur l’affaire mais en connaît les détails, cité par « Politico », Telegram a « suscité de la frustration en France en raison de son hésitation à coopérer avec les autorités ».

Réponse de Telegram

Dans un communiqué publié après l’arrestation de Durov, Telegram a insisté sur le fait qu’il « respecte les lois de l’Union européenne » et que son PDG « n’a rien à cacher et voyage beaucoup en Europe ».

La société a ajouté qu’il est « absurde de prétendre que la plateforme ou son propriétaire sont responsables des abus de cette plateforme ».

Inquiétudes en matière de sécurité ?

Récemment, les autorités françaises ont tenté de limiter l’utilisation de Telegram et d’autres applications de messagerie dans les cercles officiels en raison de préoccupations liées à la confidentialité, selon le quotidien américain.

En novembre dernier, l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne a interdit aux ministres et à leurs équipes d’utiliser WhatsApp, Telegram et Signal, estimant que « ces outils numériques présentent des vulnérabilités en matière de sécurité, et donc la sécurité des conversations et des informations échangées ne peut être garantie ».

Des hauts responsables de l’Assemblée nationale française ont également tenté, sans succès, de convaincre les législateurs de « limiter » leur utilisation des réseaux sociaux et services de messagerie, y compris Telegram.

Dans les deux cas, les députés et les membres du gouvernement ont été encouragés à utiliser des alternatives françaises moins connues.

Macron et Telegram : une relation indispensable

Cependant, le parti de Macron lui-même, La République en Marche, continue d’utiliser un canal Telegram pour envoyer des données et des correspondances aux journalistes dans un canal privé comprenant 150 membres de la presse, ainsi qu’au ministère de l’Intérieur.

Macron possède également un canal public par lequel sont partagés des données et des nouvelles, suivi par plus de 30 000 abonnés, tout comme la présidence française.

Lors de la campagne présidentielle de 2017, les responsables de la sécurité français ont déjà averti l’entourage de Macron sur l’utilisation de Telegram.

Selon le quotidien « Libération », un conseiller de Macron a déclaré : « Ils nous ont dit que nous étions sous surveillance, que nous étions à risque de piratage, et que nous devions être prudents avec Telegram, car c’est une application russe ».

Dans ce contexte, Éric Bothorel, un député de La République en Marche spécialisé dans les questions liées à Internet, a admis « l’utilisation continue de Telegram malgré les avertissements assez légitimes ».

Il a décrit les niveaux de protection fournis par Telegram comme « pas les meilleurs, mais pas les pires ».

Christine Pires Beaune, députée socialiste et membre de la direction de l’Assemblée nationale française, a déclaré à « Politico » : « Je n’utilise pas Telegram, seulement les SMS et les e-mails – mais je pense qu’il est beaucoup utilisé [à l’Assemblée nationale] ».

Paul Durov

Quant au fondateur de Telegram et PDG de la plateforme, qui possède également la nationalité émirienne, il a une longue relation avec la France.

L’entrepreneur d’origine russe a obtenu la nationalité française en 2021.

En avril 2023, il a changé son nom légal dans son passeport français en « Paul Durov », une variante française du nom Pavel Durov, comme enregistré au Journal officiel du pays.

Selon le quotidien français « Le Monde », Durov est devenu citoyen français par un processus spécial permettant de « conférer la nationalité à un étranger francophone qui contribue par son travail exceptionnel à l’influence de la France et à la prospérité de ses relations économiques internationales, à l’initiative du gouvernement ». Les raisons ayant conduit à l’attribution de cette nationalité (contribution à la prospérité de la France) n’ont pas été divulguées.

Un porte-parole de la présidence française a déclaré à « Politico » que la demande d’octroi de la nationalité à Durov provenait du ministère des Affaires étrangères. Le ministère des Affaires étrangères a indiqué qu’il « ne fournit pas d’informations sur les procédures de nationalité individuelle ».

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page