Évolution dans les relations maroco-françaises malgré quelques dossiers en suspens et mystérieux
Des experts marocains exhortent Rabat à transformer les tactiques de négociation de Paris en une position claire en vue d'un partenariat
Les relations entre Paris et Rabat sont en phase de renouveau et d’évolution. Des experts estiment que des dossiers en suspens persistent et qu’il y a une certaine ambiguïté française concernant la question du Sahara.
La France souhaite un partenariat avec le Maroc pour récupérer une partie de son influence qui a diminué dans la région.
Rabat – Le Maroc et la France ont récemment échangé des messages positifs concernant le rétablissement des relations entre eux après une « tension silencieuse » qui a duré des années en raison de divergences de dossiers. Cela suscite l’hostilité de puissances régionales opposées aux droits territoriaux de Rabat et à sa souveraineté sur ses territoires. Cependant, certains dossiers demeurent en suspens et la position française à leur égard reste obscure.
La visite du ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, à Rabat le 27 février dernier, est la dernière de ces initiatives visant à apaiser les tensions entre les deux pays de chaque côté de la Méditerranée. Cette visite est la première du genre depuis celle de l’ancienne ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, au Royaume du Maroc en décembre 2022.
La première dame française Brigitte Macron a accueilli, lors d’un déjeuner au palais de l’Élysée le 19 février dernier, trois princesses, sœurs du roi du Maroc, Mohammed VI.
En octobre 2023, Rabat a nommé Samira Sitail, nouvelle ambassadrice à Paris, après une vacance d’un an due à des tensions entre les deux pays.
Ces tensions ont éclaté après que la France a annoncé, il y a plus de deux ans, le durcissement des conditions d’octroi de visas aux ressortissants marocains, algériens et tunisiens, arguant du refus de ces trois pays de délivrer des permis consulaires pour rapatrier des migrants de leurs ressortissants.
Un chercheur marocain a déclaré que la visite du ministre français des Affaires étrangères à Rabat témoigne d’une évolution dans les relations, mais que des dossiers en suspens et une certaine ambiguïté française persistent concernant la question du Sahara, considérant que la France souhaite un partenariat avec le Maroc pour récupérer une partie de son influence qui a diminué dans la région.
Lors d’une conférence de presse à Rabat avec son homologue marocain Nasser Bourita, Séjourné a annoncé une « nouvelle page » dans les relations entre Rabat et Paris préparée par les deux parties. Saluant les relations entre les deux pays, Bourita a déclaré qu’elles étaient « uniques, sans équivalent, et enracinées dans l’histoire sur la base d’intérêts mutuels ».
Il a ajouté que « la relation aujourd’hui entre les deux pays est en phase de renouveau et d’évolution. Un renouveau dans le contenu, les acteurs et l’approche, pour suivre les développements mondiaux ».
Le chercheur marocain Bilal Tlidi a estimé que « la visite du ministre français des Affaires étrangères à Rabat témoigne d’une évolution dans les relations après une période de tension silencieuse entre les deux parties », soulignant que « le choix du ministre français de visiter le Maroc en premier à l’étranger a une certaine symbolique ».
Cependant, il a déclaré que « le langage utilisé par les deux ministres (lors de la conférence de presse à Rabat) montre qu’il y a encore des dossiers en suspens, peut-être que les prochaines visites travailleront à les régler ».
Parmi les dossiers en suspens, selon des observateurs, figurent la question de l’immigration illégale et la situation des mineurs migrants au Maroc vivant dans des conditions difficiles et refusant de retourner dans leur pays, en plus des critiques européennes sur la liberté de la presse au Maroc, que Rabat nie et que Paris serait derrière.
En ce qui concerne le dossier du Sahara, contesté entre le Maroc et le Front Polisario soutenu par l’Algérie, Séjourné a déclaré lors de la conférence de presse que Paris « renouvelle son soutien clair et constant à la proposition marocaine concernant le conflit du Sahara ».
Il a ajouté : « Nous sommes conscients que le conflit sur le Sahara est un enjeu existentiel pour le Royaume du Maroc, et il est temps de progresser, et je veillerai personnellement à cela ».
Rabat propose une autonomie élargie dans la région du Sahara sous sa souveraineté, tandis que le Polisario appelle à un référendum d’autodétermination, une proposition soutenue par l’Algérie qui accueille des réfugiés de la région.
Tlidi a déclaré que « le ministre français des Affaires étrangères s’est efforcé de fournir des déclarations sur les prochaines étapes de son pays en soutien à la position marocaine sur le Sahara, et que sa position progressera dans cette direction ».
Mais il a ajouté : « Cette position reste encore mystérieuse et montre que Paris tient à ce que certains gains soient réalisés avant d’exprimer sa position sur la question du Sahara, car elle ne veut pas encore révéler tous ses contenus ».
Séjourné a proposé à Bourita « d’établir un partenariat de trente ans, comprenant les secteurs des énergies renouvelables, de la formation et du développement de zones industrielles modernes ». Selon Tlidi, ce « partenariat n’est pas clair, car la France veut faire de ce partenariat un moyen de récupérer une part importante de son influence qui a diminué dans la région ».
Les quatre dernières années ont vu le déclin de l’influence française dans la région du Sahel en raison de coups d’État ayant renversé des alliés de Paris au Niger, au Burkina Faso, en Guinée et au Mali.
Tlidi a estimé que « Paris adopte une tactique de négociation basée sur la garantie de participer activement à la stratégie de Rabat envers les pays du littoral atlantique ».
Le 23 décembre 2023, les ministres des Affaires étrangères des pays du Sahel se sont accordés, lors d’une réunion à Marrakech, pour créer une équipe nationale dans chaque pays afin de préparer et de proposer des moyens de mettre en œuvre une initiative internationale lancée par le roi du Maroc pour ouvrir les pays du Sahel à l’océan Atlantique. Outre le Maroc, cette réunion a réuni le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.
Tlidi a appelé son pays à « transformer les tactiques de négociation de la France en une position claire, en préambule à un partenariat ».